Nouvelles parentalités
« ÉCOUTONS LES ENFANTS !» Parce que, trop souvent, les adultes décident pour eux, la section française du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) a choisi de faire vivre ce mot d'ordre pour la Journée internationale des droits de l'enfant. Aujourd'hui 20 novembre - 16e anniversaire de la convention internationale relative aux droits de l'enfant - l'Unicef France organise partout dans le pays des actions de sensibilisation avec le réseau des Villes amies des enfants. Du droit des handicapés à celui des malades, en passant par la citoyenneté, l'environnement, le respect des autres et de soi-même, chacune des 132 cités impliquées manifeste la même volonté : écouter les enfants, faire entendre leur voix et faire connaître leurs droits. « Les célébrer est l'occasion de s'ouvrir à eux, à ce qu'ils pensent et à ce qu'ils ont à dire. »
Spectacles, pièces de théâtre, projections de films, expositions, chansons, jeux, sports, concours, lectures, poésies, ateliers d'expressions artistiques, débats, tout est prétexte à la création autour du thème des droits. Une série de 30 clips, intitulés « Tous les enfants ont des droits », sont diffusés sur une douzaine de chaînes de télévision, à l'initiative de l'association Les Petits Citoyens*.
Les familles recomposées : 1,6 million d'enfants.
Ce 20 novembre, la nouvelle défenseure des enfants, Dominique Versini, nommée le 30 juin dernier en remplacement de Claire Brisset, remet au chef de l'Etat son premier rapport annuel. Il est consacré aux nouvelles parentalités, qui concernent plusieurs millions d'enfants.
En 2006, quelque 1,6 million d'enfants évoluent dans des familles recomposées, dont de 30 000 à 40 000 dans des familles homoparentales** ; 1,9 million d'autres vivent avec leur mère seule ou exceptionnellement leur père, et 64 000 sont placés dans des familles d'accueil par l'aide sociale à l'enfance (ASE). C'est la nouvelle carte des familles à la française, déjà bien dessinée et promise à développement, car, estime Dominique Versini, la société ne fera pas marche arrière pour réintégrer des schémas d'un autre temps.
Pour la défenseure, il est donc utile d' « organiser la circulation » des enfants-valise « avec le moins de chocs possibles ». Car « l'écartèlement » des enfants à la suite d'une rupture familiale n'est pas sans produire de la souffrance : cela représente 36 % des 2 000 plaintes (+20 % en un an), concernant 2 825 jeunes, adressées au défenseur en 2006 (voir encadré).
En tant que pédopsychiatre, le Dr Thierry Choubrac, par ailleurs correspondant territorial du défenseur, voit au moins un ou deux de ces jeunes chaque semaine dans l'unité d'adolescents du centre hospitalier de Béziers (Hérault) où il exerce. « Nous les prenons éventuellement en charge dans le cadre d'une psychothérapie qui peut durer un an pour certains, dit-il au « Quotidien » ; mais la plupart du temps, nous essayons de calmer les choses, avec les parents, en une demi-douzaine d'entretiens. » Hormis pour des troubles du comportement qui peuvent révéler un risque de suicide, il est rare d'hospitaliser l'enfant du divorce.
Mandat d'éducation et partage de l'autorité parentale.
Sur le plan juridique, si la parenté a ses lettres de noblesse, il n'en est pas de même pour la parentalité, définie comme « fonction plus ou moins permanente exercée de fait par un adulte auprès d'un enfant à travers un rôle parental et/ou éducatif ». Alors que, souvent, des tiers qui ont tissé des liens affectifs forts avec l'enfant aspirent à « une meilleure sécurité juridique » dans leurs rapports avec lui dans la vie de tous les jours. A l'occasion d'une rupture, l'absence de reconnaissance de celui qu'on peut appeler « tiers aimant » rend quelquefois le maintien des rapports difficile avec, par exemple, le beau-parent, ou un proche, ou les éventuels « quasi » sœurs et frères auprès desquels le jeune a été élevé.
Dominique Versini préconise donc la création d'un « mandat d'éducation » ponctuel, au profit des « tiers aimants », qui pourraient accomplir tous les actes de la vie courante, ou même des démarches relatives à la santé (intervention chirurgicale), à la scolarité (changement d'école), à la religion ou encore aux voyages à l'étranger***. Ce mandat ferait l'objet d'un enregistrement au greffe du tribunal de grande instance. Dominique Versini propose d'instituer une « convention de partage de l'exercice de l'autorité parentale avec un tiers », pour les actes usuels, homologuée par le juges aux affaires familiales (JAF) à la place d'un jugement. Le législateur devrait aussi rendre plus explicite la possibilité pour le JAF, en cas de décès d'un parent, de confier l'enfant à un tiers (art. 373-3 du Code civil). Et si les deux parents venaient à disparaître, le juge des tutelles pourrait placer l'orphelin, par dérogation au principe d'attribution aux grands-parents, sous la garde d'une personne qui partage déjà sa vie ou qui l'a partagée. Enfin, la défenseure juge nécessaire d'autoriser l'enfant à entretenir des relations personnelles avec le tiers qui lui a été familier, au moins pendant trois ans ; cela peut être le cas pour la famille d'accueil d'où il a été retiré pour rejoindre sa mère biologique.
Actuellement, seuls sont admis légalement, depuis 2002, le principe de la co-parentalité qui survit à toutes les séparations et le droit pour les ascendants de conserver des liens avec leurs petits-enfants. « L'important, c'est d'éviter les traumatismes de la rupture », insiste Dominique Versini, qui, pour avoir dirigé pendant dix ans le Samu social de Paris, sait que nombre de SDF ont une enfance chargée en « placements » et en « déplacements ». En offrant un statut aux « tiers aimants », c'est le bien-être qu'on assure, en évitant toute médicalisation des « enfants en circulation ».
* http://www.lespetitscitoyens.com/clips.
** Dominique Versini a été nommée défenseure des enfants par décret de Jacques Chirac, le 30 juin 2006.
** Selon l'Association des parents gays et lesbiens, 300 000 enfants vivent avec deux femmes ou deux hommes, à la suite d'une adoption par l'un des deux partenaires, d'une insémination artificielle à l'étranger par donneur, du recours à une mère porteuse, ou à un géniteur-« père fictif ».
*** Une proposition de loi de la députée UMP Valérie Pécresse instaure, elle, une « délégation de responsabilité parentale » assortie d'un enregistrement obligatoire et excluant les actes importants (santé, scolarité, religion, voyages, etc.).
Les motifs de recours
- 7 % des recours au défenseur des enfants portent sur la santé ou le handicap ;
- 18 % concernent des enfants étrangers isolés ou en famille (à Paris, 5 000 familles avec enfants, susceptibles d'être déboutées dans leur demande de régularisation, vivent à l'hôtel) ;
- 10 % portent sur la scolarité ;
- 9 % évoquent des difficultés sociales et de logement ;
- 8 % ont pour sujet le placement ASE et des mesures éducatives ;
- 4 % font état d'abus sexuels et de maltraitance.
Des correspondants territoriaux
Le Défenseur des enfants*, qui se veut une « caisse de résonance », c'est aussi 44 correspondants territoriaux (indemnisés 300 euros par mois), chargés de jouer un rôle de médiation. Parmi eux, on compte deux pédopsychiatres, les Drs Françoise Finon (Bouches-du-Rhône) et Thierry Choubrac (Hérault), et un pédiatre, le Dr Michèle Damay (Sarthe). Trente autres seront mis en place dans les trois prochaines années.
Par ailleurs, dès 2007, 20 jeunes de 18 à 25 ans vont être recrutés dans le cadre du service civil volontaire, en partenariat avec Unis-cité**, dans la région francilienne, à Lyon et à Strasbourg, afin de promouvoir pendant six mois les droits des enfants à l'école et dans les quartiers. Ils auront un contrat de 26 heures par semaine, pour un salaire mensuel de 600 euros.
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