LE PREMIER MINISTRE, Jean-Marc Ayrault a reçu mardi, et successivement, tous les syndicats, pour préparer une grande conférence sociale qui aura lieu en juillet, donc après les élections générales. Indubitablement, le gouvernement agit avec la confiance que lui inspire la quasi-certitude d’avoir une majorité parlementaire issue non du seul PS, ce qui semble impossible, mais d’une alliance avec les écologistes et, peut-être, le Front de gauche. Un peut-être important, car la surenchère d’une extrême gauche au pouvoir limiterait la liberté de manœuvre d’un deuxième gouvernement Ayrault. Si les perspectives de la gauche s’améliorent sur le plan politique, grâce à des sondages qui éloignent la crainte de la cohabitation, elles sont de plus en plus mauvaises sur le front économique et financier. Il y aurait 90 plans sociaux en préparation, un casse-tête pour le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg. La crise de l’Espagne, qui a besoin d’une soixantaine de milliards pour éviter les faillites de ses banques, s’ajoute à l’énorme boulet grec. Les taux auquels les pays du sud européen empruntent deviennent prohibitifs. Seul atout pour la France : jamais le taux auquel elle emprunte n’a été aussi bas, même si le différentiel avec l’Allemagne est d’au moins 1 %.
Prudence recommandée.
Dans ces conditions, une politique économique et sociale, nécessairement appuyée sur des prévisions à court et long termes, doit être d’une prudence extrême. Si elle est volontariste, si elle consiste à lâcher du lest aux syndicats, si elle commence par un retour partiel à la retraite à 60 ans, si elle se borne à augmenter le SMIC d’une manière susceptible d’affaiblir les petites et moyennes entreprises, elle entraînera l’ensemble du pays sur une pente qu’il risque de ne pas remonter. François Hollande souligne ses succès : il a mis en place une relation courtoise, sinon chaleureuse, avec Angela Merkel, ce qui lui permet de dénoncer le « suivisme » de Nicolas Sarkozy quand il était aux affaires (l’ancien président a, en réalité, fait le maximum avec la faible marge de manœuvre qui résultait du rapport de forces avec l’Allemagne). Sa proposition d’initiative en faveur de la croissance a été applaudie par l’Italie, par d’autres gouvernements européens, et surtout par les États-Unis, ce qui a permis à M. Hollande d’apparaître comme un interlocuteur désormais privilégié de Barack Obama. Il a engagé un dialogue avec le Royaume-Uni au sujet de la terrible crise syrienne. Il s’est rendu en Afghanistan, et en est revenu en annonçant le rapatriement de la moitié du contingent avant le 31 décembre (et non de sa totalité). Il ouvre le dialogue social.
LE SUCCES DE LA COMMUNICATION NE PREJUGE PAS DE LA POLITIQUE SOCIALE A VENIR
Tout cela est bel et bon. Mais : on ne sait toujours pas comment on financera les retraites des personnes qui ont commencé à travailler à partir de 18 ou 19 ans et qui ont cotisé pendant 41 ans ; on ne voit pas comment M. Montebourg pourra empêcher la plupart des licenciements dans les entreprises qui ferment leurs portes, le ministre s’étant d’ailleurs empressé de poser une limite à ce qu’il peut faire ; un simple coup de pouce au SMIC risque d’entraîner de nouvelles fermetures de PME ; quant à la croissance, M. Hollande en est au même point que M. Sarkozy qui jurait qu’il y irait « la chercher avec les dents ».
Le président Hollande a un atout, c’est le calme olympien qu’il affiche en toute circonstance, comme si les mauvaises nouvelles ne l’atteignaient jamais. Jusqu’à présent, il a surtout réussi sa communication, en donnant le sentiment que les événements se plient à sa volonté et qu’il bénéficie d’un état de grâce, notamment dans ses relations avec les Européens et les États-Unis.
Ni les syndicats, parfaitement au courant des difficultés que le pays affronte, ni l’extrême gauche, qui ne croit guère aux promesses du candidat devenu président et souhaite qu’il rompe tout rapport avec la banque et la finance (comme si c’était possible, sauf à provoquer des chamboulements de type révolutionnaire), ne nourrissent beaucoup d’illusions. Même les ouvriers menacés par les plans sociaux se contentent de se réjouir de la méthode humaniste de nos nouveaux dirigeants, sans trop en attendre. Sur ce qui va se passer dans les mois qui viennent, le gouvernement est dans l’incertitude. En revanche, il ne lui est pas difficile d’imaginer le pire. Ce pire qui exige plus de mesures conservatoires que de prodigieuses avancées sociales.
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