Fracture vertébrale

Les promesses de la kyphoplastie

Publié le 03/12/2006
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19 Congrès Français de Rhumatologie
Paris La Défense, du 3 au 6 décembre 2006

LA KYPHOPLASTIE est une technique qui consiste à insérer, à l’aide d’un guide introduit par voie transpédiculaire dans une vertèbre tassée, un petit ballonnet vide. Dans un premier temps, il est gonflé d’air afin de ré-expandre la vertèbre, quelle que soit la cause de son tassement (ostéoporose, affection maligne, etc.). Dans un deuxième temps, un ciment (le même que celui utilisé pour les prothèses de hanche) est injecté. L’intérêt de la kyphoplastie par rapport à une simple « cimentoplastie » est que l’on espère récupérer une partie de la hauteur de la vertèbre qui a été fracturée, grâce à l’injection d’air par le ballonnet. Les résultats obtenus avec ces deux techniques montrent, à court terme, une amélioration comparable de la douleur liée au tassement vertébral.

Eviter l’installation progressive de déformations.

L’objectif ultérieur que l’on espère atteindre avec la kyphoplastie est d’éviter les déformations qui s’installent progressivement lorsqu’il y a plusieurs fractures, en restituant le volume et la hauteur de la vertèbre tassée par l’injection d’air et de ciment ; et donc, à terme, d’améliorer la qualité de vie des patients. En effet, dans les ostéoporoses anciennes où les tassements sont nombreux, une cyphose dorsale importante s’installe, avec son cortège de troubles respiratoires et de douleurs.

Une étude européenne sur 300 patients.

Une grande étude européenne, l’étude FREE, a été menée récemment en Suède, Ecosse, Allemagne, Belgique et France. Trois cents patients, dont 78 % de femmes, âgés en moyenne de 73 ans, souffrant d’ostéoporose (à l’exception de trois d’entre eux atteints de myélome) et ayant eu au moins un tassement vertébral récent et douloureux ont été inclus dans l’étude. Initialement, une IRM a été pratiquée à tous les malades. Elle montrait des signes de tassement récent « actif ». Les résultats de 269 patients ont pu être analysés à un mois (population per-protocole). Les malades ont été randomisés en deux groupes : ceux traités par kyphoplastie (n = 135) et ceux qui bénéficiaient d’un traitement médical conventionnel associant du repos, un traitement antalgique et éventuellement un corset (n = 134). A l’inclusion, les deux groupes étaient comparables. Il est à noter que 27 % des patients du groupe kyphoplastie et 24 % du groupe traitement conventionnel souffraient d’une ostéoporose déjà sévère, avec plus d’une vertèbre tassée. Le critère principal était la qualité de vie, déterminée à partir de la composante physique du questionnaire de qualité de vie SF 36, qui comporte une composante physique et une composante mentale (traduisant le retentissement psychologique de la douleur). La composante physique du SF 36 était de 25 dans les deux groupes.

Des résultats per-protocole à un mois en faveur de la kyphoplastie.

Les résultats à un mois ont mis en évidence une différence significative entre les patients traités par kyphoplastie par rapport à ceux bénéficiant d’un traitement conventionnel. D’une part, la composante physique du SF 36 a été améliorée de 7 points dans le groupe kyphoplastie contre 1,8 point dans le groupe traitement conventionnel. D’autre part, l’amélioration moyenne de la douleur sur l’échelle numérique (100 mm) a été de 33 mm dans le groupe traité par kyphoplastie contre 1 cm dans le groupe traitement conventionnel au septième jour ; et 3,3 cm dans le groupe traité par kyphoplastie contre 14 mm dans le groupe traitement conventionnel à un mois (p < 0,0001). En terme de tolérance, il n’y a pas eu d’effet secondaire sérieux, notamment lié à l’injection de ciment ou à l’insertion du ballonnet. Il s’agit donc d’une technique qui a un excellent profil de tolérance et dont l’efficacité à court terme sur la douleur, la fonction et la qualité de vie est supérieure au traitement médical conventionnel. Les résultats définitifs à deux ans, attendus pour 2007, permettront de préciser si cette supériorité persiste et si la kyphoplastie peut enrayer l’histoire naturelle des tassements vertébraux ostéoporotiques. Bien qu’elle soit relativement chère, cette technique apparaît donc très intéressante. Néanmoins, un certain nombre de questions se posent pour l’avenir. Quelle va être la solidité des vertèbres situées au-dessus et au-dessous de la vertèbre dans laquelle le ciment a été injecté ? Ne vont-elles pas se fragiliser au contact d’une vertèbre devenue plus rigide ? Enfin, compte tenu de la relative facilité et faisabilité de la méthode, ne serait-il pas intéressant d’étendre ces injections à davantage de vertèbres ? Pour le moment et par prudence, ces injections sont limitées aux patients souffrant d’une ostéoporose particulièrement sévère et dont les douleurs vertébrales restent actives après plusieurs semaines de repos, car on sait qu’un grand nombre de douleurs vertébrales disparaissent en une huitaine de jours.

D’après un entretien avec le Pr Bernard Mazières, président d’honneur de la SFR, CHU de Toulouse.

&gt; Dr MATHILDE FERRY

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8064