Par le Dr L. Mignot*
POUR présenter en France l'épidémiologie des cancers du sein, on a longtemps dû utiliser des données chiffrées anglo-saxonnes : il existe maintenant, grâce au travail du réseau Francim et de l'Inserm, des données françaises qui permettent de suivre l'évolution épidémiologique des cancers, en général, et des cancers du sein, en particulier. Les données d'incidence (nouveaux cas apparus chaque année) sont recueillies par quatorze registres du cancer et estimées sur la France entière : en 2000, en France, le nombre estimé de cancers chez la femme est de 120 000, dont 42 000 cancers du sein ; ce chiffre est de 60 % supérieur à celui de l'année 1980 ; il s'agit probablement en partie d'un effet du dépistage, car la mortalité par cancer du sein est à peu près stable depuis vingt ans (11 000 décès par an).
Le dépistage concerne la France entière.
Un programme de dépistage a été mis en place graduellement en France depuis la fin des années 1980. A la fin 1998, il concernait trente départements, contre quarante-neuf à la fin d'avril 2003. Depuis janvier 2004, le dépistage est proposé sur tout le territoire national ; son objectif est d'inviter l'ensemble des femmes de 50 à 74 ans à subir une mammographie tous les deux ans, chez le radiologue de leur choix, qui doit toutefois être inscrit sur une liste de radiologues habilités. Le coût des examens est pris en charge à 100 % par l'assurance-maladie. Près de 12 000 cancers ont été détectés par le dépistage, dont 2 216 en 2000. Le taux de cancers sans envahissement ganglionnaire atteint 71 % en prévalence comme en incidence. Malheureusement, le bilan de l'expérience dressé par l'Institut de veille sanitaire montre que, sur l'ensemble des trente-deux départements concernés jusqu'à fin 2002, le taux global de participation des femmes n'a été que de 43 %, avec des maxima à 60 % dans certains départements et des minima à 20 % dans d'autres ; l'objectif fixé par la Communauté européenne est un taux de participation de 60 %, seuil nécessaire pour aboutir à une baisse significative de la mortalité.
Cancers métastasés, une nouvelle ligne de traitement.
L'hormonothérapie est toujours un des traitements de référence des cancers du sein métastasés hormonosensibles, c'est-à-dire présentant des récepteurs hormonaux positifs sur les biopsies : le tamoxifène a été longtemps le chef de file de l'arsenal thérapeutique ; il est maintenant devancé en efficacité par les antiaromatases (produits qui inhibent la production d'estrogènes surrénaliens) ; cette dernière classe se compose de produits non stéroïdiens (létrozole et anastrozole) et d'un produit stéroïdien (exémestane) qui n'ont pas une action croisée : on peut donc avec succès utiliser l'un puis l'autre selon le dogme qu'il n'y a pas d'intérêt à associer deux molécules d'hormonothérapie, mais qu'il vaut mieux les utiliser successivement.
La pharmacopée vient récemment de s'étoffer avec la commercialisation d'un nouvel antiestrogène de mécanisme d'action différent du tamoxifène, le fulvestran (Faslodex*) : après échappement au tamoxifène et aux deux groupes d'antiaromatase, ce produit permet d'obtenir encore un bénéfice sur la maladie chez 20 à 30 % des patientes ; avec les progestatifs, ce sont ainsi six lignes d'hormonothérapie que l'on peut utiliser successivement dans cette maladie, prolongeant d'autant la durée de vie.
Surexpression du gène Her2.
Le gène Her2 (de la famille des gènes de croissance épithéliale) est surexprimé chez 20 % des patientes atteintes de cancer du sein ; la recherche de cette surexpression se fait en immunohistochimie sur les lames histologiques de la tumeur primitive ou de la métastase ; il s'agit d'une détermination indispensable pour la prise en charge du cancer du sein métastasé ; quand elle est significativement présente (+++) ; elle témoigne :
- d'une plus grande agressivité de la tumeur,
- d'un risque de résistance au tamoxifène, même en présence de récepteurs hormonaux positifs,
- d'un risque de résistance aux anthracyclines,
- de la possibilité d'utiliser un anticorps spécifique (Herceptine) qui, associé à une chimiothérapie par taxanes, augmente la durée de vie des patientes : le traitement (incompatible avec l'utilisation des anthracyclines, du fait d'une cardiotoxicité cumulée) doit être commencé le plus tôt possible et poursuivi tout au long des différentes lignes thérapeutiques.
Nouvelles indications des traitements adjuvants.
La chimiothérapie adjuvante est consensuellement indiquée chez toutes les patientes avec extension ganglionnaire de moins de 65 ans : le traitement de référence était jusqu'à présent l'utilisation de six cures d'un protocole avec anthracyclines (FEC, le plus souvent) ; il est maintenant démontré que l'adjonction du taxotere améliore encore la survie, mais au prix d'une toxicité hématologique augmentée : soit six cures du protocole TAC (taxotere, adriamycine, endoxan), soit trois cures de FEC 100, puis trois cures de taxotere.
Le tamoxifène (20 mg/j pendant cinq ans) était jusqu'à présent le traitement hormonal adjuvant de référence de la femme ménopausée présentant des récepteurs hormonaux positifs ; il est maintenant démontré que l'anti-aromatase anastrozole (Arimidex) est plus efficace pour diminuer le risque de rechute ; son administration est également orale à la dose de 1 mg par jour pendant cinq ans ; il n'a pas de toxicité utérine, mais un effet négatif sur le métabolisme osseux, d'où un risque d'ostéoporose à surveiller au fil des années ; il reste à connaître la place respective de ces deux hormonothérapies, soit concurrentielle, soit complémentaire ; des études sont en cours pour déterminer la meilleure stratégie d'utilisation de l'hormonothérapie adjuvante.
* Dr L. Mignot , service d'oncologie, hôpital Foch, Suresnes.
Les nouveaux facteurs pronostiques du cancer localisé
Un consensus international concernant le traitement adjuvant des cancers du sein est défini tous les ans lors d'une réunion hivernale à Saint-Gallen en Suisse : il y a un mois, les experts ont décidé de modifier les facteurs pronostiques des cancers du sein sans extension ganglionnaire ; classiquement étaient considérés comme à haut risque de rechute (30 %) les tumeurs de plus de 2 cm, récepteurs négatifs ou de grade histologique III ; il est maintenant recommandé de prendre en compte deux nouveaux facteurs qui doivent donc être systématiquement recherchés : la présence d'emboles vasculaires et la surexpression du gène Her2 ; ainsi, pour être considérée comme une tumeur à bas risque de rechute pouvant ne pas justifier d'un traitement adjuvant, une tumeur du sein doit être inférieure à 2 cm, de grade 1, récepteurs hormonaux positifs, sans embole vasculaire, sans surexpression significative du gène Her2 et sans extension ganglionnaire.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature