LA REFLEXION sur l'utilisation des antibiotiques s'inscrit dans le cadre d'un mouvement général de qualité des soins, tant en médecine de ville qu'en médecine hospitalière. Il s'agit de définir des règles de bon usage de ces médicaments, notamment dans leurs indications les plus courantes. Ce besoin est renforcé par l'émergence de résistances bactériennes. Un phénomène qui a pris des proportions très importantes, pouvant aller jusqu'à des situations certes rares, mais non exceptionnelles, de résistance à tous les antibiotiques usuels. Et la préoccupation des infectiologues est d'autant plus grande que les perspectives de nouveaux antibiotiques dans les prochaines années sont quasiment nulles.
Il a donc fallu s'engager dans une politique de gestion patrimoniale des antibiotiques actuellement disponibles. D'où une mobilisation générale à la fois des médecins et des vétérinaires (pathologie animale dans les élevages) pour tenter d'arrêter ou, mieux, de diminuer l'évolution des résistances bactériennes et, ainsi, de préserver l'efficacité des antibiotiques. Cette politique de mobilisation collective repose sur deux arguments : l'existence de preuves des liens entre la consommation des antibiotiques et les résistances des bactéries et la démonstration, par quelques expériences menées en particulier dans les pays nordiques, d'un impact positif de la réduction d'utilisation des antibiotiques sur ce phénomène.
Les recommandations.
Les recommandations pour le bon usage des antibiotiques à l'hôpital, proposées en août 1996 par l'Andem-Anaes, restent d'actualité. En effet, les règles scientifiques sur lesquelles elles sont fondées, ainsi que l'organisation de la dispensation et l'utilisation des produits, sont toujours valides. En ce qui concerne les commissions des antibiotiques, dont la mise en place dans les établissements avait été suggérée à l'époque, il a fallu attendre la circulaire du 2 mai 2002 (1) pour officialiser leurs missions et les fonctions des médecins référents. La composition de la commission, indique notamment la circulaire, « repose sur des critères de compétence dans le domaine de l'antibiothérapie et de représentativité des spécialités les plus concernées : maladies infectieuses, anesthésie, réanimation, médecine interne, pneumologie, ORL, pédiatrie, onco-hématologie, etc. ». La publication de cette circulaire intervient dans le cadre du plan 2001-2005 proposé par les pouvoirs publics pour « préserver l'efficacité des antibiotiques aussi bien en ville qu'à l'hôpital ». Le Comité national de suivi du plan, créé en mars 2002, se réunit régulièrement pour faire le point sur les démarches entreprises dans ce cadre.
La campagne de sensibilisation du public « Les antibiotiques, c'est pas automatique ! » lancée en 2002 par l'assurance maladie, constitue l'une des applications importantes du plan. Avec la formation des médecins généralistes et leur information à l'occasion d'entretiens confraternels avec les praticiens-conseils du régime général, elle a joué un grand rôle dans l'évolution de l'usage des antibiotiques. A noter également l'impact des recommandations définies par la Spilf en mars 2002 lors d'une conférence de consensus portant sur le thème de l'amélioration de la qualité de l'antibiothérapie dans les établissements de soins. La société savante a proposé, entre autres, l'intervention à la demande ou sur alerte d'un clinicien référent en infectiologie, chargé d'assurer un conseil et un « compagnonnage pédagogique » et de coordonner l'activité de la commission des anti-infectieux.
Fléchissement.
Officiellement, un fléchissement net de la consommation des antibiotiques en ville a d'ores et déjà été constaté. D'après les chiffres de la Cnam, issus de la comparaison entre les prescriptions faites lors du second semestre 2002 et de la même période de 2003, la baisse est de 10 %. Pour les hôpitaux, les informations sont moins précises, mais les données disponibles indiquent une stabilisation de l'utilisation des antibiotiques.
L'avènement des tests de diagnostic rapide du streptocoque A dans la prise en charge des angines a été une opportunité pour mener une action plus générale sur les antibiotiques. La profession a choisi ce thème de façon préférentielle pour ses actions de formation médicale continue 2002-2003. Dans ses études sur le recensement des résistances bactériennes et des infections nosocomiales, le Clin a aussi ajouté des items sur la prescription et la consommation des antibiotiques.
Les décideurs - essentiellement les payeurs, en l'occurrence la Sécurité sociale - et les professionnels se sont donc unis dans une démarche logique, dont l'intérêt est conforté par de nombreux indicateurs. Il y a tout lieu d'être optimiste, estime le Pr Choutet, dans la mesure où la réduction de la consommation des antibiotiques passe par une sensibilisation des médecins, des malades et du public. Qu'il s'agisse des enquêtes d'opinion du grand public et des médecins ou des enquêtes de consommation, toutes vont dans le même sens. Cet effort, qui a été mobilisateur, doit être poursuivi. Enfin, un travail de recherche doit être mené pour améliorer les outils diagnostiques cliniques et paracliniques, car un diagnostic incertain conduit à un usage inadapté et excessif des médicaments en général et, plus particulièrement, des antibiotiques.
* CHU de Tours.
(1) DGS/SD5A n° 2002-272.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature