CEPENDANT, on constate depuis plusieurs années une légère tendance à la diminution de l'incidence et de mortalité chez l'homme alors que chez la femme la fréquence de ces cancers augmente régulièrement, et une tendance générale au rajeunissement chez l'homme comme chez la femme : en 20 ans, l'âge moyen au moment diagnostique a diminué d'au moins 5 ans. En revanche, la proportion des tumeurs diagnostiquées à un stade avancé (2/3 des cas) ne varie pas.
Dans la plupart des cas les cancers des voies aéro- digestives supérieures sont en rapport avec une intoxication alcoolo-tabagique. Néanmoins, actuellement on observe un peu plus de tumeurs apparaissant chez des sujets qui n'ont jamais fumé et ne sont pas des consommateurs excessifs d'alcool, notamment chez les sujets jeunes (15 à 25 ans) et les sujets âgés.
Les progrès réalisés au cours de ces dix dernières années sont liés : à ceux de l'imagerie en coupe et de l'imagerie métabolique qui permettent d'assurer une définition plus fine de la tumeur et de ses extensions et à ceux de la biologie qui permettent d'entrer dans l'intimité de la tumeur pour mieux la caractériser, à ceux, d'une part, de la chirurgie, de la radiothérapie et de la chimiothérapie et, d'autre part, au concept d'une démarche pluridisciplinaire assurant un programme de soins personnalisé et une prise en charge globale du malade à l'hôpital comme en secteur libéral.
En chirurgie, un des progrès importants dont les résultats sont bien validés est le développement de la chirurgie réparatrice notamment avec des lambeaux libres pour compenser les pertes de substances : lambeaux libres soit cutanés (avant-bras), soit musculaires (dos ou cuisse), pour reconstruire des tissus mous, soit osseux (péroné, omoplate) pour reconstruire de l'os. Ce sont des techniques, qui maintenant se font en routine, mais qui en aucun cas ne permettent d'opérer un malade inopérable. Elles permettent de mieux opérer des patients opérables (exérèse plus large de la tumeur) et de faire des réparations cosmétiques et fonctionnelles de très bonne qualité.
La chirurgie endoscopique au laser se développe notamment pour les tumeurs du larynx, en France elle est encore réservée aux tumeurs relativement limitées.
En radiothérapie il y a trois grandes améliorations pour la pratique quotidienne :
1) la modification du fractionnement
On utilise actuellement deux grands protocoles, soit le bi- fractionnement, c'est-à-dire deux fractions par jour à la même dose tout au long du traitement, soit une technique appelée « concomitant boost » qui consiste à faire deux séances par jour uniquement à la fin du traitement.
2) L'association concomitante de radiothérapie et de chimiothérapie. Ces modalités (modification du fractionnement et radiochimiothérapie concomitante) apportent un bénéfice incontestable en termes de survie et de contrôle loco-régional, mais aussi une toxicité aiguë plus importante, notamment une mucite qui reste le problème le plus préoccupant en raison de son impact sur la qualité de vie, sur la déglutition, l'alimentation. Cette complication, relativement difficile à gérer lorsqu'elle survient chez des patients en mauvais état général, amène à proposer une gastrostomie prophylactique soit par voie endoscopique soit sous contrôle radiologique pour éviter une aggravation de la dénutrition.
3) La radiothérapie par modulation d'intensité qui permet d'ajuster le volume irradié à la forme et à la taille tumorale et de moduler l'intensité du rayonnement à l'intérieur du champ d'irradiation. C'est une radiothérapie hyperprécise parfaitement adaptée au volume tumoral qui permet d'éviter d'irradier les tissus avoisinants (les parotides, par exemple) et, en cas de nouvelle irradiation, de focaliser sur une zone bien précise.
Le traitement médical.
Dans ce domaine, les progrès sont liés d'une part aux soins de support (prise en charge algologique, psycho-oncologique, nutritionnelle, rééducation, prise en charge des aspects sociaux qui font partie intégrante du plan de traitement...), d'autre part aux chimiothérapies et à l'optimisation des schémas de chimiothérapie, en particulier dans le cadre de protocoles de préservation d'organes.
La première avancée est le bénéfice apporté par le docetaxel dans le cadre d'un protocole chimiothérapie d'induction suivie de radiothérapie. Son association à la chimiothérapie type cis platine-5 FU chez des patients atteints de cancers évolués de la tête et du
cou améliore les chances de survie et de contrôle de la maladie avec une meilleure tolérance à la chimiothérapie et à la radiothérapie.
La deuxième avancée est l'intérêt des drogues bioréductives comme, entre autres, la tirapazamine, active en milieu hypoxique. L'hypoxie est le principal handicap pour la radiothérapie des tumeurs évoluées souvent hypoxiques. La tirapazamine potentialise la radiothérapie de ces tumeurs.
La troisième avancée actuelle est l'approche avec les thérapeutiques moléculaires ciblées.
Le cetuximab, anticorps monoclonal chimérique dirigé contre le facteur de croissance épidermoïde (EGRF) est la seule à avoir fait l'objet d'une étude randomisée (1) qui ait démontré son intérêt : le cetuximab associé à une radiothérapie à haute dose prolonge la survie sans progression de la maladie des patients atteints de carcinome épidermoïde évolués de la tête et du cou sans majorer les effets toxiques (notamment la mucite) associés à la radiothérapie.
Plusieurs autres molécules sont en cours de développement : antiangiogenèse, antityrosines kinases, inhibiteurs de la cyclo-oxygénase, inhibiteurs de la farnésyl transférase.
Les thérapeutiques ciblées seront dans les 5 à 10 années à venir une voie de recherche et d'application clinique importante, mais actuellement les stratégies thérapeutiques tenant compte de toutes ces avancées ne sont pas encore clairement définies.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Louis Lefebvre, centre Oscar-Lambret Lille.
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