UN COLLOQUE pour «désamorcer le cannabis dès l'école» est organisé aujourd'hui au lycée Paul-Bert de Paris (14e), en présence d'élèves, à l'initiative de l'Académie de médecine et du rectorat de Paris. «Il est temps que l'enseignant quitte le registre libertaire du cannabis, si l'on veut agir préventivement, de manière efficace, en milieu scolaire», dit au « Quotidien » l'un des participants, le Dr Philippe Nuss, responsable de la consultation cannabis* à l'hôpital Saint-Antoine (Paris). Il ne s'agit pas de transformer les professeurs en psychothérapeutes, «mais de leur donner les moyens de comprendre que l'usage de joints chez les jeunes se révèle délétère. Car, à partir de ce qu'ils enseignent ou incarnent pour leurs élèves, ils constituent des relais de prévention majeurs aux côtés des médecins et des infirmières scolaires».
Le psychiatre parisien, par ailleurs chercheur Inserm en biologie moléculaire, met l'accent sur les troubles de l'attention, notamment sélective, et de l'apprentissage. L'usage régulier de cannabis – à 17 ans, 16 % des garçons et 6 % des filles fument au moins un joint par jour – prive le sujet de mémoire et de sa capacité de sélectionner des messages ou des informations qui lui sont communiqués. «Je ne parle pas de crise de psychose ou de marginalisation que cela peut induire, mais simplement des retombées en classe. Le lundi matin, après un samedi-dimanche de fumette, nombre de jeunes piquent du nez sur leur pupitre», souligne le praticien. L'enseignant, ajoute-t-il en substance, doit savoir aussi que les compétences sociales s'en trouvent réduites. Le syndrome d'indifférence, caractérisé par une perte de motivation, favorise «un effet de groupe entre personnes ayant peu de codes d'échanges, d'aptitudes relationnelles, en particulier langagières».
En outre, le fumeur de cannabis vit «dans la confusion des émotions ressenties». «Etre en colère, en manque (de produit) ou triste revient au même. Il se sent “véner” (énervé), et “zappe” cet état en allumant une cigarette ou en passant un coup de téléphone.» Les professeurs ne sont pas sans ressources. «Plutôt que de procéder à des analyses de textes basées sur la linguistique», un enseignant pourra par exemple «développer des analyses de textes à partir des sentiments de l'élève. Cela l'aidera à concevoir ce qui se passe dans sa tête, dans son intérieur, jusqu'à trouver les mots pour le dire». Mais pour que ça marche, insiste le Dr Nuss, il faut que l'enseignant soit convaincu que fumer des joints n'est pas synonyme de liberté. «Ils ne rendent pas libre, ils déscolarisent.»
* Cette consultation fait partie de l'unité de psychiatrie pour pathologies débutantes du CHU Saint-Antoine du Dr Philippe Nuss.
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