C'EST EN INAUGURANT Hôpital Expo que Philippe Douste-Blazy a jeté ce pavé dans la mare (« le Quotidien » d'hier) : un « premier classement (officiel) des hôpitaux et des cliniques » sera effectué dès 2005, a-t-il annoncé, en ajoutant que, guidé par un « devoir de transparence », son ministère établira ce palmarès à partir d'une « panoplie d'indicateurs de performance » fondés sur des « critères objectifs, simples et compréhensibles, qui permettent à tous de connaître l'efficacité de l'hôpital qu'ils choisiront ».
L'Inserm, a précisé depuis au ministère la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos), a déjà commencé à travailler sur certains de ces indicateurs (relatifs au traitement de la douleur ou à l'accompagnement de fin de vie) qui sont actuellement testés dans 35 établissements et feront l'objet d'une évaluation à l'automne.
Surprise à l'hôpital. Car personne - pas même certains supposés maîtres d'œuvre du futur hit-parade, comme l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes, voir encadré) - n'avait vu venir le ministre et sa toise. Et si, au fil des ans, les hospitaliers ont fini par s'habituer aux palmarès publiés par la presse grand public (voir ci-dessous), c'est une autre paire de manche que de voir se profiler un classement labellisé par le ministère de la Santé (sous-entendu : dont les conclusions peuvent être suivies d'effets). Alors, pour une poignée de convaincus, comme Jean-Olivier Arnaud, président du Syndicat national des cadres hospitaliers (Snch) - « On n'a pas à craindre ce type de classements » - ou le Dr Rachel Bocher, qui préside l'Intersyndicat national de praticiens hospitaliers (Inph), - « Rien n'est pire que ce qui est obscur, un mauvais classement permettra non pas de dire qu'un hôpital est mauvais mais bien d'identifier un dysfonctionnement » -, les sceptiques, voire les opposants, sont légion.
Non pas que l'hôpital rejette la transparence. L'idée, au contraire, a fait son chemin depuis que, en 2000, les établissements ont commencé à être accrédités par l'Anaes, et plus personne ne s'oppose à la diffusion de l'information hospitalière. « L'inégalité d'accès à l'information, entre un patient lambda et celui qui, par sa profession ou par ses relations, a une connaissance du milieu est une des plus grandes inégalités qui perdurent dans le système de soins », résume le président de la Coordination médicale hospitalière, le Dr François Aubart.
« Poudre aux yeux ».
Ce qui coince, c'est donc la mise en forme de l'information livrée au grand public. « Les classements, assène le Dr Pierre Faraggi, président de la CHG (Confédération des hôpitaux généraux), c'est de la poudre aux yeux ! Il y a tellement de biais... » Pour le ministère, l'écueil est à la fois technique et presque philosophique. Mesurer la performance des hôpitaux n'est pas une petite affaire - et faut-il, d'abord, la mesurer à l'échelle d'un hôpital tout entier ou bien par discipline ou par services... ? La méthodologie, avec un grand « M » n'existe pas (l'Anaes tâtonne sur ce dossier depuis deux ans). Les indicateurs sont multiples ; leur pondération est toujours sujette à caution. En bref, tonnent de nombreux hospitaliers, une liste des hôpitaux, du meilleur au plus mauvais, ne voudra rien dire. « Que fera-t-on du premier ? Que fera-t-on du dernier ? », s'interroge le Pr Roland Rymer, président du Syndicat national des médecins des hôpitaux (Snam). Si l'on veut éclairer la population, il faut aller au-delà du simple palmarès. »
L'Anaes n'était « pas au courant »
A en croire le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, Edouard Couty, le classement des hôpitaux et des cliniques sera « le fruit d'un partenariat entre le ministère de la Santé, l'Anaes [Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé] et toutes les fédérations d'établissements ». Pourtant, au lendemain de l'annonce par Philippe Douste-Blazy de la publication prochaine d'un tel classement, Alain Coulomb, le directeur général de l'Anaes, interrogé par « le Quotidien », avoue être tombé des nues en lisant les journaux : « Je n'étais pas au courant de ce projet, le ministère ne m'en a jamais parlé, je viens de l'apprendre par la presse. » Point de concertation préalable entre le ministère de la Santé et l'Anaes, donc. Alain Coulomb se dit « surpris » par cette initiative unilatérale. « Perplexe », aussi. « Je m'interroge sur l'objectif visé, poursuit le directeur général de l'Anaes. J'imagine que cela répond à un besoin de la part des usagers. Mais je rappelle que l'Anaes essaye de rendre visible ses comptes-rendus d'accréditation pour le plus grand nombre. Alors, si ce classement s'e révèle être un sous-produit de nos travaux, honnêtement, je n'en vois pas l'intérêt. » Créée en 1997, l'Anaes, qui, fin 2003, avait visité 1 147 des 3 836 établissements de santé français dans le cadre de l'accréditation, publie régulièrement ses comptes-rendus d'accréditation sur son site Internet (www.anaes.fr) ; le grand public peut y trouver des informations sur la qualité de la prise en charge globale du patient pour chacun de ces établissements. >>>> D. CH.
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