La chef de file de l’Association des professionnels de santé du 93 est partagée. « Notre manifestation du 4 mars dernier pour protester contre les agressions et la violence faite aux médecins a été très suivie. Patients, confrères, beaucoup de gens sont venus nous soutenir. » Mais dans le même temps, sa consœur gynécologue, frappée par un jeune patient et dont l’agression avait initié la manif a fini par déplaquer. Ainsi qu’une de ses collègues pédiatre. « Elles se sont réinstallées dans un quartier plus tranquille, plus vert et plus sécurisé... »
Reste que la manifestation et les attaques contre les professionnels de santé de Pierrefitte et de Stains ont été entendues par les pouvoirs publics. Qui ont décidé de réagir. « Le préfet nous a assuré que veiller à notre sécurité était pour lui primordial. Nous allons monter un groupe de travail avec les différentes personnes concernées pour étudier les dispositions à prendre pour améliorer nos conditions d’exercice. Une
prochaine réunion avec le préfet est programmée pour le 18 avril », explique le Dr Joselyne Rousseau.
Que pense cette généraliste installée en solo à Pierrefitte (voir Le Généraliste n°2555) des mesures annoncées par le ministre de la Santé, Xavier Bertrand pour garantir un exercice sécurisé aux professionnels de santé ?
Un numéro d’appel dédié
« En fait, cela fait déjà deux ans que nous avons mis en œuvre certaines de ces dispositions. » Comme le numéro d’appel dédié. En cas de problème, le Dr Rousseau et ces confrères n’appellent pas le commissariat, mais directement l’état-major. Quant à la vidéosurveillance, la généraliste a déjà placé une caméra à l’entrée de son cabinet. « Ce que nous voulons c’est que la ville soit sécurisée, pas seulement le cabinet.?» À l’instar de ses confrères de Vénissieux et de Villeneuve-la-Garenne, Joselyne Rousseau rappelle que les victimes de violence sont l’ensemble des habitants de la commune, « pas uniquement les professionnels de santé ». Même si ces derniers font malgré tout une cible de choix.
D’autant que les choses ont changé ces dernières années. « La protection du médecin de quartier par les grands frères, c’est quelque chose qui appartient au passé ». Le Dr Rousseau se souvient d’une visite, « il y a dix-douze ans », dans un immeuble de la cité qui jouxte son cabinet. « Je me suis fait embrouiller par deux jeunes, rejoints deux minutes plus tard par trois malabars. J’ai eu peur. J’ai imaginé que j’allais être tabassée, violée… » En réalité, les trois costauds étaient venus clarifier les choses auprès des ados : « Elle, c’est le médecin. Vous la laissez tranquille?».Aujourd’hui, le Dr Joselyne Rousseau pense qu’un tel scénario dans lequel les « gosses » de la cité protègent leur médecin a peu de chances de se reproduire. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle entend baisser les bras. « Il faut casser l’image de ghetto que renvoient trop souvent les “banlieues de pauvres”. » Le taux de chômage est à 26 % à Pierrefitte, « ça n’excuse rien mais ça peut contribuer à expliquer certaines choses. Sur ce terrain-là, aussi il faut agir », explique celle qui « aime sa commune d’exercice. Franchement, je ne me verrais pas du tout exercer dans une banlieue huppée ». La peur de l’ennui, sans doute !
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature