« Douze mois pour mettre en place et diffuser les outils de la maîtrise médicalisée »: l'appel au monde de la santé avait été lancé par Jacques Chirac, lors du congrès de la Mutualité, à Toulouse, en juin dernier.
Trois mois plus tard, la délégation du CNPS invitée à l'Elysée à un déjeuner annuel « convivial » (déjà le cinquième du genre) a répondu favorablement à la requête présidentielle. Un engagement d'autant plus symbolique qu'il est intervenu devant Jean-François Mattei, également présent aux agapes. « Ce qui ressort clairement de cette entrevue, c'est la volonté collective et partagée de la profession, au-delà des revendications corporatistes inévitables (17 professions sont intervenues), de participer pleinement à la modernisation du système et de relever le défi qui lui est demandé », résume le Dr Jacques Reignault, président du CNPS. Selon lui, « plus personne ne peut croire que la réforme de la Sécu n'aura pas lieu ».
Lors de ce déjeuner, Jacques Chirac a en effet confirmé le « calendrier exigeant » de la réforme avec un projet qui devra être prêt « à l'été ». « Chirac a donné le coup d'envoi, tout devra être bouclé au 14 juillet », confirme le Dr Michel Chassang, président de la CSMF. Dans le cadre d'une responsabilité « partagée » de tous les acteurs, les professionnels de santé sont disposés à prendre « toute leur part ». « Le CNPS a pris l'engagement solennel de développer dans les douze mois les outils et la culture de la maîtrise médicalisée », affirme le Dr Reignault, qui a cité « l'évaluation des pratiques, le respect des recommandations et des références, la FMC, le partage de l'information, le décloisonnement, les accords de bon usage des soins, la mise en place de groupes de pairs, l'interprofessionnalité et la coordination des soins ». « Le rendez-vous est pris pour l'été prochain », a précisé un participant au déjeuner.
« Dérive américaine »
Pour le chef de l'Etat, qui a insisté sur « l'exigence de qualité », le devoir de « maîtrise » mais aussi la « culture du dialogue et du contrat », le chemin du retour à l'équilibre des comptes à l'horizon de la législature ne doit pas être perdu de vue.
Définition du panier de soins, réforme du partenariat conventionnel, avenir de la permanence des soins, articles contestés du PLFSS 2004 : plusieurs autres sujets ont été abordés, ou plutôt survolés, car l'exercice exclut d'aller très loin dans l'analyse. En revanche, le chef de l'Etat s'est livré à un long développement sur la « judiciarisation des professions de santé ». Redoutant une dérive à l'américaine, il a explicitement demandé à son ministre de la Santé de légiférer (encadré).
Dans de courtes interventions, les responsables des syndicats de médecins libéraux avaient au préalable rappelé au chef de l'Etat leurs attentes et fait connaître, parfois, leurs états d'âme. Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, a regretté que les généralistes aient été trop souvent « montrés du doigt» ces derniers temps. Canicule, trou de la Sécu, arrêts de travail... « Les généralistes, et probablement nombre d'autres professionnels de santé, ont mal », a martelé le Dr Costes. Ils sont d'autant plus « ulcérés » que les pouvoirs publics seraient prompts à couvrir de louanges le milieu hospitalier. Les représentants des médecins de ville n'ont pas manqué de souligner leurs « succès » récents dans le domaine des bonnes pratiques et de l'optimisation des dépenses : baisse des visites à domicile, diminution des prescriptions d'antibiotiques, percée des génériques. « On peut faire mieux sans demander plus », a expliqué le Dr Costes. « Les professionnels de santé ont respecté leurs engagements », ajoute le Dr Chassang. Selon la plupart des participants, le dialogue entre les professionnels de santé et les plus hautes autorités de l'Etat se poursuit, « vivace » pour l'un, « poli » pour un autre. « Dans un climat de confiance », résume, sans doute à juste titre, la CSMF.
RCP : le président veut une loi
Les responsables des syndicats médicaux ont relevé que Jacques Chirac a demandé à son ministre de la Santé, en leur présence, de légiférer pour enrayer la judiciarisation croissante des professions de santé. Selon le Dr Michel Chassang, président du syndicat CSMF, le chef de l'Etat a déclaré que le trop grand nombre de recours contre les praticiens « ne fait pas l'affaire des patients, (ni) des médecins, (ni) de la santé, mais seulement l'affaire des avocats ». Le Dr Dinorino Cabrera, président du SML, y voit « une prise de conscience » de Jacques Chirac au sujet du « risque assurantiel », en particulier pour des spécialités médicales tout particulièrement concernées comme la gynécologie-obstétrique, la chirurgie et l'anesthésie-réanimation.
Le président de la République « estime que la crainte des poursuites judiciaires ne doit pas paralyser le médecin dans sa prise de risques », rapporte le Dr Pierre Costes. Cette crainte incite le praticien à diriger le patient vers un autre maillon de la chaîne de soins, et surtout vers des structures plus lourdes. « C'est une préoccupation forte pour nous aussi, poursuit le président de MG France, dans le cadre de la permanence de soins et des processus de régulation téléphonique ».
A. B.
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