LE VIN serait-il asphyxié par la santé publique et la loi Evin en particulier ? Le vin, dont « la consommation modérée est reconnue bénéfique pour la santé », se plaît à souligner la Fédération des grands vins de Bordeaux. Heureusement que la canicule a permis de faire grimper de 7,6 % la consommation de rosé, sinon la filière vin aurait accusé une baisse des ventes largement plus importante que les 2 % enregistrés en 2003. A l'exportation, la chute est de 9 % pour les onze premiers mois de l'année. Dans les restaurants, les bouteilles ont disparu de la table des consommateurs dans la proportion de 15 à 20 %.
Baisse programmée de 20 % de la consommation en 2005-2009.
Face à cette évolution, amorcée depuis plus de trente ans - les Français boivent « moins et autrement » - et à la veille des élections régionales, les vignerons tirent la sonnette d'alarme. Au banc des fauteurs de troubles, la défense de la santé publique est pointée du doigt à travers la loi Evin (1991) qui réglemente les campagnes publicitaires des alcooliers. « On nous agresse sans aucune justification ni en termes de sécurité ni en termes sanitaires », dit le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux. « La coupe est pleine. »
Tout le monde, bien sûr, ne fait pas la même analyse. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie constate que les problèmes d'alcool sont à l'origine de 45 000 décès par an et entrent pour 10 % dans les dépenses médicales, soit 10 milliards d'euros en 2003. Dans le projet de loi sur la santé publique actuellement en discussion au Parlement, les pouvoirs publics prévoient de faire baisser la consommation d'alcool de 20 % au cours des cinq prochaines années. De son côté, l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa) déplore que la loi Evin, à l'origine contraignante à l'affichage, soit « constamment détournée ». Les vins de Bordeaux sont assignés devant le tribunal de grande instance de Paris, le 8 mars, pour non-respect de la législation dans leur campagne « Buvons moins, buvons meilleur ». Fin 2003, les vins de Bourgogne ont été condamnés lors d'une procédure identique.
Une politique d'éducation à l'alimentation ouverte au vin.
L'alcool, et le vin notamment, font partie du patrimoine culturel français : qui y touche s'expose aux foudres des alcooliers. Leur lobby est fort de 200 000 exploitations, de 300 000 emplois directs et de 17 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 7,5 milliards à l'exportation. En 2003, les caisses de la Sécurité sociale en ont profité à hauteur de 2,9 milliards euros grâce aux taxes. Les vignerons, unis électoralement, reçus à Matignon hier, n'auront pas manqué de rappeler la place qu'ils occupent. « En stigmatisant le vin, on se trompe de cible », dit la Fédération des grands vins de Bordeaux qui veut placer « la consommation du vin dans le cadre d'une politique d'éducation à l'alimentation ». D'ores et déjà, dans l'espoir d'être entendu des électeurs, vignerons et buveurs, le sénateur socialiste de l'Aude, Roland Courteau, a déposé une proposition de loi visant à instaurer une distinction entre alcools et vins, afin que ces derniers soient écartés du champ d'application de la loi Evin.
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