DÉFICIT OBLIGE, les arcanes financières de la Sécu sont passées au crible. Au sein de l'Assemblée nationale, la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale (Mecss) commence aujourd'hui ses auditions hebdomadaires et publiques. La mise en place de la Mecss résulte de la loi du 13 août 2004 sur la réforme de l'assurance-maladie, dont l'article 38 permet à l'Assemblée nationale et au Sénat de créer une telle structure de contrôle. Composée de 18 députés et coprésidée par Jean-Marie Le Guen (PS) et Pierre Morange (UMP), cette mission rattachée à la commission des finances de l'Assemblée attaque ses travaux en examinant l'organisation et le coût de gestion des branches de la Sécurité sociale (1). Les députés de la Mecss sont, certes, soucieux de l'utilisation de l'argent public, mais également en quête de données actualisées susceptibles de les éclairer lors de la discussion à venir au Parlement sur la réforme des lois de financement de la Sécu (Lfss).
En effet, comme il l'avait annoncé l'an dernier, le gouvernement s'apprête à réviser en profondeur le contenu des Lfss votées chaque année depuis le plan Juppé de 1996. Un projet de loi organique (2) sera soumis au conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) le 17 février, puis présenté au conseil des ministres le 23 février, en vue d' « une première lecture du texte au Sénat en mars », précise-t-on au ministère des Solidarités, de la Santé et de la Famille. Le ministre Philippe Douste-Blazy prévoyait en octobre que ce projet de loi organique serait déposé au Parlement « avant la fin de l'année 2004 », mais son élaboration a pris du retard.
Cohérence et crédibilité.
Dans l'exposé des motifs de son projet de loi organique, le gouvernement entend « donner plus de cohérence, de crédibilité et de sens aux lois de financement de la Sécurité sociale ». L'introduction d'une programmation pluriannuelle des dépenses, sur quatre ans, constitue la principale innovation du texte qui devrait s'appliquer dès l'automne au Plfss pour 2006. Le Plfss serait ainsi « accompagné d'un rapport soumis au vote qui décrit les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général », ainsi que l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam) « pour les quatre années à venir », précise le projet de loi organique. N'étant plus enfermé dans une seule année, le Plfss pourrait à l'avenir rectifier la loi de financement en cours et contenir des dispositions affectant l'équilibre financier de la Sécu sur un ou plusieurs exercices ultérieurs.
Le Parlement serait amené à « se prononcer (aussi) sur le solde des régimes obligatoires de base et sur celui du régime général » puisque les mesures du Plfss ont bien sûr un impact sur chacun d'entre eux. En cohérence avec le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances, le Plfss rénové inclurait un « tableau d'équilibre » des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses dans chaque branche (maladie, vieillesse, famille, accidents du travail/maladies professionnelles).
Le champ du Plfss serait un peu élargi pour englober tous les sujets touchant de près ou de loin aux comptes de la Sécu (comme la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie).
Le projet de loi organique confie par ailleurs à la Cour des comptes « la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité » des comptes des différents régimes (à partir du Plfss 2008).
La portée du vote du fameux Ondam, maintenant purement indicatif, serait « renforcée sensiblement », selon l'exposé des motifs, grâce à sa décomposition en « sous-objectifs » dans le Plfss. Rappelons que ces sous-objectifs par champ d'activité (soins de ville, hôpital, établissements médico-sociaux...) ne sont, jusqu'à présent, pas votés par les parlementaires mais seulement précisés par le gouvernement lors du débat sur le Plfss.
Le texte injecte progressivement (sur trois ans) « une démarche objectifs-résultats » dans le budget de la Sécu, sur le modèle des conventions d'objectifs et de gestion (COG) signées entre l'Etat et les différentes caisses nationales depuis 1996. Elle se traduira en annexe par des « projets de performance de la politique de Sécurité sociale » (par exemple, l'accès de toute la population au système de soins dans la branche maladie), avec, à la clef, un diagnostic, des objectifs quantifiés (gestion du risque, qualité de service rendu, évolution du coût de gestion...), des indicateurs et des moyens pour atteindre ces objectifs.
Enfin, le projet de loi organique contient des modifications de procédure (ordre de discussion, vote d'objectifs par branche, dépôt des amendements).
Le débat au Parlement au printemps sur ce texte promet d'être riche, puisque le député UMP du Bas-Rhin, Yves Bur, a déjà déposé une proposition de loi sur le thème qui va plus loin. Yves Bur envisage en effet l'interdiction de la méthode habituelle du « rebasage » systématique des dépenses d'année en année, qu'il juge « perverse ».
(1) La Mecss prévoit de se pencher aussi en 2005 sur le financement des établissements d'hébergement pour personnes âgées et sur le plan Biotox.
(2) Les lois organiques précisent et appliquent des articles de la Constitution qui y font référence. Une majorité absolue des membres de l'Assemblée est requise pour leur adoption en cas de désaccord du Sénat. Mais l'accord du Sénat est obligatoire pour les lois organiques qui le concernent. Le Conseil constitutionnel est automatiquement saisi des lois organiques.
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