Lupus et athérosclérose
Le lupus érythémateux disséminé systémique atteint essentiellement les femmes jeunes entre 20 et 40 ans. Or, celles-ci ont un taux de complications cardio-vasculaires (de 8 à 10 % d'atteintes coronariennes) plus élevé que la population générale appariée pour le sexe et l'âge.
Cette relation lupus-athérome a été mise en évidence par des études épidémiologiques américaines, essentiellement canadiennes, portant sur de grandes cohortes.
Plusieurs causes sont invoquées : le surpoids lié à la corticothérapie ; les corticoïdes eux-mêmes qui modifient le profil lipidique ; l'hypertension artérielle liée à l'atteinte rénale lupique mais aussi au mode de vie plus sédentaire de ces femmes et tabac ; le diabète cortico-induit ... « Ce sont là les habituels facteurs de risque cardio-vasculaire, note le Pr Olivier Meyer. La différence chez les femmes lupiques, c'est que la maladie vasculaire se révèle vingt ans plus tôt que chez les autres femmes. »
La dyslipidémie (hypercholestérolémie et souvent hypertriglycéridémie) retrouvée chez ces femmes n'est pas seulement imputable à la corticothérapie mais est en partie spécifique de la maladie.
« Le lupus est un facteur de risque de maladie cardio-vasculaire indépendant des précédents, précise le Dr Meyer. La maladie lupique elle-même suffit à augmenter le risque coronarien. »
Des explications immunologiques
Ces malades atteints de lupus développent des anticorps, en particulier des anticorps dirigés contre les phospholipides qui ont sûrement un rôle dans la genèse des complications cardio-vasculaires du fait de leurs interactions avec l'endothélium vasculaire. Celui-ci, altéré, présente certaines dysfonctions et, notamment, ne produit plus assez de facteur fibrinolytique. Cette action vient potentialiser au niveau de la plaque d'athérome celles des autres facteurs de risque.
Il existe aussi des analogies intéressantes entre la physiopathologie de l'athérome telle qu'on la conçoit aujourd'hui (théorie inflammatoire et immunologique) et ce qu'on observe dans le lupus où il existe des anticorps assez analogues, mais en quantités beaucoup plus importantes, à ceux observés dans l'athéromatose accélérée du sujet jeune dans laquelle l'inflammation et l'auto-immunisation jouent un rôle.
« On pense, déclare le Pr Meyer, qu'au début de la formation de la plaque d'athérome (à un stade infraclinique) il y a, à la suite d'un facteur agressif (toxique, immunologique, infectieux), une production de protéines du stress. Une des grandes théories actuelles de l'athéromatose est qu'il puisse y avoir une immunisation vis-à-vis des protéines autologues par analogie avec leurs structures apparentées, par exemple dans les chlamydia. » A la suite d'une immunisation, les lymphocytes T reconnaîtraient les protéines autologues comme étrangères et le processus inflammatoire serait amorcé au niveau de la paroi. Cela expliquerait que l'athérosclérose se développe vingt ans plus tôt chez les patients atteints de lupus. « Quoi qu'il en soit, comme conclut le Pr Meyer, la correction des facteurs de risque est essentielle dans la prise en charge de la maladie lupique, comme cela est pratiqué aux Etats-Unis. Les antimalariques auraient un rôle hypolipémiant favorable. La parution d'études européennes viendra prochainement renforcer cette notion, encore un peu nouvelle pour nous. »
Une mortalité cardio-vasculaire multiplié par 2
Quelques études, surtout de mortalité cérébro et cardio-vasculaire, ont également montré la relation existant entre la polyarthrite rhumatoïde (10 fois plus fréquente que le lupus) et les maladies cardio-vasculaires. Elles ont en effet mis en évidence un rapport de 1,8 à 2 entre la mortalité cardio-vasculaire des sujets atteints de PR et une population témoin.
Mis à part l'âge (le début de la PR se situant plutôt vers 50 ans), les facteurs de risque cardio-vasculaire traditionnels sont les mêmes que ceux du lupus, un peu majorés par les thérapeutiques de la polyarthrite, notamment la corticothérapie au long cours.
La précocité de la corticothérapie est un facteur aggravant ainsi que le nombre d'articulations touchées.
D'après un entretien avec le Pr Olivier Meyer, hôpital Bichat
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