De notre correspondante
à New York
A ce jour, plusieurs espèces animales ont été clonées grâce à la technologie du transfert nucléaire : moutons, bovins, chèvres, cochons et souris. Toutefois, ce processus de clonage est particulièrement peu efficace. La plupart des embryons clonés, dérivés de l'insertion d'un noyau donneur (d'une cellule souche embryonnaire ou d'une cellule adulte) dans un uf énucléé, meurent avant la naissance, et les survivants présentent souvent des anomalies de développement, avec augmentation du poids de naissance et du placenta.
On a suggéré que l'expression anormale des gènes « soumis à l'empreinte » pourrait contribuer à ces anomalies. En effet, une mauvaise régulation des gènes soumis à l'empreinte affecte la croissance ftale.
Un phénomène d'empreinte
Un peu d'explication est nécessaire ici. On dit qu'un gène est soumis à l'empreinte lorsque la copie maternelle et la copie paternelle ne sont pas exprimées de la même façon. Par exemple, chez l'homme et la souris, la copie paternelle du gène IGF2 (facteur de croissance insuline-like 2) est exprimée, tandis que la copie maternelle est réprimée. C'est le contraire pour le gène H19. L'expression ou la répression de ces gènes est due à un phénomène épigénétique, sans variation dans la séquence ADN du gène lui-même. Par exemple, pour le gène H19, c'est le degré de méthylation d'une région en amont du gène qui détermine l'expression ou la répression du gène - l'allèle maternel exprimé est hypométhylé en amont, tandis que l'allèle paternel réprimé est hyperméthylé en amont.
Une équipe dirigée par le Dr Rudolf Jaenisch (Whitehead Institute, Cambridge, Massachusetts) a cherché à savoir si une expression anormale des gènes soumis à l'empreinte pourrait être en cause dans les anomalies des souris clonées par transfert nucléaire à partir de cellules souches embryonnaires.
Les chercheurs ont examiné l'expression de plusieurs gènes soumis à l'empreinte (H19, IgF2 et autres) dans le placenta, le rein, le cur et le foie des souris clonées et l'ont comparée à celle de souris normales. L'expression de ces gènes varie considérablement entre les placentas des souris clonées et leurs différents tissus. Cette variation de l'expression génique entre les différents placentas des souris clonées, même clonées à partir de la même lignée de cellules embryonnaires, est associée, pour le gène H19, à la différence de méthylation en amont du gène. L'action cumulative de nombre de ces gènes anormalement exprimés pourrait être nécessaire pour produire l'excès de croissance chez les animaux clonés, suggèrent les chercheurs.
Cellules donneuses : grande instabilité en culture
Deuxième question étudiée : ces erreurs se produisent-elles durant le clonage lui-même (mauvaise reprogrammation) ou existent-elles déjà dans les cellules embryonnaires donneuses cultivées in vitro ? Le problème vient des cellules souches embryonnaires donneuses, dont l'état épigénétique est extrêmement instable en culture. Une grande variation dans l'expression des gènes H19 et Peg1 a été trouvée, même entre des cellules surs issues de la même cellule souche embryonnaire.
Plusieurs implications
Il faut donc trouver le moyen de mieux préserver ces régions régulatrices durant la culture des cellules souches embryonnaires. Reste à savoir si les animaux clonés à partir des cellules adultes présentent les mêmes anomalies. « Il sera important de voir si l'état épigénétique des cellules souches embryonnaires humaines en culture est aussi instable, notent les chercheurs, et si cela pourrait limiter leur utilisation dans les applications cliniques. » Toutefois, indique le Dr Jaenisch dans un communiqué, « malgré leur instabilité, il est important de se rappeler que les cellules souches embryonnaires peuvent fonctionner normalement quand elles sont combinées aux cellules normales - le cas des greffes. En d'autres termes, les cellules souches embryonnaires pourraient bien fonctionner lorsqu'elles sont utilisées en thérapie cellulaire, mais lorsqu'elles sont utilisées pour créer des animaux entiers, elles risquent fort de produire des animaux anormaux ». Le Dr Humpherys abonde dans ce sens : « Tandis que ces résultats posent des problèmes pour le clonage reproductif, ils ont probablement peu d'importance pour le clonage thérapeutique. Les gènes soumis à l'empreinte jouent des rôles définis dans le développement ftal, mais n'ont pas de rôle crucial dans les cellules différenciées de l'adulte ».
« Science » du 6 juillet 2001, p. 95.
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