LES MICROBIOTIQUES digestifs – bactéries intestinales appartenant à diverses espèces impliquées dans le métabolisme des composants alimentaires et dans la maturation de l’épithélium intestinal, du système vasculaire et du tissu lymphoïde – soulèvent un intérêt croissant, qui ne va pas se démentir après les résultats publiés par l’équipe de Lille (Pierre Desrumeaux, Christel Rousseaux et coll.).
P. Desrumeaux et son équipe du Chru de Lille ont voulu tester l’hypothèse que les probiotiques sont capables d’induire l’expression de récepteurs sur les cellules épithéliales et peuvent contrôler la transmission des informations nociceptives dans le système nerveux intestinal.
L’hypothèse s’est révélée fondée. Ils mettent en évidence, en travaillant sur des rats Sprague-Dawley et des souris, que l’administration orale quotidienne de Lactobacillus acidophilus NCFM élève le seuil de la douleur au niveau du côlon.
Sur le modèle d’étude, on sait qu’une distension par lavements de 50 mmHg est nécessaire pour induire la sensation douloureuse.
La prise de L.acidophilus NCFM élève le seuil de la douleur de 20 % et réduit la perception nociceptive.
«Le bénéfice observé est équivalent à celui de la morphine, antalgique majeur administré par voie sous-cutanée à la dose de 1mg/kg», rapportent les expérimentateurs.
En outre, les probiotiques étudiés augmentent de 65 % l’efficacité de la morphine au niveau intestinal.
Et chez les humains ? «L’efficacité antalgique équivalente entre l’administration orale de L. acidophilus NCFM et une dose standard de morphine suggère qu’une modulation spécifique de la flore intestinale pourrait représenter un traitement des douleurs abdominales, un symptôme dont la prévalence est élevée dans la population générale.» Vingt pour cent de la population, dont une majorité de femmes, souffrent de troubles fonctionnels intestinaux (TFI ou syndrome de l’intestin irritable), composés de ballonnements, de perturbations du transit et surtout de douleurs, sans cause organique identifiée.
Au niveau moléculaire, les biologistes démontrent que L.acidophilus NCFM induit l’expression de deux récepteurs qui ont un rôle dans la régulation de la douleur.
Ainsi, les récepteurs µ (mu) opioïdes et les récepteurs de type 2 cannabinoïdes (CB2) s’expriment à la surface des cellules épithéliales en réponse à l’administration de L.acidophilus NCFM.
Après un traitement de quinze jours, l’ADN du probiotique dans les fèces est sensiblement augmenté. Les protéines ciblant les récepteurs s’expriment dans 60 % des cellules intestinales.
L’effet antalgique au bout d’une dizaine de jours.
Et l’augmentation du seuil de sensibilité est perceptible après quinze jours de traitement. L’effet antalgique dépend de la dose de probiotiques, apparaît au bout d’une dizaine de jours et se maintient tant que le produit est ingéré.
Lactobacillus acidophilus NCFM est un probiotique connu, facilement isolé des selles humaines. Ce germe est l’objet d’études sur ses qualités physiologiques et fermentatives. Une comparaison a été réalisée avec d’autres probiotiques connus et largement représentés dans le côlon à l’état physiologique : Lactobacillus paracasei, Biphidobacterium lactis Bi-07 et Bi-04 et deux souches d’ Escherichia coli, adhérents et invasifs.
Les autres germes n’ont pas d’efficacité, ni contre les douleurs, ni pour induire l’expression de récepteurs opioïdes ou cannabinoïdes.
« Ces résultats font progresser notre compréhension de la douleur viscérale, traditionnellement considérée comme à transmission neurologique. »
Un contact direct avec la cellule épithéliale.
On évolue vers la notion qu’un contact direct de NCFM avec la cellule épithéliale est capable d’induire, via la voie NF-kappa B (opioïde) ou CB2, une modulation de la douleur et la restauration d’une perception viscérale normale.
La douleur, chez les patients souffrant de TFI, est attribuée à une hypersensibilité viscérale. Qui pourrait être inversée par ce moyen ; ce qui constitue un nouveau concept de prise en charge, dénué d’effets indésirables.
Une étude est déjà en cours aux Etats-Unis chez des patients souffrant de TFI.
« Nature Medicine » 10 décembre 2006.
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