Douleurs abdominales et pelviennes
Mme François P., âgée de 64 ans, se plaint de douleurs abdominales et pelviennes associées à une constipation. La coloscopie est récusée, compte tenu d'antécédents de sigmoïdite diverticulaire. Le coloscanner abdominal et pelvien révèle une volumineuse tumeur de l'ovaire gauche, collée au sigmoïde. L'examen clinique est par ailleurs normal : pas d'asthénie ni d'amaigrissement. L'examen gynécologique retrouve au toucher vaginal la tumeur. Il n'y a pas de métrorragie. La recherche de métastases pleuro-pulmonaires, hépatiques et osseuses est négative. Il n'y a pas d'antécédents familiaux de cancer gynécologique. Le dosage de l'antigène CA 125 est à
36 unités (Nl < 35 ui/l). La cœlioscopie confirme l'extension régionale du cancer.
Réduire la tumeur avant l'exérèse
Il est décidé en réunion de concertation pluridisciplinaire de réduire le volume de la tumeur avant toute exérèse. L'oncologue prescrit une chimiothérapie associant paclitaxel 175 mg/m2 et carboplatine (AUC 5).400 mg/m2. La surface corporelle de la patiente est calculée à 1,62 m2. Huit cycles seront réalisés toutes les trois semaines. La surveillance hématologique sera étroite compte tenu du risque de myélotoxicité associé au paclitaxel.
Diabète, protéinurie, HTA
Le bilan biologique révèle la présence d'un diabète de type 2 (hémoglobine glyquée à 9 %) associé à une insuffisance rénale chronique. La créatininémie est de 130 micromol/l et la clairance calculée par la formule de Cockcroft de 40 ml/min. Le bilan de cette insuffisance montre une protéinurie à 2 g/24 h et une hypertension artérielle (165/94 mmHg) insuffisamment contrôlée par la seule prise d'un inhibiteur calcique. Le fond d'œil ne montre pas de signes de rétinopathie diabétique. Il est conclu à l'existence possible d'une néphropathie diabétique. Compte tenu du niveau de l'insuffisance rénale, un traitement par insuline est prescrit. Il est convenu de surseoir à toute exploration néphrologique complémentaire, notamment la biopsie rénale pour expliquer le syndrome glomérulaire. Un doppler des artères rénales élimine une sténose athéromateuse des artères rénales.
La chimiothérapie est réalisée dans la clinique où la patiente sera ensuite opérée. Bien que la prescription et le suivi de cette chimiothérapie ne relèvent pas directement de la responsabilité du médecin traitant du patient, il importe néanmoins que celui-ci connaisse le traitement et ses risques afin de reconnaître les éventuelles complications.
Commentaire n°1.
Connaître la pharmacocinétique des médicaments chez un insuffisant rénal pour éviter les effets toxiques par surdosage.
La pharmacocinétique du paclitaxel n'est pas modifiée chez le patient insuffisant rénal. La liaison du médicament aux protéines plasmatiques est de 89 %. Le volume de distribution de 68 à 162 l/m2. La demi-vie plasmatique d'élimination est de 6,4 à 12,7 heures. Le taux d'élimination rénale sous forme inchangée est de 1,9 à 12,7 %. Il n'est donc pas nécessaire d'adapter la posologie chez cette patiente. Elle recevra 175 mg/m2, soit 280 mg toutes les trois semaines.
La situation est différente pour le carboplatine. La liaison protéique est de 87 %. Le volume de distribution est réduit : 0,23 à 1,6 l/kg. La demi-vie plasmatique d'élimination est de trois heures pour le carboplatine, de six heures pour le platine libre et de cent vingt heures pour le platine total. L'élimination rénale est caractérisée de la façon suivante : de 50 à 70 % sous forme de dérivés du platine, 32 % du carboplatine sous forme inchangée et 95 % de la dose administrée sont excrétés avant la 25e heure.
Commentaire 2.
Comment calculer la posologie du carboplatine chez un insuffisant rénal ?
L'élimination du carboplatine s'effectue majoritairement par voie urinaire. Chez le patient insuffisant rénal, il est démontré que la clairance du platine est corrélée au débit de filtration glomérulaire : clairance du platine = débit de filtration glomérulaire (DFG) + 25. La posologie à administrer sera déterminée à l'aide de la formule de Calvert qui tient compte du DFG et de l'aire sous la courbe de carboplatine désirée (AUC). L'AUC a été fixé à 5 par l'oncologue. Ainsi la posologie du carboplatine chez cette femme sera : dose totale = AUC cible x (DFG + 25), soit 5 x 35 + 25 = 200 mg. Si la fonction rénale avait été normale, la posologie aurait été de 640 mg.
Commentaire 3
Le médecin traitant est impliqué dans la surveillance clinique du patient qui reçoit une chimiothérapie.
Il doit reconnaître une éventuelle toxicité hématologique du paclitaxel. La surveillance hématologique sera étroite et toute leuconeutropénie < 1 500/mm3 et thrombopénie < 100 000 mm3 entraîne une suspension temporaire du traitement. Ce derniere ne sera repris que lorsque le nombre de neutrophiles sera revenu au-delà de 1 500/mm3. Le contrôle hématologique se fera avant tout nouveau cycle de traitement. Des troubles de conduction cardiaque sont rarement observés, mais le médecin traitant doit être attentif chez une patiente diabétique au risque coronarien d'une hypotension trop prolongée dans les heures qui suivent la perfusion de paclitaxel. Le diabétique a souvent une cardiopathie ischémique silencieuse. Le traitement antihypertenseur pourra être suspendu en cas d'effet hypotenseur prononcé du paclitaxel.
La nécessité d'adapter la dose de carboplatine au niveau d'insuffisance rénale vise à réduire le risque de surdosage, toujours responsable d'une toxicité rénale. Une insuffisance rénale aiguë par nécrose tubulaire relève ainsi d'une toxicité « dose-dépendante ». La prévention repose sur l'hydratation préalable à toute administration de carboplatine. Un dosage de créatininémie doit précéder toute nouvelle perfusion de carboplatine.
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