VOICI les principaux points du projet de loi tel qu'il est arrivé sur le bureau du Sénat.
• Dossier médical
D'ici au 1er juillet 2007, chaque assuré disposera d'un dossier médical personnel (DMP) qui centralisera toutes ses informations de santé, avec un volet « prévention ». Pour le médecin, l'utilisation du DMP devient une des conditions d'adhésion aux conventions nationales. Le remboursement des soins sera subordonné à l'autorisation d'accès à son dossier donnée par le patient aux professionnels de santé « à chaque consultation ou hospitalisation ». L'accès au DMP sera interdit dans le cadre de la médecine du travail et pour les complémentaires lors de la conclusion d'un contrat d'adhésion.
• Protocoles ALD
Le projet de loi renforce l'encadrement du dispositif de prise en charge des patients atteints d'une ALD (5,7 millions de personnes). Le protocole sera signé par le patient, qui devra également le présenter à chaque praticien consulté pour bénéficier de l'exonération du ticket modérateur. Le médecin devra certifier lors de ses prescriptions qu'il a pris connaissance du protocole.
• Médecin traitant
Chaque assuré de plus de seize ans est invité à choisir un médecin pivot (généraliste - le plus souvent -, spécialiste, salarié des centres de santé) qui organisera son parcours individuel de soins. Les patients qui refuseront de s'inscrire dans ce dispositif s'exposent à une diminution de leur remboursement. La consultation d'un autre médecin est autorisée (sans majoration du ticket modérateur) dans les cas d'urgence ou sur le lieu de vacances. Les missions et le mode de rémunération du médecin traitant sont renvoyés à la convention et à un arrêté.
• Un espace de liberté tarifaire
Certains spécialistes pourront pratiquer des dépassements d'honoraires lorsqu'ils reçoivent un patient directement (sans être adressé par un médecin traitant) et qui ne relève pas d'un protocole de soins. Reste que les modalités de ces dépassements seront fixées dans la convention. Les spécialités pour lesquelles le recours direct restera possible (pédiatrie, gynécologie, ophtalmologie, voire d'autres disciplines à préciser par décret) ne bénéficieront pas de ce droit au dépassement.
• Amélioration des pratiques
Les organismes complémentaires pourront participer aux contrats conclus entre les Urcam (unions régionales des caisses d'assurance-maladie) et les réseaux de médecins exerçant dans une zone définie. Le texte crée également un dispositif contractuel (Etat, assurance-maladie, fédérations d'établissements) sur les bonnes pratiques dans les établissements de santé.
• Evaluation obligatoire
Il est prévu que tout médecin libéral ou hospitalier s'engage dans une démarche d'évaluation de sa pratique. Les médecins pourront choisir entre un dispositif piloté par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes), ou d'autres démarches agréées, dont les modalités restent à définir. La périodicité de l'obligation d'évaluation sera déterminée par arrêté. Le projet ne prévoit pas de sanctions. Quelques centaines de médecins libéraux seulement ont déjà « bouclé » une démarche d'évaluation des pratiques professionnelles (EPP).
• RCP : aide à la souscription
Les médecins exerçant en établissements publics et privés qui se seront fait accréditer par l'Anaes pourront bénéficier, en échange du respect de référentiels de bonnes pratiques, d'un soutien financier payé par l'assurance-maladie pour leur assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP). Les spécialités concernées par cette aide, ainsi que son montant, seront fixés par décret.
• Forfait par acte
Un forfait à la charge des patients est instauré pour chaque acte ou consultation, à l'exclusion des actes réalisés au cours d'une hospitalisation. Le montant de cette contribution sera fixé par décret à un euro et déterminé à l'avenir par l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam). Les organismes complémentaires sont incités à ne pas prendre en charge cette contribution dont les députés ont fixé le plafonnement annuel à 50 euros. Les mineurs, femmes enceintes et bénéficiaires de la CMU sont exonérés de cette franchise mais les victimes de maladies professionnelles et d'accidents de travail y sont soumis.
• Carte Vitale
Elle pourrait devenir une « carte d'identité de santé ». Une photo de l'assuré devra y être apposée lors du renouvellement de la carte verte en 2006. Les médecins pourront consulter sur la carte Vitale les informations nécessaires à l'identification des actes et produits pris en charge pour les soins délivrés en ville ou à l'hôpital.
• Contrôle des arrêts de travail
La lutte contre les prescriptions abusives d'arrêts de travail et de transports sanitaires est assortie d'un panel de dispositions. Des amendes sanctionneront les auteurs de fraudes ou d'abus, assurés ou professionnels de santé. Le directeur de la caisse locale prononcera la sanction, après avis d'une commission. Le texte prévoit la surveillance des gros prescripteurs d'arrêts de travail ou de transports sanitaires. Si les caisses constatent un nombre de prescriptions « significativement supérieur » à la moyenne, elles pourront subordonner les prescriptions à l'accord préalable du contrôle médical ou suspendre la possibilité de prescrire. Les contrôles d'arrêts de travail courts ou répétitifs seront renforcés.
Gouvernance
• Haute Autorité de santé
Elle procédera à l'évaluation périodique du service des produits, actes et prestations. Son expertise doit permettre de prendre les décisions pertinentes dans le domaine du remboursement. Elle devra également veiller à la diffusion des référentiels de bonnes pratiques et de bon usage des soins. Cette instance sera dirigée par un collège de huit membres, qui déléguera certaines missions à des commissions spécialisées (médicaments, dispositifs médicaux et autres produits de santé, ALD, évaluation des actes).
• Pilotage des dépenses
Les caisses gestionnaires de l'assurance-maladie pourront désormais apporter leur contribution à la préparation du budget de la Sécurité sociale via un « projet d'orientation budgétaire ». Un « comité d'alerte » tirera la sonnette d'alarme dès que l'augmentation des dépenses d'assurance-maladie dépassera de « 1 % » l'objectif (Ondam) fixé pour l'année en cours. Les députés ont adopté un amendement qui instaure une « mission d'évaluation et de contrôle » (MEC) à l'Assemblée nationale et au Sénat pour renforcer le contrôle parlementaire sur les finances sociales.
• Rôle de l'assurance-maladie dans l'hôpital et le médicament
Un rôle plus important est accordé à l'assurance-maladie dans deux domaines réservés de l'Etat : la politique économique du médicament et des dispositifs médicaux ; la politique hospitalière (à travers la création d'un comité de l'hospitalisation).
• Organisation de l'assurance-maladie
Le projet de loi réforme les instances dirigeantes de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) qui pilote le régime général des salariés. L'actuel conseil d'administration de la Cnam sera remplacé par un conseil chargé de l'orientation stratégique, et composé à parité de représentants des assurés sociaux et des employeurs, et de représentants d'institutions intervenant dans le domaine de l'assurance-maladie et de la Mutualité française.
Le texte institue une Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam), dotée d'un conseil d'orientation issu des trois caisses nationales et d'un collège de directeurs au sein duquel le directeur général de la Cnam aura un rôle prépondérant. L'Uncam sera chargée de coordonner l'action des trois régimes, de définir les conditions de remboursement des prescriptions et des actes médicaux (selon des « couloirs de remboursement » fixés par décret), et de fixer leur tarif ainsi que le montant de la contribution forfaitaire à la charge des assurés après 2005. Elle aura aussi pour mission de négocier et de signer des accords avec les professions de santé.
• Organisation des complémentaires et des professions de santé
Parallèlement à l'Uncam, le projet de loi crée « l'Union nationale des organismes d'assurance-maladie complémentaire » (mutuelles, institutions de prévoyance et assurances privées, régime complémentaire d'Alsace-Moselle), qui a vocation à dialoguer avec l'Uncam et à donner des avis, en particulier sur la fixation des taux de remboursement.
Au nom de l'efficacité des outils de maîtrise médicalisée des dépenses, l'Uncam pourra associer l'Union nationale des organismes complémentaires à la négociation et à la signature de tout accord, contrat ou convention avec les professionnels de santé libéraux.
Les députés ont amendé le projet de loi afin de créer de même une Union nationale des professions de santé, assortie d'unions régionales élues sur le modèle des unions professionnelles de médecins libéraux existant depuis 1994.
• Dispositif conventionnel
Les syndicats de professionnels de santé libéraux majoritaires non signataires d'une convention pourront s'y opposer. Les procédures d'approbation ministérielle des conventions sont allégées.
En cas d'opposition à une convention ou de désaccord entre les partenaires conventionnels pour aboutir à une convention, une procédure d'arbitrage sera déclenchée. Tout règlement arbitral élaboré dans ce cadre ne sera que provisoire (il durera deux ans au plus) et n'aura pas le statut de convention.
L'article 29 confie à la convention le soin de définir notamment les modalités d'organisation du dispositif d'aide à l'installation des professionnels de santé et des centres de santé dans les zones déficitaires, ainsi que les modalités de la prise en charge des cotisations sociales des médecins par les caisses.
• Organisation régionale de l'assurance-maladie
Plusieurs articles du projet de loi renforcent le rôle des Unions régionales des caisses d'assurance maladie (Urcam créées en 1996). Les moyens des Urcam seront modulés en fonction du respect des objectifs fixés contractuellement par l'Uncam avec elles. Leurs liens avec les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) seront resserrés pour agir en matière d'installation des professionnels de santé dans les zones déficitaires en offre de soins, de permanence de soins, de réseaux ville/hôpital et de promotion de bonnes pratiques.
• Aide à la complémentaire
Un amendement du gouvernement met en place un crédit d'impôt (fixé entre 75 et 250 euros selon l'âge) pour faciliter l'acquisition d'une complémentaire santé et gommer l'effet de seuil de la CMU complémentaire. Ce crédit d'impôt sera réservé aux deux millions de personnes dont les revenus mensuels sont compris entre 566,50 et 651 euros pour une personne seule en 2004. Les complémentaires éligibles au crédit d'impôt devront respecter un cahier des charges (respect des protocoles et parcours de soins, non-remboursement aux assurés de leur contribution forfaitaire d'un euro...).
Financement
• CSG
L'assiette de la CSG pour les salariés est élargie (de 95 % à 97 % des revenus). Pour les retraités imposables, le taux est augmenté de 0,4 %. Le texte prévoit également une hausse du taux de CSG sur les revenus du patrimoine et de placement, et sur les jeux.
• Contribution des entreprises
Les députés ont voté la création d'une taxe additionnelle à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), au taux de 0,03 %. Le gouvernement en attend 780 millions d'euros.
• Laboratoires
La contribution de l'industrie pharmaceutique a été revue à la hausse. La taxe spécifique sur la promotion a été majorée de 5 % à 10 %. La taxe exceptionnelle sur le chiffre d'affaires des laboratoires, créée par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004, est pérennisée. Le taux est fixé à 0,525 %.
• Dette sociale
La Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) reprendra les déficits cumulés de la branche maladie (35 milliards à la fin de 2004) ainsi que ceux des années 2005 et 2006 (15 milliards). La durée de vie de la Cades (qui devait se terminer en 2014) est donc prolongée jusqu'à l'extinction de la dette. Les excédents éventuels de la branche maladie devront être affectés au remboursement de la dette sociale.
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