Quand on cherche on trouve ! Même si l’évaluation de l'impact des polluants sur la santé reste une gageure, plusieurs travaux menés dans le cadre du Programme national de recherche en environnement et santé (PNR-EST), et présentés lors des rencontres scientifiques de l'ANSES, montrent que les efforts menés par la France dans ce domaine commencent à payer. Avec, entre autres, de plus en plus de données à charge concernant l’impact de la pollution atmosphérique chez l’homme. Alors qu’à l’issue de la conférence environnementale sur le climat, Manuel Valls vient de déclarer la guerre au diesel, deux nouvelles études alertent notamment sur l’effet délétère de la pollution automobile.
Un lien avéré entre leucémie de l'enfant et trafic autoroutier
Si vivre à moins de 5 km d'une centrale nucléaire (Fermage-Faure , Int J Cancer 2012) ou à moins de 50 mètres d'une ligne à très haute tension de 225-450 kV (Sermage-Faure et al, Br J Cancer 2013) majore le risque de leucémie de l'enfant, vivre tout près d'un important trafic routier n'est guère plus favorable. Telle est la conclusion de ce nouveau volet du programme GEOCAP dédié aux cancers de l'enfant et leur lien éventuel avec l'environnement. « Hormis cinq-six petites études dont deux “à charge” menées en Italie, il n'existait jusqu'ici pas de données démonstratives sur le lien entre trafic routier et cancer, explique Jacqueline Clavel (Inserm, Villejuif). Pour étudier le risque de cancer à proximité des voies de circulation, nous avons donc analysé, en France entière, les données en fonction du trafic routier. Et en Ile-de-France, où nous disposions des données d'exposition au benzène d'Airparif, nous avons complété l'analyse du trafic par celle du benzène. »
Résultats : en France, le risque de leucémie chez les moins de 5 ans est globalement majoré de 30% dans un rayon de 150 mètres autour des endroits de grande densité de route à forte circulation. En région parisienne, ce risque est corrélé à l'exposition au benzène, gaz volatile dégagé par le trafic et les stations services.
«?Ce travail montre donc que le trafic intense est associé à un sur-risque. Et, sans surprise, le benzène est probablement la ou l'une des principales causes attribuables à ce sur-risque. En région parisienne, le benzène pris isolément constitue d'ailleurs un facteur de risque significatif à lui seul. Or si le benzène est un facteur de risque professionnel bien établi de leucémie chez l'adulte à forte dose, à dose "environnementale", cette démonstration constitue une première », résume Jacqueline Clavel.
Sur-risque aussi au voisinage des centrales nucléaires
Au-delà du lien entre trafic et leucémie, le programme GEOCAP a aussi déjà mis en évidence un sur-risque de leucémie au voisinage des centrales nucléaires. Cependant, nous avons toujours un gros problème d'interprétation en terme de causalité tempère le Pr Clavel car ce sur-risque n'a pas pu être corrélé au niveau de l'exposition radioactive (modélisation des rejets gazeux par l'IRSN). D'autres hypothèses ont été testées, notamment les facteurs socio-démographiques, mais sans succès.
GEOCAP a aussi examiné l'impact des radiations ionisantes naturelles: l'exposition résidentielle au radon et aux rayons gamma telluriques. L'analyse ne met pas en évidence de sur-risques associés de leucémies ni à l'un ni à l'autre, ni aux deux combinés. Quant à l'impact des lignes à très hautes tensions, associées à un sur-risque dans les 50 mètres, elle va être approfondie par l'analyse des expositions.
Altération précoce de la fonction respiratoire
Autres sources d’inquiétudes : l'exposition des tout-petits durant leur première année de vie à la pollution atmosphérique automobile (PAA) tend à impacter l'évolution de leur fonction respiratoire et des manifestations allergiques. C'est ce que suggère la cohorte prospective PARIS qui a suivi l'histoire naturelle des symptômes respiratoires et allergiques de zéro à quatre ans en lien avec cette exposition précoce sur plus de 2?000 naissances. Et exploré la fonction respiratoire à l'âge de 8 ans de plus d'un tiers de ces enfants (640 enfants).
L'enquête initiée à la maternité est basée sur des auto-questionnaires réguliers et deux bilans, à 18 mois et 8 ans, explorant la santé, les facteurs familiaux, le mode et le cadre de vie. L'exposition à la pollution urbaine de la naissance à 1 an, à la maison et au lieu de garde, a été estimée sur la base des données d'Airparif associé à un modèle de dispersion des polluants du trafic (Extra).
Le suivi allergologique des enfants s'est concentré sur quatre symptômes : sifflements, toux sèche nocturne, rhinite allergique et dermatite atopique. Pour les trajectoires allergiques, on a défini trois groupes d'enfants : asymptomatiques, transitoires ( enfants symptomatiques seulement la première année) et tardifs/persistants (symptomatiques entre 2 et 4 ans).
L'analyse montre que l'exposition à la pollution atmosphérique automobile favorise la permanence des sifflements à 4 ans. Mais les facteurs favorisant l'allergie – antécédents parentaux d'allergie, stress importants ,pas ou peu d'allaitement maternel – majorent cet impact.
Enfin, plus inquiétant, « l'exposition dans la petite enfance est associée à une réduction des performances respiratoires à l'âge de 8 ans. Et ceci indépendamment du niveau socio-économique de la famille, indique Fanny Rancière (Inserm, Paris). Au vu de ces données, nous allons généraliser le bilan à 8 ans à toute la cohorte pour vérifier ces résultats préliminaires et explorer les trajectoires cliniques des enfants entre 4 et 8 ans après avoir ausculté ceux entre 0 et 4 ans. » Enfin, cette toute première évaluation de l'exposition pourra à l'avenir servir de référence ou « point zéro » pour suivre l'évolution de l'exposition infantile à la pollution automobile. »
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