Fini le dogme de la pression artérielle diastolique qui, trop longtemps, a régi le traitement de l'hypertension artérielle.
La prise en charge de l'hypertension artérielle du sujet âgé a changé, elle doit tenir compte essentiellement de la pression artérielle systolique et d'un nouveau paramètre, la pression pulsée (PP), dont on sait au travers des études épidémiologiques et cliniques que son augmentation est directement corrélée à l'incidence des événements cardio-vasculaires.
« La pression pulsée reflète la composante pulsatile de la pression artérielle, c'est-à-dire l'amplitude entre les extrêmes. Elle correspond à ce que l'on appelait auparavant la pression différentielle et résulte de la soustraction de la pression artérielle diastolique à la pression artérielle systolique », explique le Dr Jean-Jacques Mourad (hôpital Saint-Michel, service de médecine interne, Paris).
La rigidité accrue des gros troncs artériels
L'augmentation de la pression pulsée (PP) résulte de la rigidité des gros troncs artériels, particulièrement au niveau aortique, et par conséquent de l'ensemble de l'arbre artériel.
Avec l'âge, il se produit une altération de la structure des gros troncs artériels : augmentation de la teneur en protéines rigides comme le collagène, altération de l'élastine avec diminution du rapport élastine/collagène, responsables d'une rigidification de la paroi. Les gros troncs perdent ainsi leur fonction d'amortissement de la colonne sanguine, leur rôle étant de transformer un débit pulsatile en un débit continu. D'un point de vue hémodynamique, ces modifications entraînent une augmentation progressive de la pression systolique avec l'âge et une stabilité, voire, une baisse de la pression artérielle diastolique après 55 ans. « La conséquence pour le cur de ces altérations est double : une lutte contre une postcharge augmentée, et, une diminution de la perfusion coronaire qui - ne l'oublions pas, insiste le Dr Mourad - se fait en diastole. »
Historiquement, le rationnel du traitement antihypertenseur s'est appuyé sur les études épidémiologiques et les essais thérapeutiques réalisés chez des hommes jeunes porteurs d'une HTA diastolique. Ces essais ont largement démontré que le traitement anti-hypertenseur corrigeait le surrisque cérébrovasculaire, mais ne protégeait que très partiellement contre les événements coronaires. L'abondance des données récentes concernant le rôle péjoratif de la PP a fait que la Société internationale d'hypertension artérielle et l'OMS ont souligné - pour la première fois - l'importance de sa prise en compte dans l'évaluation du risque cardio-vasculaire des patients. « En effet, le rôle de la PP dans la morbidité et la mortalité cardio-vasculaire a été clairement démontré dans le cadre de l'HTA, de la maladie coronarienne et de l'insuffisance cardiaque, chez les hommes comme les femmes, et même chez les sujets normotendus », poursuit le Dr Mourad.
Traiter l'HTA systolique isolée
« Aujourd'hui, enchaîne le spécialiste, l'hypertension artérielle a changé. Il s'agit d'hommes plus âgés, retraités, et de femmes dont le traitement s'inscrit le plus souvent dans une optique de prévention secondaire. L'hypertension artérielle systolique est difficile à traiter pour plusieurs raisons : les habitudes diagnostiques et thérapeutiques sont bien ancrées et les cliniciens sont encore trop frileux à normaliser une PAS isolée. Il y a de réelles difficultés à traiter l'hypertension artérielle systolique car la majorité des traitements antihypertenseurs a été développée sur la base de son efficacité sur la PAD. Enfin, cela demande souvent d'utiliser une association thérapeutique qui génère des problèmes d'observance. » L'étude STOP-Hypertension 2 (Swedish Trial in Old Patients with hypertension-2) publiée dans « The Lancet » en 1999 l'a bien démontré ; elle a mis en exergue la difficulté à contrôler la PAS. Dans cet essai mené sur cinq ans, on observe qu'il est plus difficile de normaliser la PAS que la PAD, quelles que soient les associations thérapeutiques utilisées.
Un indicateur indépendant du risque cardio-vasculaire
Pourtant, le paramètre « pression pulsée » est remarquable à plusieurs égards puisqu'il donne à lui seul une idée indirecte mais fidèle de la rigidité des gros troncs artériels et, en conséquence, constitue un bon élément prédictif des événements cardio-vasculaires chez le sujet âgé. Il a pour avantage d'être simple à utiliser et « il commence à être intégré par les patients eux-mêmes », note le Dr Mourad.
Aujourd'hui, beaucoup d'essais convergent pour dire que la pression artérielle pulsée constitue un facteur de risque indépendant d'événements coronaires. La réduction de la PAD et/ou de la PAS conduit à une diminution des complications cérébrovasculaires. En revanche, pour la prévention des complications cardiaques, il est nécessaire de diminuer davantage la PAS et la PP, qui doivent devenir la cible prioritaire du traitement antihypertenseur, en particulier chez les sujets âgés.
D'après un entretien avec le Dr Jean-Jacques Mourad, hôpital Saint-Michel, (Paris)
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