LE FEUILLETON de la mobilisation contre les franchises médicales, réforme incluse dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2008 (1), a connu un épisode inattendu. En parallèle de la journée d'action du 29 septembre, galop d'essai contre les franchises qui n'a mobilisé que quelques milliers de personnes à l'appel d'une quarantaine d'associations d'usagers, de partis de gauche, de syndicats de salariés et de représentants de professionnels de santé, trois présidents de caisse primaire (Calvados, Orne et Manche) sont montés au front pour s'inquiéter publiquement d'une mesure qui fera payer «les plus malades».
L'offensive des présidents des CPAM bas-normandes (deux sont étiquetés Cfdt, le troisième FO) est loin d'être anodine : elle montre que la réticence, sinon l'hostilité, aux franchises est partagée par certains responsables locaux de la Sécu, au point de tirer dès maintenant le signal d'alarme sur les menaces de cette réforme sur l'accès aux soins. Une « sortie » politique peu fréquente pour des présidents généralement astreints à une certaine réserve (ils représentent un conseil de partenaires sociaux aux sensibilités diverses).
Si elle prenait de l'ampleur, cette fronde « de l'intérieur » des caisses risque en tout cas de brouiller le message du gouvernement qui justifie ces franchises par l'obligation de financer de nouveaux investissements concernant la maladie d'Alzheimer, les soins palliatifs et le cancer. Ce n'est pas un hasard si, dans une récente tribune libre au « Monde » (édition du 27 septembre), Roselyne Bachelot s'efforçait de «battre en brèche les préjugés» contre les franchises «qui ne priveront pas de soins les plus vulnérables». La ministre insistait sur le plafond de 50 euros par personne et par an «afin de protéger les plus malades» et rappelait la liste des publics exonérés (enfants, femmes enceintes, bénéficiaires de la CMU-C), soit 15 millions de personnes.
Le « coup » du forfait journalier.
Des arguments qui, à l'évidence, n'ont pas toujours convaincu. Pour Bernard Thomasse, président (CFDT) de la CPAM du Calvados, joint par « le Quotidien », les franchises amorcent en réalité une «révolution de notre protection sociale». «En 1945, explique-t-il, la Sécu avait été fondée dans l'idée que les bien portants paieraient pour les malades, désormais, on fait payer plein pot les plus malades, dont les ALD, pour colmater un déficit.» Pour le président de la CPAM du Calvados, caisse «dérangeante» qui a souvent été en première ligne sur la défense de l'accès aux soins (pour défendre l'aide médicale d'Etat – AME –, par exemple), laisser croire que chacun pourra débourser sans dommages 4 euros supplémentaires par mois est à la fois faux et dangereux. «De déremboursements en déremboursements, une taxe de 50euros supplémentaires par an et par personne, c'est déjà suffisant pour retarder l'accès aux soins primaires, argumente Bernard Thomasse. Mais, surtout, on risque de refaire le coup du forfait hospitalier journalier: une “petite” somme au début à la charge du malade qui ne cessera d'augmenter année après année.» Son homologue de la caisse de l'Orne, Jean-Claude Courtois (FO), justifie «l'alerte» donnée par les présidents . «Nous n'avons pas les moyens de nous opposer et nous ne sommes pas mandatés pour cela, admet-il. Mais on peut quand même attirer l'attention des assurés et des politiques sur les risques d'un projet qui manque de clarté et qui met à mal le principe de solidarité.»
L'avertissement des présidents de CPAM pèsera-t-il dans le débat parlementaire qui va s'ouvrir ? Il est trop tôt pour le dire. D'autres forces s'organisent : la Mutualité française (38 millions de personnes protégées) invite déjà ses groupements mutualistes à agir auprès des députés et sénateurs pour qu'ils déposent un amendement de suppression des franchises du PLFSS. La Mutualité redoute le «risque de sortir du champ traditionnel du système solidaire de financement de la santé en France». La manifestation du 13 octobre à Paris aura sans doute valeur de «test» pour le gouvernement.
(1) Il sera demandé 50 centimes d'euro par boîte de médicament et par acte paramédical et 2 euros par transport sanitaire.
Les partenaires sociaux dissèquent le PLFSS
Les partenaires sociaux planchent aujourd'hui sur le PLFSS 2008 dont les grandes lignes ont déjà été présentées par le gouvernement, et qui sera examiné mercredi prochain, 10 octobre, en conseil des ministres.
Réuni sur cet ordre du jour, le conseil de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) sera suivi par un conseil de l'Uncam. Recettes, régulation des dépenses, avenir de la maîtrise médicalisée, liberté d'installation, nouvelles franchises, T2A à l'hôpital public... : l'avis des partenaires sociaux donnera le ton du débat parlementaire (à partir du 23 octobre à l'Assemblée nationale en séance publique).
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