EN JUIN 2004, la conférence des présidents de CME lançait une enquête (qui court encore) afin de mesurer le vécu de la communauté médicale face aux restructurations. Presque deux ans plus tard, le Dr Francis Fellinger, président de cette conférence, dit avoir été «bluffé» par les résultats.
Le Dr Fellinger ne le cache pas, il appartient de longue date au clan des partisans de la restructuration hospitalière. «Nous avons toujours été convaincus de sa nécessité. Pour des raisons démographiques, du fait aussi de la “surspécialisation”. Pour garantir une bonne permanence des soins, il nous faut des équipes charpentées.»
Comme chacun sait, cet avis est loin d’être unanimement partagé. Du moins était-il fortement contesté en 2004. La conférence a voulu prendre la température auprès de ses présidents. «Nous sommes, avec les cliniques les premiers concernés et pourtant on ne savait pas comment les gens vivent cela.»
Verdict de l’enquête sur la base de 135 réponses concernant 130 restructurations : deux situations sur trois sont vécues positivement, un cas sur cinq négativement. «Nous avons été étonnés, vu que ce sont plutôt les échecs et les difficultés qui ont été largement médiatisés.»
Pas de perte d’emploi.
Parmi les 540 centres hospitaliers français qui ont reçu le questionnaire, ont été éliminés d’office ceux dont le processus de restructuration ne répondait pas à la définition établie par la conférence des présidents de CME : «Toute nouvelle organisation et/ou répartition d’une ou plusieurs activités de court séjour entre deux ou plusieurs établissements dans les dix dernières années», excluant les projets en attente ou en début de réalisation.
Dans 61 % des cas, il s’agit de coopération entre deux établissements, sans fusion. Chacune des deux entités juridiques est maintenue et seules certaines activités sont partagées. Le reste des restructurations recensées sont des fusions (39 %).
Autre constat important : à la lumière de cette enquête, le fait de perdre la chirurgie au sein de l’établissement ne semble pas constituer un facteur d’échec. Le personnel de la chirurgie est affecté à d’autres services «tout comme les moyens, qui sont recentrés sur les services qui marchent», précise le Dr Fellinger. «D’une façon générale, la restructuration n’occasionne pas d’économies puisqu’il n’y a pas de perte d’emplois, voire des créations. Cela peut être un élément intéressant pour les maires.»
Une tâche ardue, épuisante.
Les présidents de CME ne cachent pas pour autant les difficultés rencontrées. Dans 75 % des cas, ils avouent avoir vécu la restructuration de leur établissement comme une «tâche très ardue». Dans le même temps, 81 % d’entre eux seraient prêts à recommencer. «Ils sortent épuisés de trois ou quatre années de dur travail, avec des réunions le soir jusqu’à point d’heure. Ils ont mouillé leur chemise. Je crois qu’on peut dire qu’ils se sont investis, presque affectivement, avec le sentiment d’avoir été utiles à la société», analyse le Dr Fellinger. «Nous n’avons pas recensé parmi les difficultés, à part une ou deux exceptions, le manque de communication entre les équipes médicales et la direction, précise-t-il. On assiste à un changement culturel assez profond, qui témoigne de l’engagement commun dans le management de l’établissement. Le couple moteur directeur-président de CME s’est mis en place. Il n’y a plus cette déchirure, comme c’était le cas il y a quelques années.»
Mais si l’étude sur le vécu des restrucrations était élargie à l’ensemble de la communauté médicale, cet enthousiasme serait certainement nuancé. Même si, déclare le Dr Fellinger, «l’opinion des présidents de CME colle généralement avec celle de l’ensemble des soignants d’un même hôpital». Il rappelle que «ces restructurations touchent majoritairement de petits établissements dans lesquels les équipes sont petites et généralement soudées».
Cette enquête a permis également de mesurer l’ampleur de la recomposition hospitalière et sa cartographie. Elle constitue une base de données destinée aux présidents de CME ou directeurs qui mettraient en route de telles opérations. «Il s’agissait pour nous d’identifier les facteurs de réussite et d’échec afin d’agir préventivement dans la conduite des projets, insiste le Dr Fellinger. On peut notamment se demander comment faire bouger les choses quand elles se prolongent trop.»
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