L'objectif fixé aux médecins par le protocole d'accord, de prescrire, en moyenne nationale, sous dénomination commune (DC), c'est-à-dire sous leur nom de molécule, 25 % des médicaments, et cela dès la première année, est-il réalisable ?
La moitié de ces prescriptions devront être des génériques que le praticien pourra prescrire, s'il le souhaite, sous leur nom de marque. C'est-à-dire que le praticien aura vraiment l'obligation d'inscrire sur ses ordonnances, sous leur DC, 12,5 % des médicaments qu'il ordonne à ses patients. Un engagement qui, sans être trop lourd, pourrait cependant lui compliquer la tâche.
Mais, à l'évidence, le gouvernement et l'assurance-maladie comptent beaucoup sur cette mesure pour financer en grande partie, sinon totalement, les augmentations d'honoraires qu'il vient d'accorder aux généralistes.
Il est vrai que certaines expériences lui laissent quelques espoirs en la matière. Ainsi, parler de dénomination commune aujourd'hui, c'est surtout faire référence à la caisse primaire de la Marne, qui, depuis quelques années, a mis en place, en accord avec les médecins, une expérimentation de prescription en DC concernant les seules molécules génériquées. Une réussite incontestable. « Aujourd'hui, se félicite Alain Gautron, directeur de la caisse de la Marne, grâce à la DC,une boîte de médicaments vendue sur deux est un générique. » Ce qui place la caisse de la Marne loin devant toutes les autres. « On peut estimer les économies réalisées par cette opération entre 300 et 450 millions d'euros par an », estime encore Alain Gautron. C'est dire les économies qui pourraient être réalisées dans la France entière.
Selon la CNAM, la prescription sous DC des dix spécialités les plus prescrites et pour lesquelles il existe des génériques permettrait d'économiser en année pleine 260 millions d'euros environ, soit le prix de la revalorisation du C.
C'est d'ailleurs pour cette raison que le gouvernement Jospin avait légalisé, dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002, la prescription en DC du médecin, alors qu'elle n'était jusqu'alors que tolérée. Cette disposition n'a pas eu d'échos jusqu'à présent. « Il est préférable, commente Alain Gautron, de confirmer ce type de prescription par voie conventionnelle que d'en rester à la loi. »
La DC serait-elle donc la recette miracle pour faire des économies ? Les politiques et les responsables de l'assurance-maladie le croient, qui militent depuis des mois pour cette méthode.
Plusieurs difficultés
Plusieurs difficultés pourraient cependant tempérer l'enthousiasme général. D'abord, beaucoup médecins sont loin d'être persuadés de l'intérêt de cette pratique, même s'ils pourraient être convaincus de l'exercer après l'accord sur les revalorisations. Ensuite, un certain nombre d'entre eux auraient aujourd'hui des difficultés à inscrire le nom d'une molécule sur leur ordonnance parce que certaines ont des noms compliqués et longs. Enfin, il est clair que les dépenses de médicaments remboursées par la Sécurité sociale sont aussi, et peut-être surtout, liées aux nouveaux médicaments mis sur le marché et qui ont des prix élevés.
Les pouvoirs publics sont conscients de ces difficultés. Et c'est la raison pour laquelle la caisse de la Marne a été chargée de mettre au point un logiciel qui facilite la tâche du médecin pour prescrire son médicament en dénomination commune internationale. Le programme sera prêt à la fin de l'année, précise Alain Gautron, et sera d'abord expérimenté par les médecins de la région Champagne-Ardenne. Le logiciel, très simple d'utilisation, indique le nom de molécule du médicament que le praticien prescrit, et l'inscrit sur l'ordonnance après accord du médecin. Il ne reste plus au praticien qu'à l'imprimer.
S'agissant enfin des économies potentielles, le gouvernement compte non seulement sur l'adhésion des médecins à la DC, mais aussi sur celle des pharmaciens, qui pourront choisir la marque de leur choix, la moins chère dans l'esprit de l'assurance-maladie, à condition qu'ils y soient encouragés.
Ce système met fin aussi au droit de substitution des pharmaciens qui empoisonnait, dans de nombreuses régions, les relations entre officinaux et médecins. Le médecin ne s'offusquera plus de ce que sa prescription soit changée, puisque, en fait, elle ne le sera pas.
Doubler la part des génériques
Cela suffira-t-il à développer le marché du générique qui reste faible en France, 3,1 % en valeur, contre près de 40 % en Allemagne ? Là aussi, quelques espoirs sont permis, puisqu'un certain nombre de « grands » médicaments vont être prochainement génériquables et que la concurrence va donc jouer à plein.
Le gouvernement veut doubler en trois ans la part des génériques dans les dépenses de médicament et la tripler en cinq ans. « C'est possible, répond Bernard Lemoine, président délégué du Syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP) ; nous sommes prêts à nous associer à cet effort, mais encore faut-il que les économies réalisées servent aussi à financer les innovations des industriels. » C'est là un autre dossier qui concernera les futures négociations entre l'industrie pharmaceutique et le gouvernement, mais qui n'est pas prévu par l'accord conclu entre les médecins et les caisses.
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