DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
COMMENT améliorer la prise en charge de la maladie d'Alzheimer ? C'est autour de cette question que les principaux acteurs européens de la maladie (malades, familles de malades, associations, professionnels de santé et politiques) se sont rencontrés à Rome, lors d'un forum organisé par les Laboratoires Eisai et Pfizer, avec la collaboration de l'association Alzheimer's Disease International (ADI).
Sur la base d'une étude réalisée à cette occasion dans six pays européens (France, Allemagne, Italie, Pologne, Espagne, Grande-Bretagne), les participants ont pu dégager des stratégies d'action. « Il existe trois principales barrières à la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, forme de démence la plus répandue », a indiqué le Pr John Bond (directeur du Center for Health Services Research, GB) en présentant les résultats de l'étude. « En premier lieu, bien que la maladie d'Alzheimer constitue un problème de santé publique, les gouvernements ne la considèrent pas comme une priorité, a-t-il souligné . Deuxièmement, la croyance selon laquelle on ne peut pas guérir les personnes atteintes de démence est encore bien ancrée. Enfin, les premiers symptômes de la maladie d'Alzheimer sont d'autant plus difficiles à identifier qu'ils peuvent être confondus, dans un premier stade, avec les signes du vieillissement. »
Selon l'étude, réalisée auprès d'un échantillon diversifié - familles de malades, patients, population générale, professionnels de santé et décideurs politiques -, l'importance du délai entre les premiers symptômes et le diagnostic s'explique non seulement par la confusion avec les signes du vieillissement, mais également par le déni d'une maladie qui fait peur et dont on a honte. Quand les proches du malade sont interrogés sur les raisons du délai, 70 % d'entre eux disent avoir ignoré que les symptômes étaient les signes de la maladie d'Alzheimer, 64 % avouent avoir nié la maladie, 61 % ne considéraient pas les symptômes comme aussi sérieux qu'ils l'étaient et 58 % pensaient que les symptômes étaient le reflet normal du vieillissement. Les médecins témoignent, à 70 %, de la difficulté à détecter les premiers stades de la maladie, et 35 % d'entre eux estiment que même les spécialistes (neurologues et gérontologues) rencontrent des difficultés à établir le diagnostic.
Deux ans de perdu.
En moyenne, deux ans s'écoulent entre le moment où les premiers symptômes sont perçus et la confirmation du diagnostic, alors que plus de la moitié (52 %) des patients consultent avec des symptômes déjà aggravés. Une perte de temps dommageable lorsque l'on sait que « les traitements, médicaux ou autres, sont d'autant plus efficaces qu'ils sont pris tôt », précise le Dr David Wilkinson, coordinateur du forum et directeur du Memory Assessment and Research Centre, Moorgreen Hospital (GB).
Un des enjeux de la lutte contre la maladie d'Alzheimer est, par conséquent, d'apprendre au public à distinguer sans préjugé les symptômes de la maladie des signes du vieillissement : les pertes de mémoire fréquentes, par exemple, doivent inciter à consulter un médecin. Le rôle des professionnels de santé est primordial et leur formation doit être renforcée. « Il est nécessaire que les médecins travaillent en collaboration avec les associations de malades locales pour une meilleure prise en charge », insiste Elizabeth Rimmer, de l'association Alzheimer Disease International (ADI). Selon l'étude, un nombre important de personnes atteintes de démence ignorent l'existence de telles associations, alors qu'elles sont d'un soutien incontestable pour les malades et leurs familles.
L'étude européenne pointe également les défaillances des pouvoirs publics : 80 % des familles de malades et 71 % des soignants estiment que les gouvernements n'investissent pas assez de moyens sur ce problème de santé publique. « Il y a un impératif démographique à trouver des solutions, explique le Dr David Wilkinson. Aujourd'hui, on estime à 18 millions le nombre de personnes atteintes de démence au niveau mondial. En 2025, on en attend pratiquement le double : 34 millions. Près de 6 % des Européens âgés de plus de 65 ans sont atteints de démence. Il y a 600 000 nouveaux cas par an », poursuit le Dr Wilkinson, qui s'inquiète des répercussions économiques auxquelles les Etats vont devoir faire face. La maladie d'Alzheimer ne concerne pas seulement le malade, mais également l'entourage. Les répercussions familiales de la maladie sont très lourdes : épuisement physique, stress émotionnel, isolation sociale. « Il est grand temps que les politiques prennent la mesure de ce problème de santé publique », a indiqué le Dr David Wilkinson. Il s'agit « d'un défi scientifique et thérapeutique, mais aussi d'un défi de civilisation », a estimé pour sa part le sous-secrétaire du ministère de la Santé italien, Antonio Guidi.
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