« UN TRIMESTRE blanc » s'achève, selon les termes du Dr Rachel Bocher, présidente de l'Inph (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers). En effet, alors que l'automne a été une saison de promesses pour les praticiens hospitaliers (PH), le début de l'hiver sera empreint de désenchantement. Le coup de fouet que les pouvoirs publics devaient donner à la chirurgie a tourné court. Les négociations statutaires n'auront duré que le temps de leur ouverture, il y a plus de deux mois. Quant à la nouvelle gouvernance des hôpitaux - impatiemment attendue par les uns, honnie par les autres -, elle flotte dans les limbes prélégislatives. Bref, tout se passe comme si, au ministère de la Santé, le dossier hospitalier était en jachère.
L'élaboration de la convention des médecins libéraux lui a-t-elle fait de l'ombre ? D'aucuns le pensent. Et il est vrai que le rapprochement entre la convention quasi bouclée et les négociations statutaires gelées des PH est tentant. « Les deux dossiers se sont télescopés », constate le Dr Pierre Faraggi, président de la CHG (confédération des hôpitaux généraux). Rachel Bocher va plus loin en analysant les conséquences de cette coïncidence : « Attention, avoir privilégié la convention, c'est avoir fait un choix statutaire et démographique. Et, en matière de permanence des soins ou de pénibilité de certaines spécialités, cela risque de déséquilibrer le système de soins. »
Sur cette négociation statutaire des PH qui n'a jamais vraiment commencé, tous les bruits circulent. Pour les uns, la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos) fera des annonces avant la fin de l'année ; pour les autres, la même Dhos en attente d'arbitrages interministériels n'escompte pas boucler le dossier avant la fin de février. L'idée est d'arrêter des propositions au mois de mars.
Signal négatif.
Alors que tout devait être ficelé au 1er janvier, l'ensemble des intersyndicats de PH est en tout cas « surpris » par le tour que prennent les événements. « Ces négociations statutaires se résument à zéro et je pense que ce n'est pas malin, explique le Pr Roland Rymer, président du Snam (Syndicat national des médecins, des chirurgiens, des spécialistes et des biologistes des hôpitaux publics), car des éléments importants - la prise en compte de la pénibilité, la question des astreintes... - sont en jeu. Pour nous, il s'agit d'un signal négatif extrêmementfort. La grogne est déjà très sensible chez les chirurgiens ; elle va s'étendre à d'autres spécialités. »
La situation des chirurgiens publics cristallise les inquiétudes. Ils seraient soixante par jour à signer la pétition interpellant le ministre des Solidarités sur la situation désastreuse de la spécialité à l'initiative du collectif Chirurgie hôpital France (CHF), auquel adhèrent le Snam et la CMH (Coordination médicale hospitalière) et qui organise le 19 janvier une journée « tableaux opératoires blancs » (« le Quotidien » du 9 décembre). Evoquant ce « dossier chirurgie à l'abandon », le Dr Pierre Faraggi parle d'une « défaillance grave » des pouvoirs publics.
La chirurgie en berne.
Le frein donné à la promulgation de l'ordonnance réformant la gouvernance des établissements laisse également les PH songeurs. Attendu pour l'automne, le texte ne sortira pas avant la mi-janvier. Du côté des pour comme des contre, cet attentisme irrite. Dans le rang des anti-nouvelle gouvernance, Pierre Faraggi désespère que soient prises en compte ses revendications lors d'ultimes arbitrages. Chez les pro-nouvelle gouvernance, l'impatience est encore montée d'un cran lors de la réunion, la semaine dernière, du comité de pilotage de cette réforme : les syndicats présents ont demandé que le texte de l'ordonnance soit adressé au Conseil d'Etat en procédure prioritaire avant le 1er janvier. « L'hôpital ne peut pas rester comme ça, il faut que ce texte sorte », insiste Roland Rymer.
Les dossiers hospitaliers s'entassent sur le bureau de Philippe Douste-Blazy qui serait bien avisé, selon Rachel Bocher, « de se souvenir que l'hôpital existe » et de fixer ses priorités sur ce terrain. Sans cela, prédit la présidente de l'Inph, tout - le statut, la gouvernance, mais aussi l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP), la FMC, la RTT... - « va s'agglomérer et finir par former une grosse boulette ». Pour le Dr François Aubart, qui préside la CMH, le ministre n'a pas le choix : « Une somme de conflits se prépare. Le gouvernement ne pourra pas rester inerte. »
Les PU-PH courent après leur retraite
Les professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) ont en souffrance un dossier spécifique : leur retraite. Depuis des années, les PU-PH se battent pour que la partie hospitalière de leur salaire donne lieu à des indemnités, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Alors qu'ils espéraient que la réforme Fillon (qui permet de prendre en compte 20 % des primes - à quoi sont assimilés les émoluments hospitaliers des PU-PH) allait redresser la barre, le Snam (Syndicat national des médecins, des chirurgiens, des spécialistes et des biologistes des hôpitaux publics) a fait des calculs : avec ce dispositif, un PU-PH jeune qui cotisera pendant quarante ans touchera (sur la base hospitalière de son salaire)... 200 euros de retraite par mois. « C'est ridiculement bas, totalement insuffisant et même légèrement humiliant », s'insurge le président du Snam, Roland Rymer.
Le Snam, qui milite à terme pour une élévation de l'assise des primes, demande, en attendant, une « indemnisation de cessation de fonction » atteignant jusqu'à trois ans d'émoluments hospitaliers.
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