Les potions pas toujours magiques de Harry Potter

Publié le 18/12/2002
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« Pour préparer leurs potions, les élèves de Poudlard doivent posséder une balance en cuivre, une boîte de fioles en verre ou cristal, et un chaudron en étain, modèle standard, taille 2 » (tome 1, page 71). Voilà un inventaire qui rappelle, en à peine plus rustique, la liste du matériel nécessaire aux apprentis-pharmaciens d'aujourd'hui. Et ce n'est pas la seule ressemblance entre le monde fantastique du jeune héros à la cicatrice, et celui des apothicaires.

D'apothicaire, il est justement question dès le premier ouvrage signé J.K. Rowling, car c'est bien chez l'un d'eux que les élèves de Poudlard font leurs emplettes sur le Chemin de Traverse. Mieux encore, la filiation sorcellerie/pharmacie se confirme dans la description des espèces végétales utilisées par les sorciers en herbe.
Tout un herbier magique défile en effet au long des pages des quatre premiers tomes des aventures de Harry Potter.

Plantes magiques ou toxiques ?

Mais avec le choix des drogues utilisées s'arrête la comparaison entre sorcellerie et art pharmaceutique. Car chez Harry Potter, comme c'est souvent le cas dans le monde de la magie noire, les espèces choisies sont d'abord connues pour leur toxicité. C'est le cas de l'aconit napel (Tue-loup), connue comme la plante la plus toxique de France. D'ailleurs, le champion de Gryffondor ne s'y trompe pas : « D'après un dictionnaire Moldu*, l'aconit est une plante vénéneuse des régions montagneuses, souvent cultivée dans des jardins, à feuilles vert sombres et à fleurs (bleues chez l'aconit napel) possédant un pétale supérieur en forme de casque. Hauteur : 1 mètre Moldu. » A noter toutefois que la médecine traditionnelle chinoise décrit quelques emplois thérapeutiques (antirhumatismale, anti-arthritique) du tubercule préparé. Chez nous, c'est l'homéopathie qui donne ses lettres de noblesse au mortel aconit.
Toxique également, la célèbre mandragore (ou herbe aux pendus), solanacées dont les effets redoutables pour le système nerveux n'effrayent aucunement les locataires de Poudlard. Dans le monde des Moldus, quelques effets narcotiques et antispasmodiques lui sont toutefois reconnus à faibles doses. Concernant cette espèce, dont la racine à forme humaine lui conférerait ses propriétés magiques, l'écrivain britannique a trouvé une juste inspiration dans une légende selon laquelle il était très dangereux de déterrer la mandragore car elle poussait un cri si puissant qu'elle pouvait tuer quiconque tentait de le faire. Pour s'acquitter de la tâche, on attachait donc un chien à la plante, il l'arrachait, puis en mourait. A Poudlard, on utilise la mandragore pour rendre leur forme d'origine ou leur santé aux victimes de métamorphose ou de sortilège.

Asphodèle, armoise et sysimbre

Autre plante évoquée dans « Mille herbes et champignons magiques », ouvrage que l'on peut consulter à la bibliothèque de Poudlard, le dictame (tome 1, page 227) (Dictamnus albus L) présente lui aussi des propriétés peu intéressantes pour le commun des mortels : phototoxicité, réaction érythémateuse et hyperpigmentation.
Au contraire, l'auteur a parfois choisi des espèces bien anodines pour des potions aux effets redoutables. Gageons que c'est la sonorité séduisante des termes, asphodèle, et armoise, qui a guidé la main de la sorcière Rowling pour composer la formule de la « Goutte du mort vivant ». Rappelons que l'armoise est à la rigueur digestive et fortifiante, mais en aucun cas le puissant somnifère au nom terrifiant enseigné par le Professeur Chourave.
De même, on se demande comment la sage sysimbre, (Descurainia sophia L.) aux vertus cicatrisantes, peut participer à une formule aussi magique que celle du Polynectar (potion qui permet de prendre l'apparence d'un autre, de manière provisoire). Formule qui intègre aussi, il est vrai, de la poudre de chrysopes mortes, des sangsues, des touffes de polygonum, de la corne de bicorne, de la peau de serpent d'Arbre du Cap, et un petit morceau de celui dont on veut prendre l'apparence (à ajouter au dernier moment).

Des potions à foison

L'imagination prolifique de l'auteur ne va pas jusqu'à détailler la composition de toutes les potions. Mais les noms magiques de ces remèdes que l'on ne trouvera jamais derrière les comptoirs d'officine sont une autre récompense : potions d'amnésie, philtre d'amour, enflure, potion pour développer les photos, potion à hérisser les cheveux, potion pour soigner les furoncles ou potion contre la pétrification sont autant de défis imagés à la pharmacie moderne.
Non, décidément, Harry Potter n'est pas un potard mais un authentique sorcier, et J.K. Rowling une surdouée pour sa capacité à imaginer cet autre monde qui a su plaire aux petits comme aux grands.
Alors, nous ne pousserons pas plus loin nos investigations pharmacologiques. Mais à une condition : promettez-nous, Madame Pomfresh, de nous dire ce qu'il y a dans votre Pimentine pour la rendre si efficace contre les rhumes.

* Les Moldus sont les personnes qui, n'appartenant pas au monde de la sorcellerie, ne sont ni sorciers, ni doués d'aucun pouvoir magique.

Didier DOUKHAN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7243