Pays en développement, plasticit&eacute...

Les points forts du 13e Congrès mondial de psychiatrie

Publié le 18/10/2005
Article réservé aux abonnés

COMME DANS tout congrès mondial, les problèmes politiques ont occupé une place non négligeable au Caire et, cette année, on a beaucoup débattu des difficultés de la prise en charge, dans de nombreux pays en développement, des patients souffrant de pathologie psychiatrique. Comment faire quand on a trente psychiatres pour une population de 30 millions d'habitants, alors que l'on sait que la prévalence des maladies mentales, notamment de la schizophrénie, mais aussi des troubles obsessionnels compulsifs ou des addictions, est identique sous toutes les latitudes et dans toutes les cultures ? Une nuance, néanmoins : les manifestations cliniques ou les substances peuvent être différentes. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne les conduites addictives, les Américains optent davantage pour les stimulants, les Français préfèrent les sédatifs. Mais si l'offre de soins est limitée dans les pays les plus pauvres où des expériences de psychiatrie communautaire, très intéressantes, fondées sur la formation de personnel paramédical, se développent, l'accès aux soins reste aussi très inégalitaire dans des pays développés, en particulier aux Etats-Unis. Une étude de la NESARC, présentée au congrès, en a apporté une nouvelle preuve en mettant en évidence le manque criant de prise en charge des femmes hispaniques les plus sévèrement malades. Au sein des minorités, les plus souffrants sont ceux qui ont le moins accès aux soins, si bien qu'addictions, pathologies mentales et délinquance entrent dans un cercle vicieux inextricable.

Alcoolodépendance et dépression.
En dehors des problèmes d'accès aux soins, les relations entre alcoolodépendance et dépression ont, à nouveau, été discutées. Une étude publiée dans « Archives of psychiatry » a remis en cause la théorie selon laquelle la dépression est le plus souvent secondaire à l'alcoolisme. On sait en effet que les patients alcoolodépendants consultent généralement pour leur état dépressif et non pour leur problème d'addiction. Or, d'après cette étude sur 8 000 patients, le syndrome dépressif tend à perdurer après le sevrage et les antidépresseurs diminuent le risque de rechute.

La neuroplasticité.
Autre sujet d'actualité, la neuroplasticité, avec notamment la présentation d'un travail expérimental sur le rôle du stress dans la survenue d'une dépression et de l'impact de celle-ci sur l'hippocampe. Rappelons en préalable que le stress est un moteur utile puisqu'il déclenche notre capacité d'alerte, qu'il active notre système d'éveil et nous permet de mettre en place rapidement des stratégies adaptatives. L'apoptose est, elle aussi, nécessaire au bon fonctionnement du système nerveux central, mais l'excès de stress est responsable d'une augmentation anormale de la mort neuronale au niveau de l'hippocampe. L'hypercortisolémie induite par le stress et normalement autorégulée ne l'est plus quand le stress est répété ou trop important. Elle provoque une suractivation des neurones de l'hippocampe et leur apoptose. Cette perte neuronale a pour conséquence une baisse des capacités de concentration, des troubles mnésiques et des difficultés de gestion des émotions qui peuvent aboutir à la dépression.
L'expérience présentée au congrès confirme ces données et apporte de nouvelles informations. Elle a été réalisée sur des petits singes. L'attaque des animaux dominants provoque, chez les dominés, une augmentation du cortisol, une diminution de la taille de l'hippocampe et une conduite de retrait rappelant la dépression chez l'homme. Si l'on donne aux dominés un antidépresseur, en l'occurrence de la tianeptine, leur hippocampe ne rétrécit pas.
D'autres travaux avaient d'ailleurs déjà montré que les antidépresseurs sont capables de relancer la neurogenèse au niveau cérébral. L'augmentation de la sérotonine au niveau des fentes synaptiques a une action neurotrophique, action qui prend un certain temps, au moins une quinzaine de jours, ce qui expliquerait le délai d'action des antidépresseurs.

D'après un entretien avec le Pr Philip Gorwood, hôpital Louis-Mourier, Colombes.

Dynamique

Depuis quelques années déjà, l'approche de l'activité cérébrale a évolué. On pensait que notre lot de neurones était définitivement acquis à l'âge adulte, on sait aujourd'hui que le cerveau est un organisme dynamique en évolution constante et que de nouveaux neurones peuvent apparaître, principalement au niveau de l'hippocampe. Les processus d'apprentissage en donnent un bon exemple. La répétition de l'activation des neurones facilite la transmission axono-axonique si bien que, après un certain temps, l'accomplissement d'une tâche ou d'une opération de même nature est réalisée plus rapidement, voire de façon automatique ; c'est ce qui se passe, par exemple, quand un enfant apprend à lacer ses chaussures ou à calculer. Cette potentialisation est marquée par des décharges neuronales rapides qui rendent l'information plus facile. Lorsque les réseaux sont très utilisés, on observe une facilitation ; à l'inverse, s'ils le sont peu, leur activité diminue. Il y a ainsi soit une facilitation, soit une inhibition des réseaux, qu'il s'agisse de réseaux impliqués dans la cognition, dans les émotions ou dans les activités motrices.

> Dr Marine Joras

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7825