Des biomarqueurs, il en existe plusieurs dans la maladie d’Alzheimer. Et il ne fait plus de doute aujourd’hui que la maladie commence au moins 10 ans avant l’apparition des premiers symptômes. Mais leur utilisation ne fait pas l’unanimité en raison d’une controverse sur le marqueur le plus prédictif de la maladie et quand, faute de suivi à long terme.
Une étude publiée dans le « Lancet neurology » laisse moins de place au doute. L’équipe dirigée par le Pr William Klunk et Wai-Ying Wendy Yau à l’université de Pittsburgh a vérifié l’évolution de plusieurs marqueurs pendant 11 ans chez des sujets asymptomatiques génétiquement prédisposés car porteurs de mutations autosomales dominantes. Le dépôt de plaques amyloïdes A bêta s’est distingué comme le plus précoce et le plus reproductible.
Il n’y a rien de nouveau à ce que le dépôt de plaques amyloïdes soit considéré comme un événement central dans la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer. Les choses sont compliquées du fait que ce marqueur, comme d’autres, est souvent anormal chez des sujets sans déficit cognitif et qu’il n’est pas corrélé au pronostic clinique. Et jusqu’à présent, tous les essais avec des traitements anti-A bêta se sont soldés par des échecs chez les sujets symptomatiques.
Une séquence en 3 phases
Sans doute était-ce trop tard, avancent de nombreuses équipes scientifiques, l’hypothèse étant que d’autres processus neurodégénératifs sont alors enclenchés à ce stade. Comme il existe des signes des années, voire des décennies, avant les premiers symptômes, la tendance est de vouloir identifier les marqueurs précoces fiables et de décrire leur évolution dans le temps par rapport à l’apparition de la maladie clinique.
C’est ce qu’ont fait les chercheurs de Pittsburgh chez 16 patients porteurs de mutations dans les gènes PSEN1, PSEN2 ou APP. Les patients âgés de 26 à 56 ans ont été recrutés à travers toutes les États-Unis via les médecins et les familles. Plusieurs marqueurs ont été mesurés tous les 1 à 2 ans entre mars 2003 et août 2014. Il s’agissait de la charge globale en plaques amyloïdes cérébrales mesurée au PET, du métabolisme postérieur cortical au PET, du volume de l’hippocampe à l’IRM, de la mémoire verbale à l’aide d’un test validé à 10 items, et des performances cognitives globales au Mini-mental test.
L’évolution des marqueurs a été comparée à celle de sujets témoins sains, au départ sans amyloïdose, sans hypométabolisme et sans atrophie hippocampique.
D’autres facteurs en jeu dans la variabilité individuelle
Par rapport aux témoins, des différences significatives sont apparues pour une amyloïdose augmentée (7,5 ans par rapport au début attendu des symptômes), un métabolisme diminué (au moment de l’apparition attendue des symptômes), un volume hippocampique et une mémoire verbale diminués (7,5 ans après l’apparition attendue des symptômes) et enfin des performances cognitives diminuées (10 ans après).
Mais plus intéressant encore, chez ces 7 de ces 16 patients, les auteurs ont pu identifier 3 phases : la formation de plaques amyloïdes, une période stable avec un plateau du dépôt amyloïde puis une neurodégénérescence et un déclin cognitif progressifs.
Ce constat renforce l’idée que l’accumulation de dépôt amyloïde est terminée bien avant le déclin cognitif et les troubles neurodégénératifs. Pour les auteurs, « cette distinction temporale (…) pourrait être plus importante que ce qu’on pensait auparavant », ce qui leur fait penser qu’il faut considérer « les dépôts A bêta comme un moyen de prévention secondaire ».
De plus, « la variabilité individuelle du délai entre la phase de plateau amyloïde et la neurodégénérescence progressive suggère que des facteurs additionnels de vulnérabilité ou protecteurs peuvent modifier le cours de la maladie », poursuivent-ils. Le fait de les mettre à jour et les comprendre pourrait guider le développement de nouvelles thérapies neuroprotectrices. La plupart des cas d’Alzheimer ne sont pas d’origine génétique connue mais sporadiques. Si une physiopathologie similaire semble probable, il est important de tester cette hypothèse dans ces formes plus fréquentes « pour comprendre comment des pathologies mixtes causées par le vieillissement et une maladie non Alzheimer peuvent interagir avec la voie propre à la maladie d’Alzheimer », concluent-ils.
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