DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE À LIBREVILLE
La reconnaissance précoce des cas
Après un délai d'incubation de 7 jours en moyenne, le patient infecté par le virus Ebola développe des symptômes peu spécifiques : fièvre, arthralgies, céphalées, diarrhées. Or, dans les régions concernées, l'existence de ce type de tableau oriente avant tout vers un diagnostic de paludisme, de fièvre typhoïde ou de syndrome dengue-like. Pourtant, comme l'a expliqué le Dr Daniel Baush (La Nouvelle-Orléans), certains signes cliniques doivent orienter avant même l'apparition des manifestations hémorragiques. Chez 20 % des patients, il existe un rash morbiliforme (signe sensible, mais peu spécifique) et plus de la moitié des personnes infectées présentent précocement des pétéchies conjonctivales.
La mise en place de mesures d'isolement
Mettre les malades à l'écart de la population et obliger les soignants à adopter des mesures de protection strictes permettent de limiter la contamination interhumaine. Cette dernière peut prendre deux formes, comme l'a expliqué le Dr Pierre Fromenty, représentant pour l'Afrique centrale de l'OMS. En région rurale, les 13 épidémies survenues jusqu'à présent ont concerné 904 personnes (en moyenne 70 malades par épidémie). Le personnel de santé a été peu touché (31 malades). La contagion a surtout été le fait d'individus super-contaminants, sans que l'on connaisse la physiopathologie de ce phénomène. Dans les milieux urbains, 957 malades ont été recensés au cours des 3 épisodes épidémiques. Le personnel de santé a été particulièrement touché (19 %). La plupart des contagions étaient d'origine nosocomiale ou en rapport avec les soins apportés au sein même de l'hôpital par les membres de la famille. L'isolement des malades est plus aisé en région rurale, et il est possible de disposer de centres adaptés au sein desquels se déplacent les professionnels de santé. En milieu hospitalier, l'idéal serait de condamner temporairement les locaux et de ne plus accueillir de patients en dehors de ceux concernés par l'épidémie. Si cette mesure était immédiatement mise en place, le risque de transmission intrahospitalière pourrait être limité. Mais, dans l'état actuel du système sanitaire de la plupart des pays d'Afrique centrale, ce type d'approche est encore difficilement imaginable.
Le traitement des malades
En 1995, en République démocratique du Congo, 8 malades ont été traités avec du sang de patients convalescents (de 150 à 400 cc). Sept d'entre eux ont survécu. Mais cette approche reste empirique. La réhydratation orale associée à un support nutritionnel est le seul traitement actuellement validé. Elle est éventuellement associée à la mise en place d'un traitement antibiotique et antipaludéen. Aujourd'hui, l'utilisation d'inhibiteurs de l'activation de la coagulation, certains antisens et des interférons sont en cours d'évaluation sur des modèles animaux. Avec des doses virales importantes, l'interféron bêta permet un taux de protection de 33 % des singes. L'équipe du Dr Kathleen Rubins (MIT, Boston) travaille désormais à l'assemblage de différents interférons (alpha, bêta et gamma) afin d'en majorer le taux d'activité en présence du virus à la fois sur des cultures cellulaires et sur des modèles animaux.
La vaccination des populations
Différentes approches vaccinales sont en cours d'évaluation : vaccins virus-like, vaccin à ADN et adénovirus recombinants.
Les vaccins virus-like sont fabriqués à partir de glycoprotéines virales (2 ou 3 pour Ebola) et d'extraits matriciels. Après des premiers résultats prometteurs chez l'animal, l'équipe du Dr Dana Swenson envisage de mettre en place une étude de phase I dans un délai de trois à cinq ans. Pour les vaccins à ADN, cette première phase clinique a déjà été effectuée, et, actuellement, en raison de la faible durée dans le temps de l'immunité anticorps produite, des techniques de revaccination avec d'autres types de vaccin sont à l'étude afin de mettre en place une immunité à long terme fondée sur des lymphocytes T à réponse polyfonctionnelle.
Les vaccins adénovirus recombinants permettent une telle approche. C'est avec l'adénovirus 5 que les meilleurs résultats ont été obtenus, mais une grande partie de la population africaine a déjà été en contact avec ce virus. D'autres candidats sont en cours d'évaluation (adénovirus 48 et 35), mais le Dr Nancy Sullivan (NHI) imagine plutôt l'utilisation de schémas vaccinaux combinant soit un vaccin ADN en primo-injection, soit un vaccin adénovirus 5 et des injections de rappel utilisant d'autres types d'adénovirus. Des études de phase I sont en cours.
Une meilleure connaissance du cycle de transmission
Depuis que le lien entre la contamination humaine et l'existence de contact avec des singes infectés a été établi, les connaissances en matière de cycle de transmission se sont encore améliorées. Aujourd'hui, l'idée qu'il existe un réservoir de type arthropode est évoquée. A partir de ce premier hôte, le virus pourrait être transmis à des méga-chiroptères, chez qui il se produirait une amplification et une dissémination du virus, comme l'a prouvé le Dr Eric Leroy (IRD, CIRMF, Franceville). Les humains ou des singes seraient en contact de façon accidentelle avec des fruits mâchés par ces chauves-souris ou avec leurs déjections. L'homme pourrait ainsi être contaminé directement ou par l'intermédiaire de primates avec qui il aurait été en contact. Dans ces conditions, un travail coordonné avec les autorités chargées de la surveillance des forêts pourrait permettre de détecter les premiers cas au moment de l'amplification animale, et les contacts avec les hommes pourraient donc être limités, empêchant ainsi l'amplification humaine. D'autres pistes doivent aussi être explorées. Des analyses sérologiques systématiques pourraient permettre de déterminer s'il existe des porteurs sains ou des populations de malades pauci-symptomatiques.
Une approche anthropo-épidémiologique
Le Dr Alain Epelboin (Muséum d'histoire naturelle, Paris) se voit comme un candide lorsqu'il participe aux missions épidémiologiques dans les populations touchées par le virus Ebola. Son approche anthropologique lui permet d'analyser l'impact de l'épidémie sur la structuration de la société. Il prend aussi en compte des facteurs locaux (tribaux ou familiaux) pour apprécier les risques de contamination intermédiaire lors des déplacements des familles vers les hôpitaux. Il analyse l'impact des systèmes médicaux de soins ou de distribution de médicaments. Enfin, il prend en compte les rites funéraires locaux pour les adapter au mieux et dans le respect des populations aux situations de crise sanitaire.
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