Une piste dans la tuberculose résistante

Les phénothiazines comme traitement adjuvant

Publié le 14/03/2005
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MYCOBACTERIUM tuberculosis (MT) est une bactérie aérobie obligatoire capable de survivre pendant un temps relativement long dans des conditions de mauvaise oxygénation. Depuis plus d'un siècle, les infectiologues pensaient que la survie de ces bactéries était liée à l'existence de deux systèmes d'oxygénation. C'est ce qui a récemment été prouvé par l'analyse du génome de MT confirmant l'existence de gènes codant pour deux cytochromes distincts : cytochrome aa3 et cytochrome bd. Ces deux chaînes respiratoires peuvent être stimulées par une oxydoréductase de type II NADH:menaquinone. Bloquer cette étape pourrait permettre de détruire activement les bactéries sans léser les cellules de l'hôte, puisque les mitochondries humaines ne sont sensibles qu'à l'oxydoréductase de type I NADH.

Des modifications progressives des sources d'oxygène.
Dans un premier temps, l'équipe du Dr Edward Weinstein (Philadelphie) a montré que, en culture, le système de respiration mis en œuvre par MT dépend du taux d'oxygénation auquel les bactéries sont soumises. Il semblerait que MT s'adapte progressivement, en opérant une modification progressive de ses sources d'oxygène, ce qui expliquerait sa survie prolongée dans un milieu hypoxique. Ce glissement serait déclenché par une baisse des accepteurs d'électrons en rapport avec la raréfaction de l'oxygène disponible.
Ensuite, les chercheurs ont eu l'idée de tester in vitro sur des MT l'effet d'une famille médicamenteuse inhibant spécifiquement l'activité NADH:menaquinone oxydoréductase, les phénothiazines. Ces médicaments de la famille des neuroleptiques ne sont pas actuellement utilisés comme antibiotiques. Ils entrent dans la composition d'antitussifs et de certains antiémétiques. Des cultures de MT en milieu appauvri en oxygène ont été mises en contact avec plusieurs médicaments de cette classe : chlorpromazine, trifluoperazine et trois composants fabriqués à partir des deux substances précédentes. Si la chlorpromazine a permis une inhibition de la culture cellulaire, l'utilisation de ce médicament ne peut être envisagée chez l'homme car les concentrations sériques obtenues lors de la prise orale ne peuvent jamais se révéler bactéricides du fait d'une mauvaise diffusion.

Concentration dans les macrophages.
L'utilisation du composé 1 (noyau chlorpromazine et chaîne N terminale dérivée du trifluoperazine) permet, pour sa part, d'obtenir des concentration sériques beaucoup plus élevées, proches du seuil bactéricide. En outre, cette molécule se concentre particulièrement au sein des macrophages, ce qui laisse penser que son action pourrait être encore majorée.
Dans le contexte actuel de résistance progressive de MT aux antituberculeux classiques, les auteurs concluent que « les phénothiazines pourrait accélérer le traitement de la tuberculose en agissant sur les bactéries persistantes et, de ce fait, en rendant les médicaments habituellement utilisés plus efficaces ».

« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.

> Dr ISABELLE CATALA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7708