EXISTE-T-IL un seuil dans la consommation quotidienne de cigarettes au-delà duquel surviennent de sérieuses complications pour la santé ? De nombreuses études de population ont rapporté une forte relation dose-réponse entre la consommation de cigarettes et les maladies graves. Toutefois, dans la plupart des études, le plus faible groupe de consommation était de 1 à 9 ou de 1 à 15 cigarettes par jour. Dès lors, on peut imaginer que, dans ces groupes, les fumeurs étaient tout près de la limite supérieure et que la valeur seuil est plus basse. Mais quelques études prospectives ont rapporté des conséquences pour une consommation inférieure à cinq cigarettes par jour. C'est dire l'intérêt de la nouvelle étude publiée par les Norvégiens K. Bjartveit et A. Tverdal dans « Tobacco Control » ; l'objectif de ce travail était de déterminer, chez les hommes et les femmes fumant de 1 à 4 cigarettes par jour, le risque de décès d'une maladie liée au tabac et de décès de toute cause. L'étude a porté sur 23 521 hommes et 19 201 femmes de 35 à 49 ans qui, dans les années 1970, ont eu un dépistage des facteurs de risque cardio-vasculaire et qui ont été suivis jusqu'en 2002 (on a alors colligé les décès : de tous types, d'origine cardio-vasculaire, par tous types de cancer, par cancer du poumon). Etaient exclus de l'étude les sujets qui avaient un antécédent d'infarctus du myocarde, d'angor, d'AVC, de diabète, d'artérite des membres inférieurs, et ceux qui suivaient un traitement par antihypertenseur, trinitrine... Etaient également exclus les ex-fumeurs et les fumeurs de pipe.
La consommation de cigarettes était appréciée dans 6 catégories : 1 à 4, 5 à 9, 10 à 14, 15 à 19, 20 à 24, plus de 25.
Dans les deux sexes, la durée du tabagisme augmentait avec le nombre de cigarettes fumées chaque jour : pour les hommes, de 18,7 années chez les 1-4 cigarettes/jour à 23,9 chez les plus de 25 cigarettes/jour ; pour les femmes, de 12,5 à 20,1 années dans les mêmes tranches de consommation.
Accroissement du cholestérol et des triglycérides.
Dans les deux sexes, également, il y avait un accroissement du cholestérol total et des triglycérides qui était fonction du nombre de cigarettes fumées ; quant à l'activité physique pendant les loisirs, elle diminuait avec l'ampleur du tabagisme (exemple chez les hommes : de 2,20 pour les non-fumeurs, 2,13 pour la tranche 1-4/j et 1,79 pour la tranche des plus de 25/j.
En ce qui concerne la mortalité toutes causes et la mortalité par cardiopathie ischémique, tous types de cancer et cancer du poumon, on a observé dans les deux sexes que les « petits » fumeurs (entre 1 et 4 cigarettes par jour) ont des taux de mortalité plus élevés que ceux qui n'ont jamais fumé et que les taux de décès croissent avec la consommation de cigarettes. Dans toutes les causes de mortalité et toutes les catégories de tabagisme, les femmes ont des mortalités moindres que les hommes.
Par rapport à ceux qui n'ont jamais fumé, les « petits » fumeurs des deux sexes ont : un risque relatif de décès de toutes causes 1,5 fois plus élevé ; un risque de décès par cardiopathie ischémique près de 3 fois plus élevé.
La marche entre les 0 et les 1-4/j.
Le surrisque le plus élevé chez les petits fumeurs est observé chez les femmes pour le cancer du poumon : leur risque relatif (RR) est 5,03 (contre 2,79 chez les hommes).
Dans les deux sexes et dans toutes les catégories de consommation, le RR pour les cardiopathies ischémiques est bien plus élevé que pour tous les cancers et les décès toutes causes confondues ; l'augmentation la plus importante concernant la « marche » de la tranche des non-fumeurs et celle des « petits » fumeurs.
« Dans l'ensemble, les femmes ont un risque relatif plus élevé que les hommes de mourir d'une cardiopathie ischémique et de cancer du poumon, mais il faut garder à l'esprit que le risque absolu est plus élevé chez les hommes dans toutes les catégories de consommation.
Chez les hommes et les femmes fumant entre 1 et 4 cigarettes par jour, il y avait une nette augmentation du risque de décès par maladie ischémique et par décès de toutes causes, concluent les auteurs. (...) Pour tous les groupes de maladies et de consommation de cigarettes, les femmes avaient nettement des taux de décès moindres que les hommes ; toutefois, pour les cardiopathies ischémiques, les risques chez les femmes par rapport aux non fumeuses étaient plus élevés que chez les hommes. Il en est de même pour les femmes fumant moins de 20 cigarettes par jour. »
« Tobacco Control », 2005 ; 14 : 315-320. Doi : 10.1136/tc.2005.011932
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