« IL NE FAUT ni être dans l’exagération, ni dans la dénégation », prévient Éric Debarbieux, directeur de l’Observatoire international de la violence à l’école, coordinateur de l’enquête avec Georges Fotinos, ancien inspecteur général de l’Éducation nationale. D’ailleurs, l’étude s’appelle « À l’école des enfants heureux... ou presque ». De par son ampleur (12 326 élèves de CE2, CM1 et CM2, issus de 157 écoles de 8 académies), cette enquête de victimation constitue une première en France, souligne Jacques Hintzy, président d’Unicef-France, à l’origine de ce débat.
Parmi les points positifs, 9 élèves sur 10 affirment se sentir bien à l’école. Près de 89 % des enfants estiment avoir de bonnes ou très bonnes relations avec les enseignants (même si un peu plus de 13 % des répondants se plaignent d’avoir été rejetés par un enseignant). Mais derrière ce plébiscite, le quotidien semble beaucoup plus difficile les 11 à 12 % des élèves qui sont victimes « de microviolences répétées », physiques et verbales ? Éric Debarbieux préfère éviter le mot « harcèlement ». Il ne faut pas céder à « l’affolement », conjure-t-il. « Ce ne sont pas des faits divers : les violences les plus dures sont assez rares dans les écoles ». Toutefois ces « petites violences qui se cumulent sur les mêmes têtes » ont des conséquences en termes de santé mentale : décrochage scolaire, absentéisme, perte d’image de soi, tendances dépressives et suicidaires de long terme.Moqueries, menaces, coups, bousculades, voyeurisme dans les toilettes, vol du goûter : « Ce qui me surprend, ce ne sont pas tant les chiffres qui se retrouvent dans les normes internationales mais la massivité du phénomène. Toutes les formes de violence tombent sur les mêmes élèves », poursuit Éric Debarbieux. Et entre 60 et 80 % des agresseurs sont des garçons.
Des propositions.
Problème internationalement partagé, le harcèlement à l’école n’est pas une fatalité. Certains pays, comme ceux du nord de l’Europe et la Grande-Bretagne, ont mis en place « des programmes efficaces qui ont fait baisser de plus de moitié ce taux », fait savoir Éric Debarbieux. Dans les pays scandinaves, les enseignants font un travail de sensibilisation en impliquant tous les élèves. En Grande-Bretagne, le problème, appelé « school bullying » a été pris en charge depuis la fin des années 1980 avec l’intervention des instances publiques mais aussi l’implication des élèves, des parents et des enseignants. La lutte contre le harcèlement est « horriblement longue », souligne Éric Debarbieux, qui parle d’un « cercle vertueux » entre tous les acteurs concernés et, en premier lieu, l’Éducation nationale. Plus que des recettes miracles, il faut une prévention précoce, plaide-t-il, pour établir « une manière d’être ensemble à l’école, en privilégiant les valeurs de respect et de coopération ». Ce que Jacques Hintzy décrit comme « le concept d’une école amie des enfants », dès la maternelle.
Les propositions que doit remettre Éric Debarbieux (dans le cadre des États généraux sur la sécurité à l’école) Luc Chatel devrait aller dans ce sens. Le ministre de l’Éducation vient également de mettre en place un« Conseil scientifique contre les discriminations à l’école », en particulier chargé de la lutte contre le harcèlement scolaire. Il sera présidé par François Heran, un démographe, ancien directeur de l’Institut national des études démographiques.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature