EN DECEMBRE 2001, le Pr Charles Sultan, endocrinologue pédiatrique au CHU de Montpellier, fait part à la direction générale de la Santé de ses préoccupations concernant 11 cas de malformations génitales graves (hypospadias, cryptorchidie, micropénis) observées dans son service. Le nombre de ces malformations lui paraissent anormal, « 3 à 4 fois supérieur à ce qui est attendu habituellement ». De plus, « les cas ont tous en commun de survenir dans des familles d'agriculteurs ou de personnes potentiellement exposées à des produits chimiques ». L'Institut de veille sanitaire (Invs), saisi du problème, lance une étude afin de déterminer s'il existe un excès de malformations congénitales de l'appareil génital masculin dans la région et évaluer la relation possible entre les affections observées et d'éventuels épandages d'insecticides effectués en 2000 dans le Languedoc-Roussillon.
Etude de 13 dossiers.
L'étude en trois temps de l'Invs a d'abord consisté en une description des cas observés, à partir des dossiers médicaux transmis par le Pr Sultan. Treize dossiers ont finalement été inclus, qui concernent 12 garçons nés entre juillet 1998 et février 2001 et un né en 1991. Pour toutes les malformations - micropénis, verge coudée, hypospadias, cryptorchidie uni- ou bilatérale et pseudohermaphrodisme - le bilan paraclinique (caryotype et test de stimulation à la gonadotrophine chorionique humaine) est normal. Cependant, aucune indication n'est fournie sur une recherche de mutations sur certains gènes. Les données d'interrogatoire, pas assez précises, notamment pour la profession des parents et leur exposition à des substances spécifiques, n'a pas « permis d'identifier de facteurs de risque spécifiques liés à l'environnement ».
Parallèlement, l'étude a recherché l'existence d'un facteur environnemental lié aux procédures de démoustication du littoral méditerranéen. Parmi les substances actives suspectées d'être des perturbateurs endocriniens, « seul le clorpyrifos a été utilisé en quantité minimes (maximum de 2,3 kg en 1996) et ne l'est plus depuis l'année 2000 », notent les auteurs du rapport. Par ailleurs, les lieux de résidence des parents concernés sont répartis de façon aléatoire et certains ne résident pas dans les zones traitées. Il paraît donc « peu plausible d'établir un lien entre l'augmentation temporelle du nombre des cas signalés entre 1998 et 2000 et les épandages effectués dans la région », concluent-ils. Les épandages spécifiques destinés à lutter contre la propagation du virus West-Nile ne semblent pas non plus en cause : seule des surfaces limitées dans l'Hérault et Gard (220 et 320 hectares) ont été traitées et uniquement en 2000. Les auteurs précisent « qu'aucun épandage pour la démoustication n'est autorisé en Camargue, zone protégée, y compris contre le virus West-Nile. »
Cryptorchidies et hypospadias.
Afin de mettre en évidence un éventuel excès des malformations dans la région, il a été décidé de ne considérer que les malformations génitales opérées donnant lieu à une hospitalisation dans les services de chirurgie pédiatrique du public et du privé. Seuls les cryptorchidies et les hypospadias ont donc été retenus, recensés dans le cadre du Pmsi (Programme de médicalisation du système d'information, qui a pour objectif l'analyse médico-économique de l'activité hospitalière à des fins budgétaires). Leur fréquence, estimée pour chaque région française, a été comparée à la moyenne nationale. Le rapport estime que, en Languedoc-Roussillon, « les taux de malformations opérées sont proches des taux moyens calculés pour la France ». L'augmentation signalée par le Pr Sultan pourrait s'expliquer par une variation locale de l'offre de soins ou par la notoriété croissante du service d'endocrinologie pédiatrique. Les taux de cryptorchidies standardisés sur l'âge varient entre 17 et 32/10 000 chez les garçons de moins de 7 ans. Ils sont relativement stables pendant la période 1998-2001 avec toutefois une variabilité géographique, les taux les plus élevés concernant les régions à forte densité de population (Lorraine, Champagne-Ardennes, Franche-Comté, Nord - Pas-de-Calais, Poitou-Charentes). Les taux ont tendance à augmenter régulièrement depuis 1998 en Basse-Normandie et en Bretagne. La même tendance existe en Languedoc-Roussillon depuis 1999, mais avec des taux inférieurs à la moyenne nationale. Les taux pour les hypospadias oscillent entre 4,9 et 12,8/10 000, les plus élevés étant enregistrés en Provence-Alpes-Côte d'Azur, Alsace, Rhône-Alpes, Ile-de-France, régions à forte densité. Là encore, une tendance à l'augmentation est observée en Franche-Comté, Pays de la Loire, Bretagne et Auvergne, mais avec des taux plus faibles.
Les auteurs précisent que l'étude n'a pas eu pour objectif de tester des hypothèses étiologiques. Seule la mise en place d'études de type cas-témoins avec évaluation de l'exposition environnementale permettrait de le faire. Plusieurs études sont en cours, dont une au CHU de Montpellier, et qui est pilotée par les Prs Daurès et Sultan.
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