Depuis les premiers essais de neurostimulation cérébrale profonde effectués pour traiter les tremblements, puis surtout les formes sévères de maladie de Parkinson (le premier malade a été opéré en 1993), les atouts de cette nouvelle technologie se sont progressivement révélés. Mise au point par les Prs Ben Abib et Paulac (Grenoble), la neurostimulation est maintenant considérée comme une option thérapeutique efficace mais surtout réversible et adaptable à chaque malade. A l'heure actuelle, plus de 1 000 patients ont déjà été traités dans l'un de 16 centres français pratiquant ce type d'interventions et la FDA a autorisé récemment son utilisation aux Etats-Unis. Le fait nouveau est qu'au fil de l'expérience grandissante forgée avec cette nouvelle approche, quelques observations surprenantes ont attiré l'attention. La neurostimulation s'est en effet révélée capable de générer ou d'améliorer des troubles psychiatriques associés à la maladie de Parkinson. Ainsi Bejjani et coll. ont signalé l'émergence d'un syndrome dépressif majeur tandis qu'un état maniaque s'est déclaré chez un autre patient. Récemment, L. Mallet et coll. ont rapporté, chez deux Parkinsoniens, la disparition d'un trouble obsessionnel-compulsif (TOC) concomitant après neurostimulation subthalamique bilatérale. Ces données, jointes à l'amélioration des connaissances des circuits neuronaux mis en jeu dans les TOC, grâce, notamment, à l'élaboration d'un modèle animal de TOC (L. Tremblay, INSERM, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), ont permis d'envisager d'y recourir dans des affections psychiatriques comme les TOC, lorsqu'ils résistent aux traitements existants (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et thérapie comportementale). A cet égard, un grand projet multicentrique français est actuellement en cours de préparation dans les formes sévères. D'autres troubles du comportement pourraient également tirer bénéfice de cette approche thérapeutique comme la maladie de Gilles de la Tourette pour laquelle un programme pilote, prévoyant l'opération de cinq patients, a été lancé. Quant aux autres indications neurologiques, il s'agit des dystonies généralisées de l'enfant (travaux du Pr Combes, Montpellier) pour lesquelles les résultats apparaissent extrêmement positifs, et des dystonies de l'adulte (un programme national d'étude est coordonné par le Pr Vidaillet (hôpital Saint-Antoine, Paris) marquées cependant par une hétérogénéité des réponses. Le Pr Damier (Nantes) coordonne pour sa part un programme d'étude de la neurostimulation qui doit être très prochainement mis en place pour des patients souffrant de dystonies et de dyskinésies provoquées par les neuroleptiques.
Loin d'être une main mise des neurologues sur les affections psychiatriques, la neurostimulation aura plutôt eu le mérite de réunir deux spécialités divorcées depuis 1968 car si elle apporte une possibilité thérapeutique nouvelle pour les troubles mentaux ainsi qu'une relecture des dysfonctionnements neurologiques en cause, les troubles psychologiques sous-jacents nécessitent toujours une approche spécifique. Plus encore, comme l'a souligné le Pr Sicard, président du Conseil national d'éthique, l'élargissement des indications de la neurostimulation à d'autres affections psychiatriques comme la dépression, et surtout les psychoses, ne va pas sans poser des problèmes éthiques. Ce d'autant que la chirurgie psychiatrique proprement dite, qu'il s'agisse de lobotomies mais aussi d'interventions plus focalisées comme les cingulotomies, se relève à peine d'un passé connoté péjorativement, en raison des indications qui ont malheureusement parfois relevé davantage de motifs politiques que médicaux.
La sclérose en plaques, maladie neurodégénérative ?
Autre concept qui a émergé dans le cadre des Journées d'enseignement supérieur de neurologie, celui d'un soubassement neurovégétatif de la sclérose en plaques (SEP). Classiquement considérée comme une maladie inflammatoire, la SEP pourrait en effet relever d'altérations neuronales dégénératives. Ainsi, il existe une proportion substantielle de patients (15 %) qui évoluent d'emblée sur un mode progressif. Le suivi de grandes cohortes a également montré que, quel que soit le mode d'entrée dans la maladie et l'évolution, tous les malades finissent par s'aggraver, et si les immunomodulateurs diminuent le nombre de poussées, ils n'ont pas d'impact sur le handicap. Enfin, les études en spectro-IRM ont permis de mettre en évidence, dans les phases précoces, des lésions diffuses de la substance blanche évoluant indépendamment des lésions inflammatoires. De là à proposer une hypothèse physiopathologique dans laquelle la SEP pourrait être considérée comme une maladie neuronale dégénérative associée à une réaction immunologique inflammatoire, le pas semble avoir été franchi par plusieurs comme C. Confavreux (Lyon) et G. Edan (Rennes). Les conséquences thérapeutiques de ce nouveau concept ne sont en effet pas sans intérêt puisqu'il s'agirait alors d'envisager des traitements ciblés sur la repousse axonale ou tout au moins neuroprotecteurs qui viendraient compléter l'arsenal thérapeutique existant.
Mild Cognitive Impairement : un concept trop flou
Bien que destiné à permettre le dépistage de formes débutantes de démences, le Mild Cognitive Impairement (MCI) apparaît aujourd'hui pour certains dont Bruno Dubois (Pitié Salpêtrière) comme un concept flou, regroupant des pathologies très différentes, ne permettant pas l'identification des formes précoces de maladies définies (maladie d'Alzheimer, aphasie progressive, démence fronto-temporale) à un stade prédémentiel. L'enjeu est en effet surtout de savoir quels patients il faut traiter et donc de disposer d'éléments d'orientation étiologique plus que symptomatique comme en fournissent déjà les tests neuropsychologiques et, probablement, dans les années qui viennent, l'imagerie, en témoignent les nombreux travaux en cours, notamment en scintigraphie.
D'après un entretien avec le Pr Philippe Damier (Nantes).
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