L'étude du CREDES (1) sur la relation entre consommation des médicaments et couverture complémentaire confirme clairement le lien étroit qui existe entre ces deux items : l'assurance complémentaire a un fort impact sur la consommation pharmaceutique, écrivent les auteurs de cette analyse, qui a été financée par la Fédération nationale de la Mutualité française.
Ce document qui porte sur des statistiques de 1998 (avant l'introduction de la CMU en 2001 qui a commencé à corriger certaines inégalités) indique que 28 % des personnes sans couverture complémentaire achètent chaque mois des médicaments, contre 40 % pour les patients ayant une mutuelle ou une assurance privée. « A âge et sexe comparables, explique le CREDES, les personnes sans complémentaire ont une dépense inférieure de 15 % à la moyenne de la population. »
Peu surprenants, ces résultats sont à rapprocher de ceux qui concernent la consommation par individu. En effet, si les personnes sans complémentaire consomment en moyenne moins souvent que les autres, leurs dépenses sont plus élevées dès qu'elles commencent à acheter des médicaments, et dépassent de 10 % la moyenne. « A ce stade de l'analyse, notent les experts du CREDES, ce résultat, qui confirme ceux d'autres travaux, semble indiquer que la consommation des personnes sans complémentaire » intervient à un stade où leur état de santé est « plus dégradé ». Ces patients sans couverture complémentaire hésitent à acheter des médicaments pour lesquels ils ne seraient pas entièrement remboursés. En effet, la majorité des spécialités est prise en charge par l'assurance-maladie à 65 % ou à 35 % et certains médicaments, notamment parmi les plus récents, ont un prix élevé. Ce qui peut faire hésiter des malades qui ne bénéficient pas d'une prise en charge à 100 %, à engager des dépenses. Il est clair - et c'est sans doute un problème qui est négligé - que les personnes sans complémentaire reportent l'achat de médicaments.
Le CREDES, qui a passé en revue six classes thérapeutiques (appareil digestif, cardio-vasculaire, appareil génito-urinaire, psychotropes, analgésiques et hypolépidémiants), confirme cette analyse puisqu'il ressort que la consommation moyenne des personnes sans complémentaire est bien inférieure à celle des autres assurés. « Mais si l'on regarde les résultats portant sur les seuls consommateurs, on constate, là encore, que la dépense des personnes non protégées par une complémentaire est bien supérieure à la moyenne. » Elle dépasse de 10 % la moyenne de la population.
Les dépenses par type d'assurance complémentaire
Si l'on considère les dépenses des personnes ayant une assurance complémentaire, on note que les différences de consommations selon le type de couverture (mutuelle, organisme de prévoyance, assurance privée) sont parfois significatives. Les différences de niveau de consommation entre organismes complémentaires sont certes moins marquées que celles entre assurés et non assurés, mais sont surtout sensibles pour les assurances privées. « Les dépenses (mensuelles) des mutualistes et des bénéficiaires d'une caisse de prévoyance sont au même niveau (16,16 euros et 16,45 euros), tandis que celles des assurances privées sont significativement plus faibles (12,15 euros). »
Les mutualistes dépensent, à âge et sexe comparables, plus que la moyenne pour presque toutes les classes thérapeutiques, à l'exception des médicaments du système nerveux central. Les assurés des caisses de prévoyance ont des dépenses élevées pour les médicaments dermatologiques, cardio-vasculaires, de l'appareil respiratoire et génito-urinaire.
Enfin, la dépense des bénéficiaires des assurances privées reste inférieure à la moyenne pour beaucoup de classes thérapeutiques et en particulier pour les médicaments à visée dermatologique, les anti-infectieux, les médicaments du système nerveux et cardio-vasculaires.
Reste que l'on peut s'interroger sur les différences de comportement des assurés selon le type de couverture complémentaire qu'ils ont choisi et les raisons de ces différences. Mais, pour le CREDES, elles ne proviennent pas de la nature des couvertures elles-mêmes mais dépendent de facteurs bien précis : d'abord, l'âge et l'état de santé (morbidité, risque vital, invalidité).
Pour les experts, « l'hypothèse sociologique de comportements de santé variable selon la nature de la complémentaire n'est pas validée ».
Mais mettre en avant le fait que ce sont les adhérents des mutuelles ou des caisses de prévoyance qui consomment le plus, en raison d'abord de leur état de santé et de leur âge, c'est admettre qu'ils sont plus malades et plus âgés que ceux des assurances privées. Ce qui n'est sans doute pas tout à fait faux, vu l'arrivée récente des assurances privées dans ce circuit, assurances qui ont d'abord choisi pour cible des gens plus jeunes, et en majorité en activité, ce qui n'est pas toujours le cas pour les mutuelles et les organismes de prévoyance.
(1) La consommation des médicaments varie-t-elle selon l'assurance complémentaire ? CREDES, 1, rue Paul-Cézanne, 75008 Paris. Tél. 01.53.93.43.02. Site Web : www.credes.fr.
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