Par les Drs JÉRÉMIE BOTTON, BARBARA HEUDE et MARIE-ALINE CHARLES*
LE SURPOIDS est en progression chez l'enfant. L'obésité, une fois installée, est difficile à traiter, d'où l'intérêt d'en comprendre ses plus précoces déterminants, afin d'agir au plus tôt. Parmi les facteurs nutritionnels les plus précoces, l'allaitement maternel est souvent retrouvée associée à une diminution de la prévalence de l'obésité, même si l'effet semble modeste (1). Un certain nombre d'études ont mis en évidence une association entre la prise de poids dès les premières années et l'obésité future (2). Notamment, un gain de poids rapide chez un nouveau-né de petit poids de naissance serait associé à un développement de la masse grasse et, à une répartition abdominale des graisses, qui semble favoriser les maladies cardio-vasculaires à l'âge adulte. Pendant les premières années de vie se succèdent les mises en place d'adaptation et d'apprentissages fondamentaux. L'importance relative de chaque période et les différences potentielles entre filles et garçons en ce qui concerne le développement de la masse grasse n'avaient pas encore été étudiées.
L'identification des périodes à risque.
Nos résultats publiés en juin dans l'« American Journal of Clinical Nutrition » ont permis l'étude spécifique de différentes périodes pendant l'enfance. Dans une analyse portant sur 468 enfants âgés de 8 à 17 ans inclus dans l'étude épidémiologique Fleurbaix Laventie Ville Santé II, nous avons mis en évidence l'existence de périodes de croissance entre la naissance et 5 ans plus particulièrement associées au surpoids à l'adolescence : les six premiers mois de vie et une seconde période débutant vers 3 ans (3). Ainsi, à 3 mois, chaque augmentation de la vitesse de croissance de 143 g/mois correspond à une augmentation du risque de surpoids de 52 %. Entre ces deux phases, soit entre 1 et 2 ans, une croissance rapide du poids est davantage associée à la taille à l'adolescence qu'à la masse grasse.
Ce travail permet d'orienter les recherches sur certaines périodes. Quelques études semblent indiquer que, dès l'âge de 3-4 ans, la vitesse de croissance pondérale pourrait être le reflet d'un certain comportement : sédentarité, alimentation riche en sucres… Nous n'avons pas pu tester le rôle que pouvait avoir, par exemple, l'allaitement maternel dans ces relations à partir de nos travaux. Cependant, d'autres études – notamment l'étude française EDEN – sont en cours et devraient permettre d'apporter des réponses à ces questions.
Les particularités des premiers mois de vie.
Les données de la littérature sont beaucoup plus limitées pour la période très précoce des premiers mois de vie. D'après nos résultats, une prise de poids rapide serait associée à une augmentation de la quantité de masse grasse. Toutefois, dans notre étude, il faut préciser qu'elle s'accompagne également d'une augmentation de la quantité de masse maigre, uniquement chez les garçons. Cette période voit également se développer de nombreuses fonctions, parmi lesquelles le système neuromoteur ; c'est la raison pour laquelle il faut rester prudent : proposer des mesures en vue de limiter la croissance pondérale dans les tout premiers mois qui suivent la naissance est bien trop délicat dans l'état actuel des connaissances.
Les résultats sont concordants avec d'autres travaux. Deux études (britannique et finlandaise) publiées dans le même numéro de l'« American Journal of Clinical Nutrition » soulignent les relations entre masse grasse à l'adolescence et à l'âge adulte et croissance du poids dans les premiers mois de vie ou après 2-3 ans.
De nombreuses questions subsistent.
Il resteà mieux comprendre quels sont les facteurs responsables d'une croissance trop rapide du poids dans les premiers mois de vie et après 3 ans. Peut-on agir sur ces facteurs sans risque pour les autres aspects du développement ? Quelle est la part de l'expression précoce d'une prédisposition génétique ? Autant de questions auxquelles il faudra répondre avant de pouvoir engager une prévention précoce individuelle efficace du surpoids.
* INSERM U780, IFR69, université Paris-Sud-XI (1) Owen CG, et al. Am J Clin Nutr 2005, 82(6) :1298-307.
(2) Monteiro PO and Victora CG. Obes Rev 2005, 6(2) :143-54.
(3) Botton J, Heude B, Maccario J, Ducimetière P, Charles MA and the FLVS Study Group. Am J Clin Nutr 2008 ; 87(6) :1760-8.
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