HARO sur les fraudeurs : désormais pilotée par une puissante direction du contentieux et de la répression des fraudes, placée sous l'autorité du Dr Pierre Fender, la politique de contrôle de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) veut entrer dans l'ère de l' « efficacité » en utilisant les outils de sanction quasi régaliens mis à disposition par la loi sur la réforme de l'assurance-maladie.
Attention, nuance d'emblée le directeur de l'assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, les comportements abusifs ou frauduleux sont « très minoritaires » (environ 1 % des professionnels et des assurés concernés). Les contrôles ciblés dans ce domaine ne sont donc qu'une infime partie de la politique de régulation des dépenses de l'assurance-maladie, dont le socle demeure la maîtrise médicalisée (respect des règles de prise en charge et de prescription, des bonnes pratiques, accords de bon usage, responsabilisation).
Il n'en reste pas moins que, sur les trois thèmes prioritaires annoncés dès le début de 2005 (arrêts de travail ; très gros consommateurs de soins et remboursements injustifiés à 100 %), la Cnam est décidée à faire preuve de fermeté rapidement. Dans les prochains jours, elle appliquera, pour les cas de fraude ou d'abus avérés, le dispositif de pénalités financières graduées qui concerne les médecins et les assurés mais aussi les établissements et les employeurs (encadré). Et dès janvier 2006, elle pourra décider de mettre certaines prescriptions sous la tutelle et l'accord préalable du contrôle médical. « Jusqu'à présent, on avait la bombe atomique (procédures pénales ou ordinales) ou le pistolet à eau », résume le Dr Pierre Fender, pour qui « ce qui compte, c'est l'effet dissuasif ». Où en est-on?
Arrêts maladie : 700 000 contrôles cette année.
Tous les assurés ayant un arrêt maladie de plus de deux mois ont déjà été contrôlés, soit 385 000 assurés, et 170 000 personnes ont été rencontrées pour des arrêts de courte durée suspects. « Dans 17 % des cas », précise le Dr Fender, ces contrôles ciblés n'étaient pas justifiés médicalement. Au total, les vérifications concerneront 700 000 assurés cette année (contre 450 000 en 2003).
Dans un autre registre, les médecins-conseils ont identifié 4 000 assurés « mégaconsommants » sans raisons médicales apparentes (consultations à répétition, par exemple).
Sur les 1 400 personnes déjà examinées, 500 se sont vu proposer un suivi médical plus rigoureux ; la prise en charge des soins non justifiés a été interrompue pour 150 patients et 17 font l'objet de poursuites pénales ; la procédure est en cours pour 700 autres assurés. Dans une « cinquantaine de cas », précise le Dr Fender, c'est le comportement frauduleux ou abusif du professionnel de santé qui est en cause. La Cnam a décidé un « suivi particulier » des patients sous traitement substitutif aux opiacés, avec des contrôles ciblés qui ont permis de « faire baisser de 20 % le nombre de consommateurs abusifs de Subutex ».
Mais c'est probablement le remboursement injustifié à 100 % dans le cadre des ALD, autrement dit le non-respect de la réglementation sur l'ordonnancier bizone, qui risque d'exposer les médecins aux premières sanctions. L'assurance-maladie a adressé au début de l'été un courrier individuel à 9 000 médecins ( « généralistes et spécialistes ») dont les prescriptions à 100 % injustifiées (hors ALD) représentaient plus de 700 euros par mois. Une mise en garde. « Ceux qui n'ont pas fait cas de cette alerte et dont les pratiques restent abusives s'exposent à des pénalités », confirme le Dr Fender. Les amendes s'échelonnent de 75 à 5 032 euros. Elles seront comprises entre « 75 et 500 euros » pour un remboursement indu inférieur ou égal à 500 euros ; entre « 125 et 1 000 euros » jusqu'à 2 000 euros de préjudice ; et au-delà de ce seuil, « entre 500 et 5 032 euros», soit deux fois le plafond mensuel de la Sécu. Plusieurs étapes sont prévues avant le couperet : mise en garde personnelle par le directeur de la caisse ; notification détaillée si les faits sont constatés à nouveau ; audition du « suspect » ; saisine obligatoire par le directeur d'une commission (caisses/professionnels) chargée de rendre un « avis motivé » avant toute sanction ; contestation possible devant le tribunal administratif. Pierre Fender promet un dispositif « transparent » et « contradictoire » et calme le jeu . « Souvent, les médecins qui abusent sont déjà connus de nos services. » Il précise que la procédure des pénalités (passage devant la commission) sera déclenchée en cas d'abus potentiel supérieur à 1 260 euros par mois. Quant au système de l'entente préalable (subordination des prescriptions à l'accord du contrôle médical pour une durée maximale de six mois), il s'appliquera dès janvier 2006 en cas de prescriptions d'arrêts de travail ou de transports « significativement supérieures aux données moyennes ».
Les principaux faits sanctionnés
Pour les assurés : fausses déclarations, usurpation de la carte Vitale, IJ indues.
Pour les professionnels : non-respect de l'obligation de transmettre au contrôle médical les éléments médicaux justifiant des prescriptions d'arrêts de travail ou de transport ; inobservance des conditions de prise en charge ; prescriptions abusives d'IJ et de transports ; actes fictifs, non-respect de la nomenclature et fausses déclarations.
Employeurs : responsabilité avérée dans le versement indu d'IJ. Etablissements : manquements aux règles de prise en charge ; erreurs de cotation et de facturation.
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