Les pédiatres sont inquiets. « La pénurie actuelle de ces spécialistes pourrait remettre en cause les progrès spectaculaires accomplis dans cette discipline depuis vingt ans », affirme le Pr Claude Lejeune, président de la Fédération nationale des pédiatres en néonatalogie.
Cela fait dix ans déjà que les représentants de cette spécialité alertent les pouvoirs publics sur la situation démographique de leur discipline et les menaces qu'elle fait peser, selon eux, sur la santé des enfants. Jugeant les mesures prises jusque-là par les pouvoirs publics insuffisantes, ils ont décidé d'unir leurs forces au sein d'un Conseil national de la pédiatrie (CNDP). Cette nouvelle structure, qui regroupe sept organisations représentatives des pédiatres qu'ils soient hospitaliers et libéraux (1), vient de tirer une nouvelle fois la sonnette d'alarme pour réclamer la mise en place « d'un projet politique en faveur de la santé des enfants ». Elle envisage l'organisation d'actions de protestation au début de l'année prochaine si rien n'est fait d'ici là.
Certes, la pédiatrie est classée, depuis quelques années, avec la gynécologie-obstétrique et l'anesthésie-réanimation comme une spécialité sinistrée et a, de ce fait, bénéficié de mesures spécifiques permettant de porter de 110 à 165 le nombre d'internes en formation. Mais ces dispositions ne seraient pas de nature, selon le nouveau Conseil national, à régler les problèmes qui se posent dès aujourd'hui dans la prise en charge sanitaire des enfants.
Hôpitaux généraux :
600 postes manquants ?
Dans les maternités, la situation serait, aux dires des praticiens hospitaliers, « au bord de la rupture », et les mesures prises en 1998 pour améliorer la sécurité à la naissance, qui prévoient notamment qu'un pédiatre soit de garde sur place vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ne sont pas applicables partout. « Pour un effectif constant, la charge de travail a augmenté, constate le Pr Lejeune. Le taux de natalité comme de prématurité augmente, alors que de nombreuses maternités ont fermé et qu'il faut mettre en place de nouvelles réglementations sur les gardes, le repos de sécurité et la réduction de temps de travail ». Les mêmes difficultés sont ressenties par la profession dans l'accueil des urgences pédiatriques qui augmentent à un rythme de 5 à 15 % par an. Une étude du collège des pédiatres des hôpitaux généraux indique qu'il faudrait 8 praticiens par service pour assurer une garde sur place, alors qu'ils sont 4,6 équivalent temps plein en moyenne dans les hôpitaux. Ce sont donc 600 pédiatres qui manqueraient actuellement dans les hôpitaux généraux pour assurer correctement la prise en charge des urgences.
Dans le secteur privé, le nombre de pédiatres a baissé de 18 % en quinze ans. Résultat : 52 % des pédiatres libéraux ont aujourd'hui plus de 51 ans. L'augmentation de la charge de travail associée à la faiblesse de leurs revenus, inférieurs de 30 % à ceux des autres spécialistes, ne suscitent guère les vocations. Cela risque d'entraîner, selon le Dr Jean Grunberg, vice-président du Syndicat national des pédiatres français, une disparition de cette spécialité en ville, alors qu'elle joue un rôle essentiel dans le suivi et le développement de l'enfant et la prévention.
Spécialiste de la mucoviscidose, le Pr Gabriel Bellon, président de la Société française de pédiatrie, témoigne également de la difficulté à recruter des pédiatres spécialisés dans la prise en charge des maladies chroniques de l'enfant.
Dans sa spécialité, par exemple, le nombre de praticiens devrait être multiplié par 3 ou 4 afin de répondre à la circulaire ministérielle du 22 octobre 2001 sur la prise en charge des patients atteints de mucoviscidose.
Le Conseil national de la pédiatrie estime au total que ce sont donc 200 internes en pédiatrie qu'il faudrait former chaque année et même 220 pour tenir compte des nouvelles réglementations. « Mais le desserrement du numerus clausus qui vient d'être annoncé ne fera sentir ses effets que dans une douzaine d'années, alors que les besoins sont immédiats », conclut le Dr Philippe Talon, président du Syndicat national des pédiatres en établissements hospitaliers.
(1) L'Association des juniors en pédiatrie, l'Association française de pédiatrie ambulatoire, le Collège des professeurs de pédiatrie, le Collège des pédiatres des hôpitaux généraux, la Société française de pédiatrie, le Syndicat national des pédiatres français, le Syndicat national des pédiatres en établissements hospitaliers.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature