De notre correspondante
Fin juin-début juillet, les enquêteurs de TNS-SOFRES ont interrogé un millier de personnes sorties depuis une dizaine de jours d'une hospitalisation dans les vingt centres de lutte contre le cancer répartis dans toutes les régions de France (avec une pondération tenant compte du taux de fréquentation de chacun). L'itinéraire de chaque personne a été analysé, depuis le diagnostic jusqu'à la sortie d'hospitalisation et durant son suivi.
Pour la Fédération nationale qui regroupe ces établissements, il s'agissait de dresser un état des lieux. « Non pas dans un but de marketing, explique le Pr Dominique Maraninchi, président de la Fédération , mais afin de savoir ce que ressentent et ce qu'attendent ceux qui viennent dans nos centres, afin de pouvoir progresser : nous voulons écouter pour agir et modifier. »
Parallèlement aux informations sur les centres eux-mêmes, cette enquête permet de constater l'importance du lien avec la médecine de ville : 18 % des premiers diagnostics de cancers traités dans les centres ont été portés par un généraliste, 40 % par un spécialiste de ville, et la plupart continuent à suivre le patient, surtout après l'intervention du centre (voir encadré).
Selon les personnes interrogées, 88 % des annonces de diagnostic ont été faites « dans de bonnes conditions ». Certaines annonces ont toutefois été faites dans le couloir, voire dans l'ascenseur, ou dans une chambre partagée avec un autre malade ; 8 % des annonces ont été faites par téléphone et 2 % par courrier. Certains médecins pondèrent ce constat : ils rappellent l'insistance de patients qui téléphonent pour avoir leurs résultats ; la secrétaire leur répond que le médecin préfère les voir pour les leur donner de vive voix. Malheureusement, l'inquiétude des malades entraîne l'intervention téléphonique du médecin, alors amené à « avouer ».
Des lacunes dans l'information
Lors de l'annonce du diagnostic, 20 % disent n'avoir eu aucune information complémentaire sur la maladie, les traitements, les suites ou l'organisation médicale de la prise en charge. 80 % des patients interrogés disent qu'ils ont obtenu les informations qu'ils demandaient, mais la moitié n'a pas tout compris. Au total, seulement 64 % ont bénéficié d'une information « efficace » au moment de l'annonce du diagnostic.
L'une des grosses lacunes concerne les informations sur les filières de prise en charge, les conditions financières et sociales, l'existence d'associations susceptibles de les aider, ou de groupes de parole : seulement 14 % des patients semblent avoir été avisés de ces possibilités.
Les centres savent que le patient est très perturbé lors de la première consultation et ne peut enregistrer toutes les informations qui lui sont données. C'est pourquoi ils proposent parfois une deuxième consultation pour pouvoir répondre aux questions sur la maladie et sa prise en charge. 56 % des personnes interrogées disent avoir pu en bénéficier et l'ont appréciée ; 11 % seulement regrettent qu'on ne la leur ait pas proposée.
La Ligue contre le cancer et la Fédération des centres anticancéreux publient de nombreux documents destinés à informer les patients. Mais l'enquête montre que 34 % seulement en ont reçu en main propre, 30 % estiment qu'elle leur a été utile.
Les demandes d'accès au dossier médical semblent encore peu fréquentes (18 %), mais les conditions dans lesquelles ces personnes ont pu y accéder leur a semblé satisfaisante à 14 %.
Associés aux décisions
En matière de prise en charge médicale, 80 % des personnes interrogées disent avoir été associées aux décisions concernant leur traitement et 7 % s'en déclarent satisfaites. 9 % des personnes non associées le regrettent... tout comme 9 % de personnes qui ont été associées aux décisions alors qu'elles auraient préféré en laisser la responsabilité aux médecins. Comme le souligne le Pr Henri Pujol, président de la Ligue, « le malade veut être informé, mais il ne faut jamais qu'il soit le décideur ultime, car en cas d'échec c'est terrifiant de se dire qu'on a mal choisi ».
Selon l'enquête, les essais thérapeutiques ne semblent pas effrayer les patients : 26 % ont été sollicités, 15 % ont accepté et l'image des centres ne semble pas affectée par cette dimension de la recherche, qui semble, au contraire, renforcer une image d'efficacité. Pour 97 % des patients interrogés, les centres de lutte contre le cancer sont une structure « de soins et de recherche où l'on accède à des soins innovants » ; pour 97 % aussi, une structure « où se rassemblent tous les spécialistes et toutes les technologies ». Avec, néanmoins, des domaines d'amélioration jugés prioritaires, tels les délais d'attente (14 %), l'information des patients et de la famille (12 %), le suivi médical et psychologique (1 %), l'écoute (10 %), alors que les problèmes d'infrastructures, d'effectifs et de matériels leur semblent moins prioritaires. Des problèmes que les centres ont réussi à cacher au public, mais qui deviennent de plus en plus préoccupants pour les médecins, comme en ont témoigné les débats du congrès, sur lesquels « le Quotidien » reviendra.
Jonction avec le généraliste
Dix jours après leur sortie d'hospitalisation dans un centre de lutte contre le cancer, 79 % des patients disent qu'ils retourneront voir un médecin de ce centre en consultation externe, mais 47 % disent qu'ils verront seulement ou « aussi », pour leur cancer, leur généraliste, et 11 % leur spécialiste de ville.
Questionnés sur le rôle de ce généraliste dans la prise en charge de leur cancer, 74 % répondent qu'il y « joue un rôle » (dont 52 % un « rôle important ») et ce taux de réponse est même de 73 % chez ceux qui continuent à être suivis aussi par un médecin du centre. A noter que 30 % des patients des centres y ont été adressés par un généraliste.
80 % des personnes interrogées estiment que leur généraliste est « suffisamment » informé des résultats des différents examens et traitements dont ils ont bénéficié ou bénéficient encore au centre, 10 % regrettant qu'il soit insuffisamment informé. D'une façon générale, 75 % se disent satisfaits de la coordination entre le centre et leur généraliste.
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