DE NOTRE CORRESPONDANT
SELON DIFFÉRENTES études menées ces dernières années aux États-Unis et dans quelques pays européens, près de 5 % des patients soignés dans les hôpitaux sont victimes d'une erreur médicale, et près de la moitié de celles-ci auraient pu être évitées. Une forte proportion d'erreurs se traduit par un dépôt de plainte de la part des patients concernés.
En France, par exemple, 4 750 patients ont déposé une plainte pour une erreur médicale à l'hôpital en 2006, un chiffre en nette baisse par rapport à 2002, alors que la tendance est, au contraire, à la hausse dans d'autres pays. Auteur d'une étude comparative sur ce sujet, le Pr Hermann Nys (Louvain, Belgique) note que les patients sont d'autant plus «procéduriers» qu'ils n'ont pas confiance dans leur système de santé, et que ce dernier «communique mal» avec eux.
Ce sont les patients des pays du sud et de l'est de l'Europe qui sont le plus enclins à saisir les tribunaux, notamment pour obtenir des compensations financières. À l'inverse, les patients scandinaves, français, allemands et britanniques sont moins procéduriers ; ils attendent avant tout, en cas d'erreur, de comprendre ce qui s'est passé et d'obtenir des excuses. Dans ces pays, un grand nombre de litiges se règlent directement au niveau de commissions de médiations, ce qui évite l'engorgement des tribunaux. En Scandinavie, moins de 1 % des plaintes finissent devant un tribunal, alors qu'elles sont toutes ou presque traitées par la justice au Portugal ou en Italie.
En France, 60 % des plaintes se règlent encore par voie judiciaire, essentiellement devant les tribunaux administratifs, contre 15 % en Espagne et 4 % au Royaume-Uni. En matière d'indemnisations, c'est, en revanche, l'Irlande et l'Espagne qui sont les plus «généreuses», en allouant une moyenne de 65 000 euros pour la première et 48 000 euros pour la seconde aux victimes d'erreurs. Le montant moyen d'indemnisation s'élève, en France, à 13 000 euros, contre 10 000 euros en Suède et en Finlande. C'est en Scandinavie que les chances d'obtenir une indemnisation après une plainte sont les plus élevées, en dépassant 40 %, alors que, en Allemagne, ce taux ne dépasse pas 25 %, et qu'il chute à 5 % dans certains pays.
La chirurgie en tête devant l'obstétrique.
En France, la majorité des patients qui entreprennent une procédure judiciaire le font sur les conseils d'un médecin, et non de leur propre initiative, constate par ailleurs Me Gilles Devers, avocat spécialisé dans la santé. Il note que les patients sont toutefois très mal informés sur le déroulement et les enjeux réels de ces procédures. Si certaines associations de patients font bien leur travail d'explication, d'autres, au contraire, se contentent de dresser les malades contre les soignants, obligeant selon lui les avocats à faire tout un travail pédagogique avec leurs clients, avant de pouvoir travailler vraiment avec eux. La discipline qui suscite le plus grand nombre de plaintes est la chirurgie, suivie de la gynécologie-obstétrique. Me Devers s'inquiète, en outre, de la difficulté à définir des fautes et des indemnisations en psychiatrie car, en dehors des cas violents de passage à l'acte ou de suicide, l'échec d'un traitement reste quasi impossible à quantifier.
Le colloque a passé en revue les différents mécanismes de règlement des litiges entre médecins et patients avant de s'interroger sur les limites éthiques et professionnelles de la notion d'indemnisation et de responsabilité. L'exemple classique, rappelé par le Pr Israël Nisand, est celui des gynécologues-obstétriciens qui, en raison du montant très élevé de leurs assurances professionnelles et du risque d'être condamné pour « préjudice moral » en cas de non-découverte d'une anomalie du foetus, en arrivent dans de nombreuses régions à cesser de pratiquer des examens de diagnostic prénatal. De plus, rappelait-il, très peu de mères sont capables de comprendre véritablement les enjeux de ce diagnostic et, notamment, la notion d'anomalie légère.
«En médecine foetale, seule médecine autorisée à tuer plutôt qu'à soigner, on casse le projet d'enfant de la mère si on lui dit tout ce que l'on devrait lui dire», a-t-il souligné, avant de s'inquiéter des conséquences psychologiques encore mal connues de l'obligation d'information systématique pour la mère comme pour son futur enfant. À la frontière de la bioéthique et de l'économie de la santé, les réflexions sur la responsabilité médicale seront poursuivies par le Conseil de l'Europe qui envisage, à moyen terme, de proposer des lignes communes dans ce domaine.
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