LA BRONCHO-PNEUMOPATHIE chronique obstructive (Bpco) est la plus fréquente des maladies respiratoires en Europe. «Elle touche 5 à 10% de la population adulte, entraîne 17000 décès par an et est la première cause de dépenses respiratoires de santé (3,5 milliards d’euros par an) », précise le Pr Gérard Huchon.
Elle constitue de ce fait un vrai problème de santé publique, dont les pouvoirs publics commencent à prendre la mesure...
Cela est d’autant plus important que la prévalence de la Bpco, déjà élevée, est en augmentation. On estime qu’en 2020 la Bpco sera la cinquième cause de handicap dans le monde.
Or, aujourd’hui, deux patients sur trois ne sont pas diagnostiqués.
A cela, deux grandes explications. « D’une part, la minimisation des symptômes par les patients: un fumeur (le tabagisme est, de loin, le premier facteur de risque de Bpco) qui est essoufflé, tousse et crache trouve cela parfaitement normal, puisqu’il fume; il ne consulte donc pas spécifiquement pour ces symptômes», exposent le Dr Yves Grillet et le Pr Gérard Huchon.
Deuxième explication : un manque de dépistage par les médecins. La Bpco reste encore pour de nombreux praticiens une maladie de l’homme fumeur âgé. «Or, actuellement, les patients sont de plus en plus jeunes, et les femmes concernées, de plus en plus nombreuses», poursuit le Dr Grillet. En fait, dès une dose cumulée de 20 paquets-années, le risque de développer une Bpco augmente. Ainsi, une femme de 38 ans fumant un paquet par jour depuis l’âge de 18 ans est un sujet à risque.
Spiromètre électronique de poche.
Il importe donc désormais de dépister de façon plus systématique les patients fumeurs, symptomatiques ou non, en mesurant leur souffle.
«Les récents progrès en termes de matériel permettent aujourd’hui de s’équiper, pour un coût d’une cinquantaine d’euros (hors embouts), d’un spiromètre électronique de poche, tel que le Piko-6.Ces nouveaux appareils donnent de vraies valeurs de volumes expiratoires, avantage réel par rapport aux débitmètres de pointe jusqu’alors utilisés.
«Outre le Vems (volume expiratoire maximal par seconde), ils mesurent le volume expiratoire maximal sur 6secondes (Vem6), paramètre assimilable à la capacité vitale forcée.»
L’interprétation de ces deux volumes se fait en utilisant des abaques tenant compte du sexe, de l’âge, de la taille…
Le rapport de ces deux paramètres Vems/Vem6, équivalent très proche du rapport de Tiffeneau, est indépendant de la taille ou du sexe du patient et permet de dépister très simplement les sujets à risque de Bpco.
Ce rapport est normal lorsqu’il est > 0,8 ou 80 % et est anormal s’il est < 0,7 ou 70 %. Entre ces deux valeurs, l’âge doit être pris en compte, mais, au moindre doute, une consultation spécialisée s’impose.
« Tout sujet ayant un rapport de Tiffeneau <0,7 doit être adressé à un spécialiste pour bénéficier d’un bilan fonctionnel respiratoire complet, voire de gaz du sang et d’une épreuve d’effort, qu’il se plaigne ou non de symptômes, car, souvent, la dyspnée est minimisée », insiste le Dr Grillet. Le diagnostic de Bpco n’est porté qu’au terme d’explorations fonctionnelles respiratoires complètes, avec test de réversibilité.
L’arsenal thérapeutique s’élargit.
«La mesure du souffle en consultation, au moins une fois par an, devrait être réalisée systématiquement chez tous les fumeurs avec ou sans symptômes, à partir de 20, voire10paquets-années», poursuit le Pr Huchon.
Certes, cet acte n’est pas coté, mais il apporte une vraie valeur ajoutée à la consultation de médecine générale, tout comme le fait la mesure systématique de la pression artérielle.
Un rapport de Tiffeneau > 0,8, ne doit pas empêcher le médecin de recommmander à son patient fumeur d’arrêter. Ce simple conseil permet à lui seul un sevrage tabagique chez 2 % des patients, ce qui peut paraître peu élevé, mais n’est pas négligeable. Chez d’autres fumeurs, un programme d’aide au sevrage devra être proposé.
« Le dépistage de la Bpco est d’autant plus important que nous disposons aujourd’hui de solutions thérapeutiques», poursuit le Dr Grillet.
Bien sûr, l’arrêt du tabac constitue le meilleur moyen de prévention de la Bpco et la seule mesure thérapeutique permettant d’enrayer l’évolution de la maladie.
Le problème reste l’obtention du sevrage, effectif chez 20 à 25 % des patients à cinq ans.
La réhabilitation respiratoire, indiquée chez les patients qui reçoivent un traitement médicamenteux optimal, a fait la preuve de son efficacité, qu’elle soit réalisée en milieu hospitalier, en ambulatoire, en ville ou à domicile. Elle améliore non pas le Vems ni le syndrome obstructif, mais le rendement du patient ; les résultats sont tangibles dès la sixième semaine, avec une amélioration de la qualité de vie chez des sujets auparavant déconditionnés.
L’arsenal médicamenteux, qui faisait jusqu’alors appel essentiellement aux corticostéroïdes inhalés, parfois en association fixe avec un bêta 2-mimétique dans les stades 2B et 3, devrait très prochainement s‘enrichir du premier anticholinergique de longue durée d’action, le bromure de tiotropium (Spiriva). «Ce nouveau traitement, très largement utilisé dans les autres pays, bénéficie d’une large expérience en pratique clinique, qui confirme son efficacité et sa très bonne tolérance, expose le Pr Huchon. En raison d’un mécanisme d’action différent, il constitue un réel progrès dans une pathologie pour laquelle nous étions jusqu’alors relativement démunis.»
Une meilleure prévention des surinfections, responsables d’une détérioration de la fonction respiratoire pouvant persister de plusieurs semaines à plusieurs mois, est nécessaire. Elle passe notamment par un plus large recours aux vaccinations, antigrippale, à renouveler tous les ans, et antipneumococcique, à renouveler tous les cinq ans.
Dans les formes évoluées, au stade d’insuffisance respiratoire chronique grave, avec perturbation des gaz du sang au repos, l’oxygénothérapie est de mise. « Quelque cent mille personnes sont concernées en France, ce qui souligne l’ampleur du problème», insiste le Pr Huchon.
Enfin, il ne faut pas oublier les liens existant entre Bpco et troubles respiratoires du sommeil : syndrome des apnées du sommeil et/ou hypoxémies, dont les répercussions cardio-vasculaires sont aujourd’hui bien établies.
D’après un entretien avec le Dr Yves Grillet, Valence, et le Pr Gérard Huchon, Hôtel-Dieu, Paris.
« Bpco en médecine générale : dépistage et nouvelle approche de prise en charge », jeudi 16 mars, 11 h 45-13 h 15, C11b. Session parrainée par les Laboratoires Boehringer Ingelheim et Pfizer. Pour s’inscrire : www.lemedec.com
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