ON CONNAISSAIT les groupes d'entraide de familles de patients ou les clubs de loisirs ou de culture créés à l'initiative de soignants, fonctionnant avec quelques sponsors et beaucoup de bonne volonté. Les nouveaux groupes d'entraide mutuelle pour les patients en psychiatrie présentent deux nouveautés : ils sont tenus par les patients eux-mêmes et sont dotés d'un budget confortable pérennisé par le plan Santé mentale, relayé par les Ddass. Le premier d'entre eux vient de se créer à Marseille, à l'initiative de l'association Espoir (Ensemble solidaires en psychiatrie, organisation interrégionale) et de la Fnap-Psy (Fédération nationale des associations de patients psy). Une rencontre a eu lieu à la Timone, dans le service de psychiatrie du Pr Jean Naudin, pour présenter cette initiative aux soignants.
« Je fais des dépressions maniaco-dépressives depuis l'école normale, mais cela ne m'a pas empêché d'être enseignante pendant plus de vingt ans », explique l'une des patientes, partie prenante du nouveau club marseillais. Comme elle, Maïté Arthur, cheville ouvrière de ce projet, milite pour que les patients de psychiatrie soient considérés comme tout autre patient : « Le malade est une personne qui doit avoir tous ses droits dans la société. » Lui-même ancien patient devenu psychiatre, le Dr Vincent Girard se rappelle que son directeur de thèse lui avait demandé de supprimer toute allusion à sa propre expérience. « Cela risque de vous porter tort », lui avait-il dit. « Les troubles mentaux sont tabous chez les soignants : on peut dire que l'on a un diabète ou des poux, mais pas que l'on est obsessionnel ou schizophrène. Pourtant, on constate qu'il y en a un certain nombre dans les services hospitaliers, ce qui est normal, puisque 30 % de la population reconnaît avoir présenté un tel trouble à un moment de sa vie : pourquoi les soignants y échapperaient-ils ? Il faut arrêter cette stigmatisation. »
Au coeur de la cité.
Aujourd'hui, son expérience passée lui sert à mieux prendre en compte la souffrance des patients et à œuvrer pour leur insertion dans la vie de la cité. « On n'a jamais réfléchi au système de soins psychiatriques, les hôpitaux sont pathogènes et les structures extérieures qui devraient permettre suivi et intégration ne bénéficient que de 30 % des crédits alloués à la psychiatrie, il n'y a pratiquement pas d'appartements thérapeutiques, par exemple. » S'il reconnaît la nécessité de certaines hospitalisations pour prendre en charge des phases aiguës de la maladie, il dénonce la multiplication des placements d'office (75 000 par an) et leur prolongation injustifiée. « L'hôpital est un goulet d'étranglement en attendant de trouver une place à l'extérieur. »
Pour ceux qui soutiennent la création d'un club de patients, il s'agit d'une « chance de mettre les patients au cœur de la cité », en évitant « les dérives paternalistes des familles , qui résonnent avec les dérives paternalistes des soignants », sans qu'ils se sentent pour autant isolés. Ils devraient ainsi se retrouver dans un lieu non médical (local recherché de toute urgence), ouvert sur la ville, où se retrouver de façon conviviale, s'entraider et se responsabiliser : les familles ne devraient y venir qu'à titre de participant, car les activités seront accessibles à tous. Dans un premier temps, des formations qualifiantes vont être proposées aux patients qui le souhaitent, afin qu'ils puissent prendre en charge gestion et animations. Un budget annuel de 75 000 euros permettra qu'ils soient alors salariés. Sur la cinquantaine de patients actuellement susceptibles d'être intéressés par un club au centre de Marseille, un turnover d'une vingtaine de personnes, salariées ou bénévoles, devrait s'impliquer dans son fonctionnement. C'est elles qui décideront du choix des activités et chercheront les partenaires culturels et sportifs nécessaires. On parle déjà de monter une équipe de foot. Marseille oblige.
Contact : Maïté Arthur, 06.21.52.82.35, Vincent Girard, 06.63.49.96.56.
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