De notre correspondant
DEPUIS LE 1er JANVIER, les patients doivent payer à chaque médecin qu'ils consultent au moins une fois dans un trimestre une somme forfaitaire de 10 euros, renouvelable le trimestre suivant. Ce forfait pousse certains patients à différer les consultations, ou à y renoncer, ont observé de nombreux médecins. Sentiment confirmé par un sondage publié récemment à l'initiative des Laboratoires Ratiopharm. Ce sont surtout les spécialistes libéraux, en particulier les internistes et les dermatologues, qui font les frais de cette évolution : nombre d'entre eux constatent que leur salle d'attente s'est vidée depuis le 1er janvier, car les patients préfèrent aller voir un généraliste, et payer une seule fois 10 euros, à une visite à plusieurs médecins différents.
Certains spécialistes estiment que, si la situation se poursuit, plusieurs dizaines de milliers d'assistantes et de secrétaires employées dans les cabinets perdront leur place, car les médecins n'auront plus de quoi les payer. Toutefois, le président de l'association fédérale des médecins conventionnés (KBV), le Dr Manfred Richter-Reichhelm, minimise le danger ; il pense que les patients reprendront le chemin des cabinets spécialisés au cours des mois à venir.
Au-delà des effets économiques, beaucoup de généralistes observent que les patients arrivent « plus malades » qu'avant la réforme : le président de la section berlinoise du syndicat des médecins de famille, le Dr Wolfgang Kreischer, note que certains malades, qui consultaient auparavant pour un simple refroidissement, « viennent aujourd'hui avec une pneumonie qui aurait pu être évitée si elle avait été prise à temps », et s'inquiète du développement de cette tendance. En outre, les malades sont de plus en plus nombreux à essayer de trouver, avant de consulter, des médicaments en vente libre qui leur reviendront moins cher que les prescriptions, lesquelles leur coûtent au minimum 5 euros par boîte.
Mais quand ces produits ne « marchent pas », la prescription du médecin, qui comprend des antibiotiques, est plus « lourde » que ce qu'elle aurait été si le malade avait consulté tout de suite.
L'étude de Ratiopharm montre que si les malades chroniques ou consultant fréquemment n'ont pas ou peu changé leurs habitudes de consultation et se sont résignés à payer, ce sont surtout les hommes allant rarement chez le médecin qui y vont désormais encore moins, ainsi que les patients ayant des revenus peu élevés. Ces observations contribuent à relativiser la satisfaction du gouvernement quant aux effets de la réforme, dont les effets chiffrables et précis seront connus au cours des prochains mois.
Chaussettes trouées pour la ministre.
En attendant, de nombreux médecins continuent de protester haut et fort contre cette réforme, avec des méthodes plus ou moins efficaces. Les médecins de Kiel, dans l'extrême nord du pays, appellent leurs patients à envoyer... leurs chaussettes usées à la ministre de la Santé, Ulla Schmidt, car celle-ci avait déclaré, il y a quelques mois, que les Allemands « votaient aussi avec leurs pieds ». De nombreuses chaussettes trouées ont ainsi déjà pris le chemin du ministère, et les médecins à l'origine de l'action souhaitent qu'elle s'étende au niveau national.
Chirac : l'Allemagne nous montre l'exemple
En visite récemment à Berlin, où il rencontrait le chancelier allemand Gerhard Schröder et le Premier ministre britannique Tony Blair, Jacques Chirac a affirmé que « l'Allemagne a donné l'exemple en ce qui concerne les réformes indispensables à l'adaptation économique et sociale » en Europe. « L'Europe conduit les réformes indispensables de ses systèmes de retraite et d'assurance-maladie » et il faut dire qu'avec un courage exemplaire et un sens de l'intérêt national très fort l'Allemagne nous a donné l'exemple en ce qui concerne les réformes indispensables à l'adaptation économique et sociale », a-t-il dit.
Un texte brocardé au carnaval de Cologne
Traditionnellement, à l'occasion des fêtes du Mardi gras, Cologne, comme d'autre villes d'Allemagne, organise un carnaval qui réunit dans la fête et dans la joie une population traditionnellement moqueuse. C'est aussi l'occasion, chaque année, de brocarder un événement qui a fait l'actualité. L'an dernier, c'était « la fête » au président américain Bush, largement critiqué et pris à partie pour ses discours belliqueux sur l'Irak, à la veille de l'intervention américaine dans ce pays.
Cette année, les carnavaliers de Cologne se sont largement moqués de la ministre de la Santé, Ulla Schmidt, et du chancelier Schröder, auteurs de la réforme de la santé, très critiquée par les professionnels de santé et par une partie de la population. De nombreux chars ont défilé dans la ville de Cologne dénonçant, parfois en termes peu avenants et à la limite de la bienséance, le chancelier et sa ministre.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature