« Que renferment les prothèses PIP ? Quels sont les risques pour la santé ?» Telles sont les premières inquiétudes formulées par les femmes porteuses de ces implants auxquelles devra répondre en premier lieu le généraliste. Sur la première question, on peut déjà affirmer que les « implants ont été remplis d’un gel de silicone frauduleux et différent de celui déclaré par la société lors de la mise sur le marché et dans les dossiers de fabrication », indique l’Afssaps. Ils ne contiennent pas du silicone médical, mais industriel, avec certains adjuvants comme le Baysilone (additif pour carburant !) comme l’a révélé récemment un fournisseur de PIP. Cependant, il est malheureusement difficile de rassurer les femmes quant à la composition exacte des implants. « Il semble que la recette soit aléatoire selon les lots et au gré des matières premières du moment », regrette le Dr Claude Le Louarn (Chirurgien plasticien et esthétique, Paris) porte parole de la Société Française de Chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique (SOFCPRE).
Rupture précoce et irritation
Bref, cette formulation a l’avantage - par rapport au gel de silicone à usage médical - d’être beaucoup moins onéreuse... Mais les prothèses ont beaucoup plus de risque de rompre et le gel bien plus irritant. Le gel industriel semblerait posséder en effet des propriétés dissolvantes qui viennent fissurer l’enveloppe de la prothèse. Par ailleurs, il migre beaucoup plus rapidement vers les ganglions et les tissus avoisinants que les gels médicaux.
Le gel industriel semble avoir été utilisé par PIP dès 2001, lorsque le silicone a été à nouveau autorisé en France pour les prothèses mammaires. « En outre, vers 2006, la société aurait également supprimé l’enveloppe anti-migration (qui existe dans toute autre prothèse afin de limiter la diffusion du gel) ! , dévoile Claude Le Louarn. Et en l’absence de cette couche protectrice, la rupture de l’enveloppe et la perspiration du gel est encore plus fréquente».
Par ailleurs, si Jean-Claude Mas, fondateur de la société PIP soutient que 75% des prothèses PIP sont frauduleuses, « aucun élément ne laisse penser qu'il y ait eu de bonnes prothèses PIP » a affirmé le 5 janvier Le Pr Dominique Maraninchi (Directeur général de l’Afssaps). Lors d'inspections, « on a constaté qu'elles étaient toutes mauvaises », a ajouté le cancérologue à l'issue du Comité de suivi des porteuses d'implants mammaires PIP, réuni au ministère de la Santé.
Quels sont les risques pour la santé ?
Quant à l’impact sur la santé, les données ne montrent pas pour le moment de sur-risque cancérogène, malgré les craintes qui se dessinent dans la population. Selon le dernier bilan de l’Afssaps (28 décembre), 20 cas de cancers ont été déclarés chez des femmes porteuses de prothèses PIP : avec 3 cas de lymphome, dont un lymphome du sein (décédé), 15 cas d’adénocarcinome mammaire, un cas d’adénocarcinome du poumon ainsi qu’une leucémie. Mais aucun lien de causalité n’a été établi entre les prothèses et ces cas de cancer pour le moment. « Le nombre de cancers du sein rapporté à ce jour chez les femmes porteuses d’une prothèse PIP reste inférieur au taux observé dans la population générale », indique l’Afssaps. Et les analyses physicochimiques réalisées par l’Agence ne montrent pas d’effet génotoxique du gel PIP.
Les effets néfastes sur la santé sont toutefois réels : le risque de rupture précoce de la prothèse, ainsi que le pouvoir irritant du gel PIP (qui se manifeste sur les tissus lorsque la prothèse se rompt) sont bien supérieurs à ceux des produits homologués.
En chiffres, sur les 30 000 femmes ayant reçu en France des implants PIP, 1 143 cas de rupture et 495 réactions inflammatoires ont été recensés, ce qui a occasionné 1 638 retraits de prothèses, selon le dernier bilan de l’Afssaps. A cela s’ajoutent 672 retraits d’implants PIP à titre préventif. L’Affsaps a également recensé des adénopathies, des douleurs, des siliconomes, des coques de grade 3 ou 4, des épanchements, des lymphorrées et des retards de cicatrisation.
Ces risques ont amené le ministère de la Santé à recommander que « les femmes porteuses d’implant PIP, lorsqu’elles consultent leur chirurgien, se voient proposer l’explantation de prothèses à titre préventif et sans urgence ». Toutefois, il faut rassurer les patientes quant aux risques graves pour la santé : « il y a 45 ans, les normes concernant le gel n’existaient pas et les prothèses renfermaient donc a priori du gel industriel : il n’a pas été mis en évidence de complication grave chez les femmes implantées à cette époque », indique le Dr Le Louarn.
Quelle conduite à tenir ?
Par ailleurs, généraliste devra orienter la patiente sur la conduite à tenir. En cas de doute, tout d’abord , elle devra vérifier la marque de ses prothèses sur la carte qui lui a été remise. En l’absence de carte, elle contactera le chirurgien ou l’établissement ou a été pratiquée l’intervention. Mais « la société a également mis à disposition des prothèses PIP remplies de solution saline. Dans ce cas, les patientes n’ont aucune inquiétude à avoir. Seules les prothèses avec du gel de silicone PIP sont concernées, informe Claude Le Louarn ».
Les patients porteuses de ces dernières doivent consulter leur chirurgien. Un bilan d’imagerie (mammographie/échographie) sera réalisé. Et une explantation préventive même sans signe clinique leur sera alors proposée. Si elles ne souhaitent pas d’explantation, les patientes doivent bénéficier d’un suivi par mammographie plus échographie mammaire et axillaire tous les 6 mois.
En cas de rupture ou de suintement d’une prothèse, le chirurgien procédera au retrait des 2 prothèses, avec biopsie de la capsule (voire des ganglions en cas de rupture extracapsulaire).
Dans tous les cas (rupture ou non), la chirurgie de retrait des prothèses PIP sera prise en charge à 100% par l’Assurance maladie. Seule la pose de nouvelles prothèses sera à la solde de la patiente en cas de chirurgie esthétique (mais prise en charge dans le cadre d’une reconstruction après cancer).
Gérer l’affluence des patientes
Un autre problème soulevé par ce scandale : les chirurgiens craignent une affluence des patientes, affolées de porter ces prothèses défectueuses. « Cela semble être déjà le cas dans le Sud de la France, où les opérations de chirurgie esthétique mammaire sont beaucoup plus nombreuses que dans le Nord », indique Claude Le Louarn, qui n’a pas ressenti de mouvement de panique chez les autres confrères, notamment ceux de région parisienne. Pour aider les patientes qui auraient des difficultés d’accès à un professionnel, les ARS mettront prochainement en place un numéro de téléphone pour leur proposer une liste d’établissements pouvant les recevoir.
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