Généralités
Ces maladies digestives à éosinophiles (MDE) existent en dehors de causes connues comme des infections parasitaires, des réactions médicamenteuses ou des affections malignes.
Les sujets atteints de MDE souffrent de douleurs abdominales, de maigreur, de vomissements, de diarrhées, de dysphagie et de troubles gastriques. Il semble que ces maladies soient la résultante de facteurs génétiques et environnementaux. Dix pour cent de patients atteints de MDE ont un membre direct de leur famille porteur d'une MDE. On retrouve également un fort pourcentage (75 %) de sujets atopiques parmi les patients atteints de MDE avec présence d'une dégranulation mastocytaire au niveau tissulaire et quelquefois une amélioration des symptômes à la suite d'un régime alimentaire éliminant l'allergène responsable. Ainsi, la MDE se situe entre l'allergie alimentaire IgE dépendante et les hypersensibilités non IgE, comme la maladie coelig;liaque (cf. tableau).
Il semble qu'une mini-épidémie de MDE ait été notée au cours de cette dernière décennie, en particulier avec l'œsophagite à éosinophiles (EE). L'équipe de Rothemberg a montré que 1 % des enfants atteints de RGO étaient porteurs d'une EE et que l'EE atteignait 2 enfants sur 10 000 dans une région géographique comme celle de Cincinnati (Etats-Unis).
L'interleukine 5 est la cytokine responsable du développement des éosinophiles et de leur libération à partir de la moelle osseuse. L'éotaxine 1, qui est une chémokine, joue un rôle clé dans l'accumulation des éosinophiles dans le tractus gastro-intestinal, ainsi que dans d'autres organes comme en témoignent les données du lavage bronchoalvéolaire de sujets asthmatiques.
Les éosinophiles ont un rôle pro-inflammatoire dans les MDE. Ils contiennent des granules composés de MBP, ou Major Basic Protein, d'ECP, pour Eosinophilic Cationic Protein, d'EDN, pour Eosinophil Derived Neurotoxin, et d'EPO, pour Eosinophil PerOxydase.
Gastro-entérite à éosinophiles et les EE
Dans la gastro-entérite à éosinophiles et les EE, douleurs abdominales et dysphagie sont les symptômes les plus fréquemment rencontrés. L'évaluation des MDE comprend, après un interrogatoire et un examen clinique, la recherche d'une parasitose après examen des selles, colonoscopie, et recherche d'anticorps spécifiques, en particulier chez des sujets exposés (vivant dans des fermes ou buvant de l'eau de puits). Chez des sujets atopiques, une exploration immuno-allergologique permet de confirmer l'existence d'une sensibilisation de type IgE en testant 14 groupes différents d'aliments.
Le diagnostic clinique ne peut se faire sans l'aide de biopsies pratiquées à différents étages du tube digestif.
Syndrome d'hyperéosinophilie
Le syndrome d'hyperéosinophilie (SHE) est caractérisé par un taux d'éosinophiles dans le sang périphérique > 1 500/mm2. Récemment, une microdélétion sur le chromosome 4 a été découverte chez un certain nombre de patients atteints de SHE. Le SHE peut toucher le coeur et les poumons, le système nerveux central et représenter un haut risque létal, ce qui ne se rencontre pas, en général dans les MDE. Actuellement, le traitement du SHE comprend les médications utilisées dans les leucémies myéloïdes chroniques (prednisone, hydroxyurée et IFN-a). L'emploi de l'imatinib (Mesylate Imatinib Inhibitor de la tyrosine kinase) est actuellement le meilleur traitement de cette affection.
Oesophagite à éosinophiles
L'oesophagite à éosinophiles est une atteinte pathologique de l'œsophage qui, en principe, n'en contient pas. Elle se rencontre dans différentes situations, comme dans la gastro-entérite à éosinophiles, le RGO, le côlon irritable, les vomissements à répétition, les infections parasitaires et fungiques, le SHE, les maladies prolifératives, la périartérite, les vascularites allergiques, la sclérodermie et les accidents médicamenteux. Ces maladies sont classées en formes primaires et secondaires. Les premières comprennent des formes atopiques, non atopiques et familiales. Les secondaires sont composées de formes éosinophiliques et non éosinophiliques. Un certain nombre de patients avec une EE sont sensibles à des allergènes alimentaires et à des aéroallergènes confirmés par des tests cutanés (prick- et patchs-tests) et des Rast. La comparaison de l'EE et du RGO montre que si les points communs sont peu nombreux, ils risquent d'être confondus. C'est surtout le nombre des éosinophiles par champ et leur localisation qui permet de différencier EE et RGO. Récemment, la recherche d'une sensibilisation retardée aux protéines alimentaires a été améliorée par l'usage des patchs-tests. Il est important de signaler que la présence d'un RGO n'exclut pas le diagnostic d'une EE ou d'une allergie alimentaire, ce qui renforce l'importance de l'allergie alimentaire chez ces patients.
Le traitement d'une EE consiste à éviter, dans la mesure du possible, les allergènes alimentaires et aéroallergènes responsables. Un régime bien équilibré peut améliorer la symptomatologie et réduire le nombre des éosinophiles dans l'œsophage confirmé par biopsie aussi bien chez les atopiques que chez les non-atopiques. Les médications utilisées sont les corticoïdes par voie générale et locale, ainsi que les inhibiteurs de pompe à protons (IPP), même en l'absence de RGO.
Le pronostic d'une EE dépend de la qualité et de la durée du traitement, qui doit être long, pour éviter des complications comme le syndrome de Barrett.
Gastrite et gastro-entérite à éosinophiles
Contrairement à l'oesophage, l'estomac et l'intestin contiennent des éosinophiles, à l'état normal, ce qui rend le diagnostic plus complexe que dans l'EE. En plus de l'infiltration par les éosinophiles de l'estomac et du gros intestin, il existe souvent une association d'éléments parasitaires ou bactériens comme Helicobacter pylori. Dans ces deux entités, on retrouve les mêmes formes primaires et secondaires citées plus haut. Quoique ces deux maladies soient considérées comme idiopathiques, une étiologie allergique alimentaire a été retrouvée chez un certain nombre de patients porteurs d'un taux élevé d'IgE totales et d'IgE spécifiques aux aliments, mais aussi chez d'autres patients sans pricks-tests ni IgE positifs, et souffrant de formes cliniques retardées avec patch-test positif. Dans la gastro-entérite à éosinophiles, trois types, tous avec une éosinophilie sanguine élevée, ont été décrits : le premier caractérisé par une atteinte muqueuse (malabsorption et anémie ferriprive), le deuxième correspondant à une atteinte musculaire avec amaigrissement et le troisième caractérisé par une atteinte séreuse (ascite). Le traitement de ces deux maladies est le même que pour les autres formes digestives à éosinophiles, à savoir un régime alimentaire adapté, à base d'amino-acides, associé à une thérapeutique corticoïde locale et générale avec, si nécessaire, l'adjonction d'IPP. Chez l'enfant, lorsque diagnostic et thérapeutique ont été appliqués précocement, on peut espérer une rémission à l'adolescence.
Colite à éosinophiles
La colite à éosinophiles se rencontre dans différentes circonstances, mais correspond à une forme non IgE. Elle peut être infectieuse et/ou parasitaire, avec présence de sang dans les selles. Elle comprend également des formes primaires et secondaires. Dans la forme allergique de l'enfant, lait de vache, soja, hydrolysats de protéines et même lait de femme peuvent être les allergènes responsables. Cliniquement, diarrhée, douleurs abdominales, anorexie et perte de poids sont les signes majeurs. Les lésions endoscopiques montrent des plaques érythémateuses et une hyperplasie lymphonodulaire. La présence d'une hyperéosinophilie sanguine dans les selles, est un bon argument pour le diagnostic. Chez l'enfant, l'éviction des aliments responsables entraîne un disparition de symptômes, avec un bon pronostic, ce qui n'est pas toujours le cas des sujets plus âgés, chez qui les mesures préconisées plus haut doivent être respectées avec une certaine rigueur, afin d'éviter le passage à la chronicité.
Conclusion
Il existe actuellement une augmentation de la fréquence des maladies digestives à éosinophiles. Des études récentes ont montré que les éosinophiles font partie intégrante du système immunitaire de la muqueuse digestive et que ces maladies gastro-intestinales appartiennent à des mécanismes qui relèvent de pures formes à IgE et de formes retardées type Th2. Le rôle joué par l'IL5 et les chémokines (éotaxine) est une indication pour envisager des thérapeutiques spécifiques.
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