MALGRÉ la couverture maladie universelle (CMU), qui assure la prise en charge à 100 % et sans avance des personnes percevant moins de 598,23 euros, malgré l’aide médicale d’Etat (AME), qui prend en charge, également à 100 % et sans avance, les étrangers en situation irrégulière, toujours plus de patients reçus par la Mission France de Médecins du Monde restent sur le carreau des sans-droits. Le rapport 2005 de l’association, publié à l’occasion de la Journée internationale du refus de la misère, montre que, l’an dernier, 22 % des patients qui se sont présentés à l’un des Caso (centres d’accueil, de soins et d’orientation) de l’association ne relevaient d’aucune couverture maladie (9 % en 2001 et 2003, 19 % en 2004).
Le rapport de MDM lie cette dégradation de l’accès aux soins aux «incessantes réformes allant vers plus de restriction (et qui constituent) un frein sérieux à l’obtention des droits, plus particulièrement pour les étrangers». L’AME, en particulier, est confrontée à des remises en question : fin de la possibilité d’ouverture immédiate des droits et instauration de l’obligation de résidence continue en France sur les trois derniers mois ; fin du mode déclaratif pour déposer une demande et obligation de justifier une présence ininterrompue de trois mois sur le territoire français.
Près de 50 % des 26 348 patients reçus en 2005 à MDM ne sont pas en mesure de fournir un justificatif de domicile (facture EDF, quittance de loyer) et les domiciliations administratives prévues par la loi ne sont jamais effectives de la part des Ccas (centres communaux d’action sociale), laissant les assocations débordées par les carences.
Le frein financier est par ailleurs évoqué par les personnes qui, dépassant le plafond de ressources mensuelles pour l’attribution de la CMU, ne disposent que de la couverture de base de la Sécurité sociale, sans mutuelle complémentaire. C’est le fameux effet de seuil, que dénoncent les associations, qui demandent que la CMU soit accordée au moins jusqu’au niveau du seuil de pauvreté (774 euros par mois).
Ces difficultés financières continuent d’empêcher l’accès aux soins à 35 % des patients couverts par la CMU ou l’AME, note le rapport. S’agit-il, s’interroge Médecins du Monde, de personnes qui, malgré une prise en charge à 100 %, doivent payer, de manière abusive, une partie de leurs soins et, en particulier, régler des dépassements d’honoraires ?
Les pathologies psychiatriques font un bond.
Le recul de l’accès aux soins aggrave les pathologies observées chez les personnes précaires. L’an dernier, 45 776 consultations ont été totalisées dans les 21 Caso, 12,7 % de plus qu’en 2004. La majorité (59 %) des diagnostics sont posés pour des pathologies qui nécessitent une prise en charge à moyen ou à long terme ; 13,4 % concernent des pathologies ostéo-articulaires, 11,9 % des troubles ORL et 11 % des problèmes gastro-entérologiques. Situées entre 5 et 6 % de 2000 à 2003, les affections psychiatriques font un bond à 11 %. Ce sont les sans-domicile qui sont les plus touchés. Le rapport s’inquiète de la fréquence des signes évocateurs d’une souffrance psychique, retrouvés chez un quart des consultants. Les troubles anxieux et le stress représentent la majorité de ces diagnostics, suivis des syndromes dépressifs.
Une consommation abusive d’alcool est constatée chez un patient sur dix, 4,5 % des consultants faisant un « usage problématique » de cannabis, 2 % consommant d’autres substances illicites.
En ce qui concentre les statuts sérologiques (hépatites B et C, VIH), peu de patients les connaissent et les actions de dépistage font état de taux de contamination très supérieurs à ceux observés dans la population générale : 4,2 % pour le VIH dépisté au Caso de Paris, soit près de neuf fois plus que le taux mesuré dans les centres de dépistage anonyme et gratuit. Les bilans bucco-dentaires sont à l’avenant : le nombre moyen de dents absentes non remplacées parmi les patients de MDM est de 4,6, alors qu’il est de 1,3 dans la population générale.
Au total, parmi ces personnes précaires, on trouve de plus en plus de femmes (44 % contre 40 % en 2000), de plus en plus d’étrangers (89 % contre 78 % en 2000), de plus en plus de personnes sans logement (18 % contre 16 % en 2000, répartis dans toutes les classes d’âges et 43 % vivent dans des logements précaires).
En distribuant 300 tentes, l’hiver dernier, à des sans-abri parisiens, Médecins du Monde avait voulu tout à la fois leur fournir au moins un abri et alerter médias et pouvoirs publics sur les limites du dispositif d’hébergement d’urgence. Malgré le millier de places finalement débloquées par Catherine Vautrin, ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité, l’association exprime à nouveau ses inquiétudes à l’approche de l’hiver et envisage de nouvelles distributions de tentes, organisées probablement cet hiver dans les grandes villes de province.
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