«SEXE, ALCOOL, drogue, jeux… Les dérives de nos passions» auraient en commun «les pathologies de l’excès». Les Drs Marc Valleur et Jean-Claude Matysiak en ont fait un ouvrage : les «produits» incriminés servent de sous-titre et les comportements addictifs qu’ils entraînent, de titre. «Etre dépendant ne signifie pas forcément être malade», préviennent les deux psychiatres, dont le souci est de livrer des clés au lecteur pour qu’il fasse le point sur son rapport aux relations amoureuses et/ou au travail, à l’Internet, aux médicaments psychotropes, à la télévision ou encore à l’alimentation, qui «peuvent devenir source d’envahissement (du) quotidien».
Quand addiction rime avec passion.
Dans un couple, la cote d’alerte est la «codépendance»: un conjoint maltraitédevient, «à son insu, addict» à son propre calvaire. Et «la plus banale, et probablement la plus bénigne des formes de relation amoureuse de type addictif, est sans doute une relation de couple ancrée dans l’habitude». Gare aussi à l’amour exclusif – «on aime passionnément quelqu’un qui ne nous aime pas, ou pas assez, et l’on sacrifie sa vie en attentes toujours déçues» – et à une «multiplication d’amours passionnelles, sans lendemain, puisque l’on change de partenaire dès que risque de s’installer l’habitude». Le jeu pathologique (jeux de hasard et d’argent) – «considéré comme la moins discutable des addictions sans drogue*» – présente beaucoup de similitudes avec la passion amoureuse, l’espace de liberté se transformant en un lieu d’enfermement. La dépendance aux jeux vidéo suscite, pour l’heure, moins d’inquiétude. «Une grande part des reproches» qui leur sont faits «avait été formulée déjà à l’encontre de la lecture au XIXesiècle: les livres, disait-on alors, risquaient d’enflammer l’imagination des jeunes filles, de distraire les jeunes hommes de leur devoir, de les couper de la réalité». Toutefois, il en va de la cyberaddiction comme de la plupart des dépendances : elle est associée à la dépression et il serait illusoire de traiter celle-ci «en imaginant que l’addiction ne serait qu’un symptôme».
A chacun son produit : les plus angoissés se tournent vers l’alcool, l’héroïne, le cannabis et les tranquillisants, et les plus renfermés ou inhibés préfèrent la cocaïne, l’ecstasy ou les amphétamines. Les mêmes mécanismes sont observés avec les addictions sans drogue : la relation de couple peut être vécue comme une dépendance au conjoint et l’idée d’une séparation devient cause de douleur.
C’est la prise de conscience de la répétition des problèmes qui conduit les accros à se remettre en question et à entreprendre une thérapie dont l’axe principal demeure l’addiction, insistent les auteurs. L’urgence est de comprendre ce qui différencie l’usage normal de produits ou une relation amoureuse de l’aliénation et de la souffrance, sachant que la dynamique de la dépendance se nourrit de risque, de plaisir (soulagement de tensions internes) et d’isolement.
« Les Pathologies de l’excès. sexe, alcool, drogue, jeux… Les dérives de nos passions », JC Lattès, 263 pages, 17 euros. * Répertorié dans les classifications internationales des maladies.
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