PRATIQUE
I-PATHOLOGIES TRAUMATIQUES
Traumatismes dentaires
Le retard d'acquisition motrice et les crises d'épilepsie sont souvent responsables de chutes au cours desquelles l'enfant se protège mal. Les fractures des dents antérieures, les luxations partielles ou totales sont fréquentes (photo 3). En l'absence de traitement, ces pathologies évoluent chroniquement en foyers infectieux osseux, qui peuvent être fistulisés ou non. Ces lésions chroniques dentaires constituent un risque d'infection focale et peuvent, au cours d'un épisode de baisse des défenses immunitaires, suivre une évolution aiguë, avec dème et cellulite. Dans le cadre de l'examen clinique d'un patient handicapé, qu'il soit adulte ou enfant, les signes cliniques et radiologiques de la perte de vitalité pulpaire au niveau des dents antérieures doivent être systématiquement recherchés, particulièrement en présence d'une fracture coronaire, même ancienne.
Usures
Les usures dentaires sont fréquentes chez les personnes handicapées. Les sites d'usure peuvent être actifs et refléter l'existence d'une para-onction existante et identifiable, mais ils peuvent également représenter les traces persistantes d'un phénomène ancien. Les facteurs étiologiques sont variés ; le bruxisme, les régurgitations acides et/ou des habitudes de succion-morsures doivent être évoqués.
Le bruxisme (grincement des dents) est un phénomène physiologique bien décrit pour la population générale lors des changements de dentition et pour certaines phases profondes du sommeil. Pour les personnes handicapées, les lésions du système nerveux central, le rôle de certains neurotransmetteurs et/ou l'existence d'une dysmorphose dento-maxillaire constituent les facteurs de risque de l'augmentation du bruxisme. Cette parafonction peut être exacerbée en situation émotionnelle intense. Dans les cas de bruxisme, l'usure prématurée et excessive des dents permanentes peut atteindre des stades très importants, avec une perte importante de la dimension verticale et des dénudations pulpaires (photo 4). Dans les cas d'sophagites, associées à des régurgitations acides, des sites d'usure peuvent être relevés plus particulièrement sur les dents postérieures.
Enfin, chez les jeunes autistes, qui entretiennent des habitudes de succion, de morsure ou e frottement d'objets divers, plus ou moins durs, les usures vont concerner spécifiquement la dent ou le groupe de dents concernés par le frottement de l'objet. Ces habitudes altèrent les tissus durs et doivent être rapprochées des comportements d'automutilations.
:Automutilations
La cavité buccale peut être le siège de morsures, grattages, abrasions non accidentels. Ces comportements doivent impliquer un suivi parce que leur étiologie peut être multiple. D'une part, ils peuvent être purement comportementaux, mais, d'autre part, ils peuvent être associés à la présence de foyers douloureux intrabuccaux (morsure accidentelle de joue, éruption dentaire, foyer infectieux dentaire ou parodontal...). Des cas d'autoextraction ont même été rapportés chez des patients autistes.
II-PATHOLOGIES FONCTIONNELLES
Une altération des fonctions est présente pour la grande majorité des patients handicapés, tous syndromes confondus. Ces pathologies fonctionnelles sont généralement liées à des malpositions dentaires et à l'existence de dysmorphoses dento-maxillaires. Elles doivent être recherchées et évaluées afin d'ajuster la texture alimentaire correspondant aux possibilités masticatoires du patient.
:Ventilation souvent buccale
La ventilation est souvent buccale. La maturation des fonctions orales est retardée. Plus généralement, la mastication résulte de compromis praxiques à mi-chemin entre la mastication et la succion. Les troubles de la succion-déglutition sont fréquents chez l'enfant. Ils augmentent le risque de fausses routes et sont responsables de l'installation du bavage.
:Activité linguale
Les troubles neuromoteurs qui affectent les personnes handicapées s'expriment également au niveau de la cavité buccale. En particulier, le développement du massif facial moyen peut être sensiblement perturbé par l'absence de maturation de la fonction linguale (photo 5). Ainsi, pour les enfants encéphalopathes, l'hyperactivité linguale est non contrôlable et se traduit par la persistance des mouvements archaïques de succion-déglutition. Cette hyperactivité favorise la projection en avant du rebord dento-alvéolaire maxillaire (5a).
Par contre, l'hypoactivité linguale qui caractérise certains syndromes comme la trisomie 21 ou certaines myopathies se traduit par un hypodéveloppement du maxillaire supérieur (5c). Ces dysmorphoses dento-maxillaires sont d'autant plus graves qu'elles ne sont pas compensables si la fonction n'est pas rééducable, ou si l'enfant ne coopère pas suffisamment pour le traitement.
:Conséquences médicales et sociales
Ces troubles fonctionnels ont des conséquences médicales et sociales. Sur le plan médical, les fausses routes entretiennent les infections broncho-pulmonaires qui constituent la première cause de mortalité chez les personnes polyhandicapées. Sur le plan social, ils rendent les repas fastidieux pour les familles ou le personnel médico-éducatif qui ont en charge les personnes dépendantes.
Les dyskinésies faciales sont fréquentes chez les personnes handicapées, et certains auteurs les considèrent comme un indicateur de la déficience mentale. Cependant, exceptés certains syndromes, ces mouvements anarchiques et involontaires de la mandibule résultent principalement de la dysmorphose dento-maxillaire et sont développés inconsciemment pour éviter l'inconfort de l'affrontement des dents en malposition et soulager les contractures musculaires qui résultent de l'instabilité mandibulaire.
III-EVOLUTION DES PATHOLOGIES DENTAIRES CHEZ LES PERSONNES HANDICAPEES
Les difficultés d'intervention constituent un facteur aggravant de ces pathologies. Elles sont dues en partie à la nature du handicap et au passé médical souvent lourd qui renforce l'anxiété et l'opposition, mais surtout à l'absence d'une dentisterie spécifique. Les édentements anarchiques sont donc fréquents et d'autant plus graves qu'ils sont rarement compensés. Le surhandicap s'installe alors, la déglutition et la mastication étant altérées, la digestion l'est aussi et les états de dénutrition consécutifs sont toujours sous-estimés. De plus, les conséquences esthétiques et phonatoires non négligeables de ces édentements aggravent les difficultés de socialisation. Enfin, les dysmorphoses, le bavage, l'halitose entraînent des refus affectifs et sociaux lourds de conséquences, pour la personne handicapée elle-même, mais également pour son entourage familial.
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