Traditions
Une thèse veut que les pâtes aient été rapportées de Chine en Italie, au XIIIe siècle, par l'explorateur vénitien Marco Polo. Cette théorie, qui s'avère fantaisiste, vient d'un récit (inscrit dans « le Livre des Merveilles » paru trois siècles plus tard), qui raconte la visite de Marco Polo au pays de Fanju : « Les indigènes obtiennent une farine à partir des fruits de l'arbre à pain, dont ils font de sorte de lasagnes et divers plats de pâtes. » D'une part, le terme « lasagne » n'a probablement pas été cité par l'explorateur mais choisi par les auteurs du récit très postérieur aux faits ; d'autre part, les nouilles chinoises, de froment, de sarrasin, de riz ou de soja, préexistaient très largement au séjour du Vénitien, qui en a certainement mangé durant son voyage. Le fait que Marco Polo n'y ait pas prêté attention montre qu'il connaissait déjà les pâtes à base de céréales. Seules les préparations de « pâtes » à base du fruit d'un arbre (à pain) ont surpris le voyageur.
Qui a donc inventé les pâtes ? Difficile de le dire. Le mélange de farine (de céréale) et d'eau, non fermenté, et bouilli la plupart du temps, a probablement été utilisé simultanément au quatre coins du monde.
De même que les Chinois, les Coréens revendiquent la paternité des pâtes ; ils auraient appris aux Japonais dès le XIIe siècle à confectionner les nouilles « soba », à partir du sarrasin chinois qu'un empereur du Japon introduisit vers l'an 700 dans la région nord de l'île Hondo. Au XVIe siècle, les « soba » constituent la base de l'alimentation japonaise. Elles sont cuites à l'eau, égouttées et servies dans un bol d'où elles sont aspirées à grand bruit.
De Rome à Naples, on en revendique la paternité
De tous les pays qui revendiquent l'invention des pâtes, l'Italie est le plus véhément. Et, même au sein de la Péninsule, la guerre fait rage entre les différentes villes. Rome en premier lieu : la traduction au XVIIIe siècle de manuscrits d'Horace (Satires, III-7, 27) laisse entendre que la tradition romaine « pastilla » correspond à de petites pâtes, mais d'autres sources indiquent qu'il s'agit de petits gâteaux ronds ou même de croquettes.
Naples et Bergame rivalisent pour s'attribuer l'origine des macaronis. Une théorie veut que les Grecs, débarquant au Ve siècle avant J.-C. sur le rivage thyrrénien (à l'emplacement de la future Naples), aient « craqué » pour une pâte d'orge et d'eau, séchée au soleil, et préparée avec une sauce nommée « makaria » (félicité).
Quant aux pâtes farcies, de viande ou d'herbes hachées, de fromage ou même de chair de poisson, elles auraient été inventées par une paysanne italienne. Les premiers raviolis ressemblaient en fait à des cannellonis.
Au début du XVe siècle, le repas commençait par une « minestra asciutta », plat de lasagne, de ravioli (ou de risotto). La farce se composait de porc haché, d'uf, de fromage, de persil et d'un peu de sucre. Pendant le carême, la farce était faite d'herbes et de fromage. Le crouzet de Provence, consommé à la veillée de l'Avent, était fait de couches de lasagne et de noix pilées avec du fromage de chèvre.
Des pâtes par milliers
Selon les époques et les régions, il existe une multitude de sortes de pâtes. Au Moyen Age, le flaou ou flan à l'eau procède d'une pâte non levée, laminée au rouleau de bois, puis émiettée avant d'être jetée dans l'eau bouillante où elle gonfle. C'est aussi le principe des farfel's de la cuisine juive russe.
Les nieules ou nioles sont une pâtisserie populaire médiévale, sous forme d'un ruban torsadé d'une pâte dure non levée, cuite à l'eau, additionnée de cendres de sarments qui donnent un goût salé et fumé.
Mais l'eau n'est pas le seul mode de cuisson des pâtes qui pouvaient aussi être frites ou rôties. Les frimsels ou pâtes alsaciennes sont pour moitié bouillies et pour moitié frites, les deux parties étant servies ensemble.
On retrouve aussi une recette de pâtes vertes frites grecques, les « artolaggeion », faites de jus de salade et de farine, plongées dans l'huile bouillante.
Encore aujourd'hui, on a tendance à se figurer les pâtes comme des rubans (nouilles ou lasagnes), alors qu'il en existe de toutes les formes : boulettes, gnocchis, croquettes, quenelles. Le blé dur a remplacé le blé tendre dès la période gréco-romaine. Les Asiatiques utilisent le riz, l'orge, le soja ou l'avoine.
Un procédé de fabrication bien établi
La première fabrication un peu industrielle de pâtes s'est faite à Naples au début du XVe siècle. Mais le problème de conservation n'a été résolu qu'au cours du XIXe siècle avec la mise au point d'une technique de séchage alternant chaud et froid.
Toutes les pâtes du commerce sont faites mécaniquement. Les pâtes ménagères souvent aussi ; les mammas italiennes se servant d'une petite machine à manivelle. Seuls les puristes coupent encore au couteau les rubans blonds.
Actuellement, la réglementation détermine les ingrédients pouvant entrer dans la composition des pâtes alimentaires : semoule de blé dur et eau, auxquelles on peut ajouter des ufs, des légumes, du sel, du lait et des aromates ; les additifs chimiques et les colorants sont interdits. A la différence du pain, les pâtes sont fabriquées sans fermentation, ni cuisson. Le mélange de semoule (taux d'humidité 15 %) et d'eau est rigoureusement proportionné, de sorte que le taux d'humidité après malaxage soit de 32 %. Une partie de l'eau peut être remplacée par des ufs. Après le pétrissage, la pâte malléable est soit poussée sous pression à travers des filières pour obtenir les spaghettis, les macaronis..., soit laminée pour obtenir les nouilles plates, les lasagnes ou les tagliatelles, ou bien encore, après laminage, elle subit, à travers des moules appropriés, des opérations d'estampage ou de poinçonnage qui lui donnent la forme de papillons, de lettres de l'alphabet, d'étoiles ou d'animaux...
Les pâtes sont ensuite séchées dans des tunnels où souffle un air chaud et humide pour réduire le taux d'humidité de 32 à 12,5 %, adapté à la conservation longue durée du produit. Cette phase dure de deux à quinze heures, selon les formes de pâtes et la méthode utilisée. Elles sont ensuite refroidies et stabilisées avant d'être conditionnées en paquets.
Reste alors au cuisinier le loisir de les accommoder de mille façons savoureuses.
Sources :
« Histoire de la nourriture ». Maguelonne Toussaint-Samat. Editions Larousse
« Les Pâtes, l'énergie intelligente », ARN (alimentation, recherche et nutrition)
La composition nutritionnelle des pâtes
Fraîches ou sèches, les pâtes ont la même valeur nutritionnelle. Elles fournissent la plupart des acides aminés, un peu de lysine, et des vitamines surtout du groupe B et E.
Le grain de blé dur, allongé, pointu, de couleur jaune ambré, se fragmente en semoule. L'amidon y est inséré dans un réseau protéique résistant qui lui donne son statut de sucre lent. Plus riche en protéines que le blé tendre (14 % contre 11 %), le blé dur constitue une source intéressante de minéraux.
100 g de pâtes crues (sèches), devenues 300 g cuites dans l'eau salée, représentent :
- 1 480 kJ (355 kcal) ;
- 71 g de glucides ;
- 13,5 g de protides ;
- 1,7 g de lipides ;
- 1,5 g de sels minéraux (sodium, potassium, phosphore, magnésium, calcium, fer) ;
- 212 g d'eau ;
- des vitamines B1, B2, B6, PP, H, E.
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