De notre correspondante
« Il n'y a pas de politique de développement des réseaux de santé, tels qu'ils sont envisagés par la Coordination nationale des réseaux ». L'affirmation du nouveau président de cette organisation, le Dr Philippe Chossegros, hépato-gastro-entérologue à l'Hôtel-Dieu (Lyon) et élu au mois de juin dernier, met en exergue la nécessité d'engager une réflexion sur ce thème. Elle sera d'ailleurs au cœur des débats proposés dans le cadre des rencontres interrégionales des réseaux de santé* auxquels sont conviés les acteurs des réseaux, mais également les usagers, les institutions et les élus de Rhône-Alpes. « Je suis très inquiet lorsque j'entends le gouvernement dire que les réseaux de prise en charge du cancer sont des modèles de réseaux », observe Philippe Chossegros, qui laisse entendre que les institutions semblent désormais accorder leurs préférences aux réseaux par pathologie. Or ces dispositifs sont finalement très éloignés, par leurs objectifs, de la réponse aux besoins de santé de la population visée par la CNR. « J'ai quand même vu des personnes ayant des positions importantes dans le domaine du sida qui, cinq ou six ans après l'introduction des rétroviraux, s'étonnaient d'apprendre que certains malades ne prenaient pas régulièrement leur traitement... », s'indigne le président de la coordination.
L'approche bio-psycho-sociale permet justement de construire des réponses au-delà des limites du système de soins, « lorsqu'il est nécessaire, par exemple, de prescrire un traitement lourd à un malade qui vit dans la rue », précise-t-il. Puis il argumente : « On ne peut pas découper les gens en tranches : si on aborde le malade uniquement par le côté technique, on ignore la complexité de l'individu. »
Bureaucratie
Depuis les ordonnances Juppé de 1996, les réseaux sont pourtant au cœur de la réflexion sur l'avenir de la santé. Par le décret du 17 décembre 2002 relatif aux critères de qualité et conditions d'organisation, de fonctionnement et d'évaluation, ils ont même été légitimés dans ce sens. Mais la logique institutionnelle semblerait avoir pris le pas sur les besoins réels : « Les décisions actuelles sont prises par des techniciens qui n'ont aucune idée de la réalité du terrain, et complètement obsédés par le fait que, si l'on se contentait d'appliquer des référentiels, cela marcherait très bien », déplore le président de la CNR. « Et même si la partie proximité leur semble intéressante, poursuit-il, ils ont du mal à comprendre qu'il puisse y avoir une articulation médico-sociale ». Cela, par peur de perdre des pouvoirs, comme le suggère le Dr Chossegros, ou par peur d'une remise en cause du modèle biomédical, comme l'a déjà souligné l'ancien président de la CNR, le Dr Didier Ménard.
Régionalisation : un nouveau souffle ?
Aujourd'hui, l'inquiétude est d'autant plus aiguë que le plan Hôpital 2007 pourrait aggraver cette dérive : « Dans ce plan, l'ouverture de l'hôpital vers la ville et la place des malades n'existent pas », affirme Philippe Chossegros. Pire, il renforcerait la technicité, et provoquerait donc « une forte régression des réseaux ». L'avenir des réseaux de santé semblerait pour le moins compromis si la réorganisation régionale du système de santé ne semblait offrir une échappatoire. Du moins c'est une hypothèse : « Dans quelques régions, dont Rhône-Alpes, il existe un intérêt du conseil régional pour ce que pourrait être la dimension sociale de la santé », observe le président de la CNR. Dans la perspective de la mise en place des agences régionales de santé, des moyens pourraient ainsi être donnés à l'hôpital pour s'articuler avec la ville, et vice versa. Serait-il vraiment utopique de penser que, si cette articulation existait, le problème crucial posé par les urgences - et par les périodes de canicule - serait plus facile à régler ? « Tout le monde est d'accord, mais, pour des raisons difficiles à comprendre, ce n'est pas encore fait politiquement », conclut le Dr Chossegros.
* Rencontres interrégionales, au centre culturel de la vie associative de Villeurbanne, organisées sous l'égide de la Coordination nationale des réseaux et de la Fédération des réseaux de santé de la région Rhône-Alpes. Tél. : 04.78.92.96.43.
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