Quand
Quand rechercher une anémie?
Hormis les symptômes cliniques classiques d'anémie ou les situations pathologiques susceptibles de favoriser une anémie, c'est habituellement une baisse des capacités fonctionnelles, une aggravation d'insuffisance cardiaque ou respiratoire, voire un syndrome confusionnel, qui déclenchent le dosage de l'hémoglobine (Hb) et ce particulièrement chez les personnes traitées par antiagrégants plaquettaires ou AVK.
Définition
Définition de l'anémie chez la personne âgée.
La concentration d'Hb n'est pas significativement modifiée au cours du vieillissement (ANAES 1997) ; la définition de l'anémie est donc identique quel que soit l'âge : < 120 g/l d'Hb pour la femme et < 130 g/l d'Hb pour l'homme (référence OMS). Ces concentrations sont en effet associées, chez la personne âgée de plus de 80 ans, à une augmentation du risque de mortalité. Plusieurs publications montrent qu'un taux d'hémoglobine supérieur à 130 g/l est associé à une amélioration de la qualité et de l'espérance de vie.
L'interprétation du taux d'Hb doit tenir compte du contexte. Ce n'est pas tant la fausse anémie par dilution qu'il faut avoir en mémoire que l'anémie masquée par la déshydratation qui se révèle après réhydratation.
Pourquoi
Pourquoi rechercher une anémie?
L'anémie est certes un marqueur de pathologies sous-jacentes, mais fragilise aussi l'état de la personne âgée. Un lien statistique est démontré entre la baisse du taux d'Hb et l'altération des performances physiques, de la force musculaire, des activités de vie quotidienne, le risque de chutes et la dépression. L'anémie dégrade la fonction cardiaque diastolique. En études randomisées, contrôlées, le traitement par EPO améliore la fonction cardiaque et ainsi diminue le nombre d'hospitalisations ; ce traitement améliore aussi la qualité de vie.
Particularités
Quelles particularités chez la personne âgée?
Les étiologies des anémies ne diffèrent pas fondamentalement de celles des sujets jeunes, mais leurs fréquences relatives diffèrent (prédominances des anémies de saignement et inflammatoires) et elles sont dans 50 à 60 % des cas mixtes, multifactorielles. La classification habituelle (régénérative ou non, micro- ou macrocytaire, normo- ou hypochrome) est donc souvent mise en échec. Plusieurs causes ayant des conséquences inverses sur les paramètres biologiques, c'est, de fait, l'anémie normochrome, normocytaire qui est la plus fréquente.
Hormis les situations où la réflexion éthique aboutit à la décision de surseoir à toute exploration, cette exploration est habituellement réalisable chez la personne âgée.
Particularités les plus fréquemment rencontrées.
Pour l'anémie sidéroprive
Elle n'est pas microcytaire et n'est pas corrigée par le traitement martial si elle est associée à un déficit en B12 et/ou en folates.
La valeur de 80 fl qui définit la microcytose a une très bonne spécificité pour évoquer une carence en fer, mais a une sensibilité inadéquate. La meilleure efficacité (Se x Sp) est obtenue pour une valeur seuil à 87 fl.
La transferrine, dont la synthèse est stimulée par la sidéroprivation, n'est pas élevée s'il y a une dénutrition associée. La capacité totale de saturation de la transferrine (CTST) est alors prise en défaut puisque calculée à partir du dosage de la transferrine (T x 25). En revanche, un coefficient de saturation de la transferrine (Fer/CTST) inférieur à 10 % reste un bon marqueur de sidéroprivation.
L'association anémie sidéroprive-anémie inflammatoire (deux causes associées ou une cause responsable des deux mécanismes) perturbe l'interprétation de la ferritinémie qui reste le paramètre diagnostique le plus efficace d'anémie sidéroprive. Pour une valeur seuil de 60 µg/l, la sensibilité est à 76 %, la spécificité à 97 %. Dans un contexte de maladie inflammatoire, la sidéroprivation est probable si la ferritinémie est < 75 µg, improbable si > 100 µg.
Contrairement à la ferritinémie, qui est une protéine de l'inflammation, le dosage des récepteurs solubles de la transferrine, élevé en cas de sidéroprivation, a l'avantage de ne pas être modifié par l'inflammation. Cependant, le gène des récepteurs n'est pas exprimé lors de l'insuffisance rénale (déficit d'érythropoïétine) et une carence en vitamine B12 est susceptible de stimuler la synthèse des récepteurs.
L'exploration endoscopique est bien tolérée chez la personne âgée ; la coloscopie, faite le plus souvent en deuxième intention, n'est envisagée qu'à la condition d'une opérabilité d'un éventuel cancer du côlon. La bonne préparation du côlon est souvent difficile. Dans 16 % des cas, plusieurs causes digestives (haute et basse) sont responsables du saignement. Pour une d'Hb < 100 g/l, une cause est précisée dans 80 % des cas, dont deux tiers de causes curables. Nonobstant, l'exploration est utile (en terme de réponse thérapeutique curative) chez les patients polypathologiques âgés de plus de 70 ans si la ferritinémie est inférieure à 50 µg/l, qu'il y ait ou non une anémie.
Pour l'anémie par carence en vitamine B12 ou en folates.
L'anémie par carence en B12 ou folates peut être normocytaire si elle est associée à une carence martiale.
L'association d'une carence en B12 et en folates est habituellement due à une dénutrition et s'observe chez les personnes âgées institutionnalisées.
La prévalence de la carence en vitamine B12 est estimée entre 14 et 40 %. Si l'on se réfère aux marqueurs précoces du déficit en vitamine B12 (homocystéine et acide méthylmalonique), cette carence en B12 est possible chez la personne âgée dès lors que le taux de vitamine B12 est inférieur à 350 pg/ml (260 pmol/l). La cause principale en est une non-dissociation de la vitamine B12 des protéines alimentaires porteuses, elle-même favorisée par l'hypochlorhydrie liée à la gastrite atrophique ou à un traitement anti-acide. La correction de ce déficit par l'apport journalier de 1 000 µg de cyanocobalamine peros pendant 7 jours permet de différencier cette pathologie d'une maladie de Biermer.
Pour l'anémie de l'insuffisance rénale.
La filtration glomérulaire diminue avec l'âge. Si le taux d'Hb diminue pour une clairance Cockcroft < 70 ml/min chez l'homme et < 60 ml/min chez la femme, une anémie ne peut être rattachée à une insuffisance rénale que pour une clairance Cockcroft ≤ 30 ml/min, clairance à partir de laquelle la synthèse d'EPO diminue. Ce diagnostic étiologique ne dispense pas, tenant compte de la fréquence de la carence martiale et des carences en vitamines B, de rechercher ces carences afin de corriger la part de l'anémie qui leur revient.
En conclusion
La cause d'une anémie de la personne âgée est, dans 50 à 60 % des cas, multiple. Cette multifactorialité explique que l'anémie soit le plus souvent normochrome, normocytaire. La démarche diagnostique tient compte de cette particularité afin de proposer un ensemble d'actions correctives avec un objectif curatif ou palliatif. L'anémie est, en effet, statistiquement liée à un risque de perte d'autonomie, particulièrement chez la personne âgée fragile ou polypathologique.
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